Michelle Bachelet, une féministe à la tête du Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU

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Elle vient tout juste de terminer son deuxième mandat, présidente du Chili jusqu'en mars 2018. Michelle Bachelet est désormais nommée à la tête du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU. Fervente défenseure des droits des femmes, victime de la dictature de Pinochet au Chili, elle continue son combat pour les droits humains.  

Son mandat présidentiel vient à peine de se terminer qu'elle continue son combat. A la question "Quel est votre prochain combat?", Michelle Bachelet répondait en 2012, lors d'une interview à TV5MONDE : "Mon plus grand engagement est en faveur des droits humains, des droits des personnes, hommes et femmes. C'est cette lutte en faveur des droits humains qui m'a remplie de passion, et sans aucun doute, jusqu'au jour de ma mort, je continuerai à lutter ".

Voir aussi : > Interview de Michelle Bachelet par TV5, 2012 : ses nouveaux défis à la tête d'ONU-Femmes

Aujourd'hui, son engagement va se poursuivre à un poste des plus emblématiques de la lutte pour les droits humains... Ce mercredi 9 août 2018, l'ancienne présidente du Chili a été nommée "Haut Comissaire des Nations unies aux droits de l'Homme" par le Secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres. Sa nomination devrait être effective après validation ce vendredi 10 août par l'Assemblée générale des 193 pays membres de l'ONU. 

Qu'est-ce que le poste de Haut Comissaire aux droits de l'Homme ?

Le poste de Haut Comissaire aux droits de l'Homme a été créé en 1993. Nommé pour quatre ans, le Haut-Commissaire a pour mandat de "promouvoir et protéger la jouissance et l’application par toutes les personnes de tous les droits proclamés par la Charte des Nations Unies et dans les lois et traités internationaux sur les droits de l’homme". Il doit "prévenir les violations des droits de l’homme, garantir le respect de tous les droits de l’homme, promouvoir la coopération internationale". Quant à sa nomination, il doit "être une personnalité d’une grande intégrité et jouissant d’une haute considération morale, et devra posséder des connaissances spécialisées, notamment dans le domaine des droits de l’homme, ainsi que la connaissance générale de différentes cultures et l’ouverture d’esprit voulues pour pouvoir s’acquitter de façon impartiale, objective, non sélective et efficace de ses fonctions de Haut Commissaire."

Années de dictature

"En tant que victime elle-même, elle apporte à ce rôle une perspective unique sur l'importance d'une défense vigoureuse des droits humains", estimait avant l'annonce de sa nomination le directeur de Human Rights Watch, Kenneth Roth.

Michelle Bachelet a subi la dictature du général Pinochet. En 1973, après le coup d'Etat, son père, général et proche de Salvador Allende est arrêté "pour trahison". Torturé, il meurt en prison au bout d'un an. En 1975, Michelle Bachelet est arrêtée avec sa mère. Elle sont torturées pendant un mois avant de partir en exil, pour l'Australie.

En 1979, Michelle Bachelet, désormais médecin, revient au Chili. Elle milite pour la démocratie, s'inscrit au parti socialiste. En 2000, elle devient ministre de la Santé, puis ministre de la Défense. Le 15 février 2006, elle est élue présidente. Avant un deuxième mandant de 2014 à 2018.

Lire aussi : Michelle Bachelet revient au Chili prête à redevenir présidente

Quelques dates :
1951, naissance à Santiago, Chili
1973, coup d'Etat du Général Pinochet contre le Président Salvador Allende. Le père de Michelle Bachelet est arrêté pour trahison et torturé. 
1975, Michelle Bachelet et sa mère sont arrêtées par le régime et torturées pendant un mois. Elle s'exilent en Australie. 
2000, Michelle Bachelet devient ministre de la Santé du président Ricardo Lagos, puis ministre de la Défense
2006-2010, Michelle Bachelet est présidente du Chili, toujours très populaire à la fin de son mandat
2008 à 2009, présidente de l'Union des Nations sud-américaines
2010 - 2013, Michelle Bachelet devient directrice d'ONU Femmes, pour l'égalité hommes-femmes, à sa création.
2014-2018, deuxième mandat. Présidente du Chili, Michelle Bachelet fait adopter le mariage homosexuel, et fait dépénaliser (partiellement) l'avortement, l'une de ses grandes causes.
2018, annonce de sa nomation comme Haut Commissaire aux droits de l'Homme à l'ONU.

    Mariage homosexuel et avortement

    "Championne du droit des femmes à long terme", c'est ainsi que le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres qualifie Michelle Bachelet. Présidente du Chili, dans un pays alors réputé conservateur, elle crée en 2016 un ministère de la Femme et de l'égalité de genre.

    En 2017, elle envoie au Congrès un projet de loi pour légaliser le mariage homosexuel. Un projet qui n'a toujours pas été adopté. Michelle Bachelet est cependant parvenue à faire passer "l'accord d'union civile" entre personnes du même sexe au début de son second mandat.

    Quant à l''avortement, il est dépénalisé en 2017. C'est l'un des grands combats de Michelle Bachelet. « Aujourd’hui, nous les femmes avons récupéré un droit essentiel que nous n’aurions jamais dû perdre : celui de prendre des décisions lorsque nous vivons des moments de douleur », déclare-t-elle alors. La dépénalisation reste partielle : les femmes peuvent avorter en cas de risque pour la vie de la femme enceinte, de non-viabilité du fœtus et de viol.

    Lire aussi : > Un ministère de la Femme et de l'Egalité de genre, une première au Chili

    Lutte pour les droits des femmes

    Entre deux mandats - la Constitution interdit au Chili deux mandats consécutifs -Michelle Bachelet continue sa lutte pour les droits des femmes. Elle est nommée directrice exécutive d'Onu femmes, à sa création 2010. Elle axe notamment l'action de l'agence des Nations unies sur les violences faites aux femmes.

    En 2013, après beaucoup de négociations, et face à une alliance conservatrice menée par l'Iran, la Russie, et le Vatican notamment, elle fait adopter la déclaration suivante : "La Commission demande instamment aux Etats de condamner avec force toutes formes de violence contre les femmes et les filles et de s'abstenir d'invoquer toute coutume, tradition ou considération religieuse pour se soustraire à leur obligation de mettre fin [à cette violence]". 

    Sa nomination est saluée par nombre de femmes en Amérique latine, comme cette syndicaliste nicaraguayenne : "Je salue la nomination de Mme Michelle Bachelet au poste de Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme et lui souhaite plein succès dans sa nouvelle et délicate mission."
    Tandis que d'autres citoyens du continent la critiquent pour sa "proximité" avec les dirigeants de Cuba ou du Venezuela...  
    Lire aussi : > Accord planétaire contre les violences faites aux femmes

    Un poste "difficile"

    "Si elle est choisie, (Michelle) Bachelet aura l'un des emplois les plus difficiles au monde, à un moment où les droits de l'Homme subissent une attaque généralisée", estimait avant l'annonce d'Antonio Guterres le directeur de Human Rights Watch, Kenneth Roth. 

    Surtout, elle succède à Zeid Ra'ad Al Hussein, auteur de sorties controversées. Il avait notamment accusé le président Donald Trump  d'être "un danger pour l’humanité"  ou encore demandé "une évaluation psychiatrique" du président philippin Rodrigo Duterte.

    Le Conseil est fragilisé. Les Etats-Unis se sont retirés en juin dernier du Conseil aux droits de l'Homme, pour protester contre la politique de l'institution envers Israël. L'Iran, la Corée du Nord et l'Erythrée refusent aussi de participer aux réunions et délibérations du Conseil. 

    > A revoir l'entretien accordé en mai dernier à nos confrères de la RTS :