Lors de la présentation de l'application
"Je ne suis pas seule",
Veronica Corchado, directrice de l'Institut municipal pour les femmes à Juarez, a expliqué le pourquoi de cette initiative : "
C'est une application qui nous permet de prévenir les situations à risque et de maintenir la communication entre les parents et leurs filles,et avec tous ceux que nous aimons. Pendant des décennies, le centre-ville de Juarez a été "l'épicentre de la douleur". Plus de 50 % des femmes disparues, et retrouvées mortes par la suite, avaient été enlevées dans le centre de Juarez". Ciudad Juarez est une ville frontalière du Texas où le féminicide, le meurtre de femmes en raison de leur sexe, est une pratique courante. Les narcotraficants y jouissent d'une impunitié quasi totale.
Environ 4 000 femmes ont disparu dans l'ensemble du pays en 2011 et 2012. Selon Amnesty International, on compterait 36 000 meurtres dans le pays en 2016, soit 10% de plus que l’année précédente.
L'application "Je ne suis pas seule" a été concue par l’Institut municipal des femmes, un organisme fondé par la municipalité. Son fonctionnement est simple :
"L'application émet une alerte de secours à 5 contacts de confiance préalablement enregistrés par la propriétaire du téléphone. Elle signale sa situation. L'alerte de secours arrive par texto." Lors de cette conférence de presse, le maire, Juarez Armando Cabada, s'est défendu de vouloir "
alarmer la communauté" : "
Nous voulons juste donner aux jeunes filles les outils nécessaires. De sorte que, quand elles se sentent en danger, elles peuvent nous donner des informations pour nous aider à les localiser immédiatement en cas de situation dangereuse".
L'application "Je ne suis pas seule", gratuite, fonctionne sans internet. Il suffit de secouer le portable pour que les SMS soient envoyés aux proches.
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197 disparitions en cinq mois
Initialement, le lancement de l'application était prévu à une date ultérieure dans le cadre du projet
Corridor Seguro ("
Corridor sûr", une série d'initiatives visant à améliorer la sécurité et la revitalisation du centre-ville de Juarez), mais en raison d'une augmentation des cas de femmes disparues, la ville a avancé son lancement.
De fait, les chiffres communiqués par le département du bureau du procureur général de Chihuahua sont atroces. Entre janvier et mai 2017, le bureau signale 197 disparitions de femmes. Et si 178 d'entre elles "ont été résolues", c'est à dire rerouvées mortes, 19 sont toujours portées disparues.
Détail révélateur : l'application n'a pas été conçue pour alerter directement la police, qui ne jouit d'aucune confiance parmi la population, mais pour toucher la famille et les amis. A Ciudad Juarez, ville gangrénée par la corruption, où l'impunité règne en maîtresse, il n'y a plus aucune confiance. Depuis longtemps.