Fil d'Ariane
Voilà une bien triste coïncidence de calendrier : c'est le 3 mai, Journée internationale de la liberté de la presse que Michèle Léridon nous a quitté. Grande figure du journalisme, elle fut de ce combat durant toute sa carrière.
La journaliste Michèle Léridon, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) depuis deux ans après une longue carrière à l'Agence France-Presse, dont elle fut directrice de l'information, est décédée hier à l'âge de 62 ans, a annoncé l'autorité de régulation #AFP pic.twitter.com/hY1B5Swc2y
— Agence France-Presse (@afpfr) May 4, 2021
Et c'est l'AFP, la maison qu'elle avait été la première femme à diriger pendant 5 ans, qui a annoncé sa disparition, dans un sobre communiqué. Nous l'avions rencontrée à ce moment là. Elle avait lancé avec deux journalistes de l'agence un audit qui avait abouti à une charte interne destinée à défendre les droits des femmes au sein de l'agence, et à lutter en particulier contre le sexisme mais aussi à envisager une autre manière de pratiquer le journalisme, par le prisme des femmes, pour ne pas dire féministe. Interroger plus de femmes expertes, ne plus dire "crime passionnel mais féminicide", ou encore "victime présumée mais plutôt accusatrice"... Michèle Léridon était une précurseure et avait très vite ingéré l'effet MeToo sur le journalisme et la manière d'appréhender et traiter l'information à l'aune de ce mouvement planétaire, inédit dans l'histoire du féminisme et de la défense de la parole des femmes victimes de violences.
Le 16 septembre 2021, les Assises du journalisme a décidé de rebaptiser le Grand Prix qu'elles décernent chaque année "Grand Prix du journalisme Michèle Léridon". La direction des Assises du journalisme a estimé que "pendant ses 37 ans de carrière à l'Agence France-Presse, comme au CSA", Michèle Léridon "a mené avec exigence et bienveillance tous les combats qui sont chers aux Assises: qualité et indépendance de l'information, la diversité et la parité dans les rédactions et le traitement de l’information, l’éducation aux médias et à l’information"
Un grand merci a @afpfr et au @csaudiovisuel pour cette implication et ce soutien.
— Assises du Journalisme (@LesAssises) September 16, 2021
Pouvoir placer le Grand Prix du Journalisme des Assises sous la protection exigeante et bienveillante de Michèle Léridon est un honneur et une chance.
"Femme de convictions, Michèle Léridon était une grande journaliste unanimement reconnue", notamment pour "sa riche expérience et sa grande rigueur intellectuelle", a souligné le CSA dans un communiqué, rappelant "son engagement en faveur de la liberté d'expression et de la liberté de l'information" qui aura guidé son parcours.
C’est avec une immense tristesse que le collège et l’ensemble des équipes du Conseil supérieur de l’audiovisuel ont appris la disparition brutale de Michèle Léridon, ce 3 mai 2021. Le CSA s’associe à la douleur de sa famille et de ses proches. https://t.co/wNLKFMnmxG
— CSA (@csaudiovisuel) May 4, 2021
"Michèle m’a énormément appris à mon arrivée à l'AFP, alors qu'elle y était directrice de l’information. Elle incarnait pour moi les valeurs humaines que j'aime à l'Agence : empathie, curiosité pour tout, rectitude, pondération de jugement et sens de l'humour", a réagi le PDG de l'agence de presse, Fabrice Fries, saluant "une personne formidable, amoureuse de la vie".
"Nous sommes tous choqués et anéantis par la disparition soudaine de Michèle", a témoigné Phil Chetwynd, qui lui avait succédé à la direction de l'information, évoquant "non seulement une journaliste remarquable, mais aussi une cheffe courageuse de la rédaction de l’AFP, très admirée pour son honnêteté et son intégrité".
La disparition de Michèle Léridon, ancienne et première femme directrice de l'information à l'#AFP, nous plonge dans une grande tristesse. Entre les lignes n'oubliera jamais son indéfectible soutien, ses conseils, ses convictions pour l'éducation aux médias et à l'information. pic.twitter.com/36kSnVcn8v
— Entre les lignes (@Entreleslignes) May 4, 2021
A l'annonce de sa disparition, sur les réseaux sociaux et dans les médias, la profession témoigne de sa grande émotion et tient à rendre hommage à sa déontologie, et son indéfectible combat contre la désinformation mais aussi pour l'égalité des chances. "Michèle Léridon, une femme d’engagement, de droiture et de bienveillance. - dit d'elle Sonia de Villers sur les ondes de la matinale de France Inter, Elle s’activait depuis longtemps, avec des bourses notamment, pour plus de diversité sociale chez les journalistes, convaincue qu’il fallait agir très en amont pour encourager des jeunes de milieux défavorisés à oser opter pour cette voie."
Immense émotion en apprenant le décès de Michèle Léridon, femme de caractère et de valeurs qui a marqué de sa droiture et de son humanisme le journalisme et l’audiovisuel français. La lutte contre la désinformation perd une sage irremplaçable. Pensées attristées pour les siens.
— Laurent Vallet (@laurent_vallet) May 4, 2021
Tristesse et immense perte pour la déontologie du journalisme et des médias. Michèle Léridon est décédée @SNJ_national @csaudiovisuel @Sonia_Devillers @askolovitchC @Bruce_Toussaint @GerardLeclerc @LaurenceBloch pic.twitter.com/26RVKoNjrG
— Christophe Girard (@cgirard) May 4, 2021
Diplômée du Centre de Formation des Journalistes(CFJ) et en sciences économiques de l'université Lumières Lyon II, la jeune journaliste en devenir débute sa carrière à La Voix de l'Ain et successivement à La nouvelle République du Centre Ouest et à l'Usine Nouvelle (1977-1981).
Elle rejoint l'AFP en 1981, où elle travaille à la rubrique médias, puis effectue des missions en Afrique de l’ouest. Elle fonde ensuite la rubrique Villes-Banlieues, avant d'être nommée directrice adjointe du bureau d'Abidjan. A ce titre, elle assure la couverture des conflits au Liberia et en Sierra Léone (1996-1999). Elle devient successivement adjointe du rédacteur en chef Europe Afrique, cheffe du service des informations sociales, puis directrice de la rédaction, et directrice du bureau de Rome.
A l'été 2014, elle est nommée directrice de l'information, plus haut poste rédactionnel de l'agence. Première femme occupant ces fonctions, Michèle Léridon a notamment contribué à développer les activités de l'agence dans la vidéo et la lutte contre la désinformation.
Début 2019, elle rejoint le CSA. Chargée notamment "de la déontologie des programmes et du pluralisme politique, elle assure le suivi de plusieurs scrutins", mais aussi joue "un rôle majeur dans l'élargissement des missions du Conseil à l'égard des plateformes" et des réseaux sociaux, "contribuant ainsi à la transformation d'une institution qu'elle aura marquée de son empreinte", a résumé le CSA.
Michèle Léridon a également été administratrice de Reporters sans Frontières entre 2015 et 2019.Michèle Léridon savait allier la rigueur et l'engagement, la mesure et le courage. Elle avait une sacrée détermination. Directrice de l'information de l'@AFP, elle fut administratrice de @RSF_inter avant sa nomination au @csaudiovisuel. Nous ressentons une profonde tristesse. pic.twitter.com/pC4Yar5Z95
— Christophe Deloire (@cdeloire) May 4, 2021
"Michèle Léridon n’a jamais rien lâché sur la place des femmes. Dans toutes les instances de l’agence, mais pas seulement, dans ses contenus aussi ! Dans les textes, les images et même les infographies signées de l’AFP", conclut la journaliste de France Inter dans son hommage intervenant quelques minutes après l'annonce sur la même antenne du décès de Michèle Léridon.
Ce chantier, Michèle Léridon avait été l'une des premières à l'engager dans un média français :"Concernant les femmes, on s’est rendu compte que nous avions parfois des expressions maladroites, des manquements. Leur constat, c’est que malgré tout l’AFP n’a pas à rougir de sa production, en revanche, on peut toujours mieux faire. Des questions à se poser, des termes qui interrogent, et puis il y a la féminisation des titres. Il y avait certaines réticences, cette fois, on saura quelle est la doctrine de l’Agence. On a donc décidé d’appliquer les recommandations du guide qui existe", nous confie-t-elle lors de notre rencontre en 2018.