Mini ou maxi, les concours de Miss font débat

Mais que se passe-t-il avec les concours de miss ? Les polémiques éclatent aux quatre coins du monde. Reflets des normes et des valeurs sociales, le corps des femmes et la beauté féminine sont plus que jamais en débat. 
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Mini ou maxi, les concours de Miss font débat
En Indonésie, sous la pression des islamistes, le concours de Miss Monde a dû quitter la capitale pour organiser sa finale sur l'ile touristique de Bali à majorité hindouiste (AFP)
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Aux États-Unis, c'est le choix de la Miss qui ne passe pas. Alors qu'il pouvait couronner Miss Kansas, parfaite blonde tatouée qui se fait photographier en treillis militaire et pratique la chasse aux cerfs, le jury a élu une New-Yorkaise de 24 ans, Nina Davuluri, d'origine indienne et fière de l'être. Dès que son nom a été prononcé et que la sublime brune exotique diplômée en médecine a éclaté en sanglots, un flot d'insultes racistes s'est propagé sur les réseaux sociaux remettant en cause sa nationalité américaine et la comparant à une extrémiste islamiste.


  • « Miss America ou Miss Al-Qaïda ? »
  • « Le 11 septembre, c'était il y a quatre jours et cette fille devient Miss America »
  • « C'est plutôt miss Terroriste »
  • « Si on veut devenir Miss America, il faudrait déjà être Américaine »
  • « Les juges libertaires de Miss America refuseront de l'admettre, mais Miss Kansas a perdu parce qu'elle représentait vraiment les valeurs de l'Amérique.»
  • « Eh bien, ils viennent de choisir une Musulmane pour devenir Miss Amérique. Ca a du rendre Obama heureux. Peut-être qu'il avait une voix. »
Face à ces propos haineux, qui révèlent à quel point le « melting pot » américain reste une belle utopie, la nouvelle Miss America se défend.  « Il faut que je sois au-dessus de tout ça, je me suis toujours considérée avant tout comme Américaine », a-t-elle répliqué devant la presse après sa victoire.
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Miss America, Nina Davuluri, au caractère bien trempé, est cette année d'origine indienne

En France, ce sont les concours de mini-miss qui sont attaqués. Le Sénat a décidé d'interdire les concours de beauté pour les moins de 16 ans en adoptant dans la nuit du 17 au 18 septembre un amendement de la centriste Chantal Jouanno, auteure d'un rapport en 2012 sur l'hypersexualisation des petites filles. Le texte prévoit une sanction de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende pour les personnes organisatrices de ces concours qui, arrivés des Etats-Unis, font fureur en France depuis les années 2000.

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La sénatrice française Chantal Jouanno.
« Il faut arrêter de faire croire aux petites-filles que c'est leur apparence et leur capacité  à séduire qui comptent, insiste la sénatrice. Cela va à l'encontre du principe d'égalité. Partout en ce moment, on se bat pour dire que les femmes ont autant que les hommes leur place dans la société car elles peuvent faire aussi bien qu'eux. Il ne faut donc pas les réduire à leur corps. Les femmes sont autre chose que des objets de séduction. »

D'autant qu'il y a de vrais risques  d'atteinte psychologique. « Contrairement à ce que peuvent penser les parents ou les organisateurs, ces concours ne sont pas un jeu pour les enfants, indique Chantal Jouanno. C'est une réelle évaluation entre eux. D'où le risque pour certains de développer des comportements pathologiques comme l'anorexie ou de souffrir d'un manque d'estime de soi aboutissant à des dépressions. L'enfant grandit, change d'apparence et ne s'accepte plus. »

Dans le reste de l’Union européenne, cette décision française pourrait faire tâche d’huile. « Les discussions sont en cours au Parlement européen. Il est certain que la France va faire référence », assure Chantal Jouanno.  D’ailleurs, en Belgique, le ministre de l'enfance de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Jean-Marc Nollet, a réagi dans ce sens. Il a déclaré vouloir faire interdire à son tour de tels concours. Il redoute que ces manifestations de mini-miss, exportées des États-Unis et très développées dans le nord de la France, se délocalisent dans la partie francophone de la Belgique.

Interdiction des “mini miss“ : les organisateurs ont déjà trouvé la parade... En Belgique.

19.09.2013reportage de nos partenaires de la RTBF
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Un modèle au pays de la liberté à tout prix ?

Cette interdiction française, critiquée par certains médias en France, au nom de la liberté individuelle, a en revanche trouvé un large écho Outre-Atlantique où les concours de Miss sont devenus monnaie courante et où beaucoup s'interrogent sur les risques qui pèsent sur les enfants. « Pensez-vous que les États-Unis doivent interdire les concours de mini-miss ? », a ainsi lancé jeudi sur Facebook la chaîne de télévision CNN, invitant ses téléspectateurs à en débattre. Quelque 250.000 petites Américaines participent chaque année à 5.000 de ces concours générant 5 milliards de dollars, selon des estimations publiées dans la presse. Elles y apparaissent souvent outrageusement maquillées et habillées comme des « strip-teaseuses », accuse la psychologue, Wendy Walsh. En 2010, un rapport de l'association américaine de psychologie mettait en garde contre ces concours « donnant à l'apparence une énorme priorité » et pouvant conduire les enfants à souffrir de troubles mentaux.
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Les finalistes de Miss Islam - AFP

Au même moment en Indonésie, alors que s'organisait la première édition de Miss Islam (ou encore « Muslimah World », ou "Musulmanes du Monde"), des pratiquants pieux, s'opposaient, pacifiquement et par un pied de nez, à l'organisation du concours de Miss Monde dans le plus grand pays musulman au monde. Les 137 candidates, qualifiées de « prostituées », n’ont pas été autorisées à défiler en bikini et les organisateurs du concours ont été contraints de délocaliser la finale (prévue samedi 28 septembre) sur l'île touristique de Bali à majorité hindouiste.

Signes extérieurs de beauté

Trois jours avant la cérémonie planétaire de clôture retransmise dans le monde entier, se tenait donc le premier Miss Islam mercredi dernier, sur des critères de beauté « pas seulement extérieure ». « Nous avons délibérément choisi de tenir cet événement juste avant la finale des Miss Monde afin de montrer qu'une alternative existe pour les musulmanes », a indiqué à l'AFP la fondatrice de l'événement, Eka Shanti.
Au programme : récitation du Coran, séances de prières dès 3h du matin, défis sportifs et défilé en voile islamique. « Nous voulons montrer qu'une musulmane qui a du talent peut être belle, et que le hijab n'empêche aucune activité », a précisé Eka Shanti. 

Vingt jeunes femmes d'Iran, de Malaisie, du Brunei, du Nigeria, du Bangladesh et d'Indonésie étaient arrivées en finale parmi plus de 500 femmes, sélectionnées pour leur piété islamique. Le port du hijab étant une condition sine qua non de leur participation. « Ce que je recherche, c'est une personnalité forte, quelqu'un qui aide sa communauté et prouve que la beauté n'est pas que corporelle », a ainsi expliqué la juge malaisienne Jameyah Sheriff, experte en pédagogie.

Et c'est finalement Obabiyi Aishah Ajibola, une étudiante nigériane de 21 ans, qui a remporté ce premier concours. La lauréate n'a pas renié une tradition bien ancrée parmi toutes les Miss de la planète, fondant en larmes en entendant son nom prononcé par les juges. La pieuse Obabiyi Aishah Ajibola s'est ensuite agenouillée pour réciter des prières, remerciant Allah.
 
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Obabiyi Aishah Ajibola, lauréate du premier concours Miss Islam, en Indonésie - AFP