Mexique : les conductrices de bus et de taxis s'organisent au pays du volant macho

Depuis le mois d’avril 2012, environ 70 femmes conductrices de transports urbains de la capitale mexicaine ont monté leur propre compagnie de taxis. Une première. Leur buts : apporter un soutien à toutes celles qui sont déjà dans le milieu et offrir un service sûr aux passagères.
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Mexique : les conductrices de bus et de taxis s'organisent au pays du volant macho
Taxis à Mexico - Wikicommons
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A Mexico, pour être indépendantes, elles conduisent des taxis

Il n’est pas rare de voir des femmes conduire ces coccinelles légendaires rouges, jaunes ou vertes dans la ville de Mexico. Mais ce n’est pas la norme.  Les routes de la ville ne les accueillent pas à bras ouverts. Même les plus expérimentées doivent supporter des réflexions misogynes. Et la conduite - au sens propre et figuré - macho.

Les conductrices sont toujours sur leurs gardes. D’autant qu’elles ne sont pas à l’abri des agressions dont toute la profession sans distinction de sexe est victime. Les agressions se comptent par milliers.

Conscientes de tous les obstacles auxquels les femmes doivent faire face, 70 d’entre elles ont mis sur pied l’organisation Mujeres operarias en movimiento (MOM) ou femmes conductrices en mouvement, le printemps dernier.  Il s’agit de la toute première organisation de ce genre dans le pays.
 
Mexique : les conductrices de bus et de taxis s'organisent au pays du volant macho
« Parfois, les passagers ne veulent pas monter parce que je suis une femme »

Les femmes qui ont fondé cette nouvelle organisation ne sont pas des débutantes. Mères célibataires ou femmes issues de milieux très modestes, l’absence d’opportunités dans un monde du travail brutal les a poussées très tôt sur les routes.  En se basant sur leur expérience, elles entendent aider d’autres consoeurs à devenir économiquement indépendantes.

Une des fondatrices, Azhalia Nava Nieves conduit depuis l’âge de 15 ans, elle en a presque 50. Il n’a pas été facile pour elle de se frayer un chemin dans ce monde masculin. D’après MOM, sur les 350.000 chauffeurs de taxi ou de bus recensés par la ville à peine 1% seraient des femmes. 

Avec ses collègues, Azhalia cherche à rendre le parcours des nouvelles venues moins cahoteux : « Parfois quand les passagers nous voient arriver, ils ne veulent même pas monter parce qu’on est des femmes ».

Des autorités à la fois exigeantes et absentes

Bien qu’elles conduisent depuis plus d’une dizaine d’années et qu’elles soient détentrices du permis qui les autorise à transporter des passagers, la ville de Mexico leur a demandé de faire des stages pendant plus d’un an avant de se mettre à leur compte.

La raison de cette formation était surtout de les accompagner dans la gestion de leur petite entreprise. C’est ainsi qu’elles ont appris à tenir leur toute nouvelle base qui est située dans le Nord Ouest de la métropole.

Pour s’y installer, elles ont dû persévérer. Malgré le fait d’avoir créé cette organisation qui, leur donne de la crédibilité, la mairie leur a mis des bâtons dans les roues. Les conductrices n’ont pas reçu l’aide financière à laquelle peuvent prétendre les conducteurs.  Elles souhaitent que la mairie leur facilite l’achat de nouvelles voitures et l’obtention des plaques qui vont avec. Parmi ces 70 femmes à peine 20 possèdent un véhicule propre. 
 
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Les fameux taxis roses de Puebla réservés aux femmes
Pas de taxis roses pour ces dames

Liliana Cisneros, une autre membre de MOM affirme que si la ville a refusé son aide c’est parce que d’autres femmes avaient déjà bénéficié du fonds que les autorités ont prévu pour l’égalité des sexes dans la profession.

Le quota avait déjà été atteint notamment grâce ou à cause de l’opération « taxis roses » lancée en 2010, sous le modèle des bus de la même couleur circulant depuis 2008.

Liliana Cisneros et ses collègues ne veulent pas imiter les initiatives de la ville « qui encouragent la ségrégation ». Pourtant, ces femmes et les autorités mexicaines partagent le même objectif : rendre les transports publics plus sûrs pour la gent féminine. D’après l’Institut national de femmes (Inmujeres) du 28 janvier 2008 au 30 novembre 2011, 1.026 plaintes pour abus sexuel et sept pour harcèlement sexuel - dans les transports public - ont été déposées à Mexico.

Si l’absence de  soutien de la ville a retardé les projets de ces dames, elles ont réussi à réunir les 10.000 pesos (600 euros) dont elles avaient besoin pour mettre en route leur affaire. A terme, elles veulent être en charge de quatre bases et recruter plus de 1.000 membres. D’ailleurs elles lancent un appel sur leur page Facebook à toutes celles qui aimeraient les rejoindre.

En l'an 2000, une autre organisation de la capitale avait déjà tenté l’aventure mais elle a échoué. La concurrence masculine dans le même territoire avait eu raison de son enthousiasme.