Vous demandez une législation pour punir le harcèlement sexuel en Egypte. Quel contact avez-vous avec des juristes, des députés ou des dirigeants égyptiens ?
Il y a déjà un projet de loi qui n’a pas encore été traité. Le parlement est en train de repousser ça. En plus, aujourd’hui, le Conseil de la choura (conseil consultatif)
a accusé les femmes d’être responsables de leur harcèlement sur la place Tahrir. C’est exactement le cœur du problème : on accuse la victime au lieu de l’auteur du crime. On attaque sa réputation, on fouille dans sa vie personnelle et on l’oblige de passer des tests de virginité. Il y a même des personnes qui, avant d’aider la victime au moment de l’agression, lui demandent si elle est vierge ou pas !
Il y a une culture générale qui ne concerne pas que le parlement. Le pouvoir en place ne réagit pas à ce phénomène et laisse les gens harceler les femmes. Et s’il réagit, il ne fait que déclarer un couvre-feu. La police attend les ordres au lieu de réagir. La société, elle, accepte ce phénomène. Les familles de victimes se taisent au lieu de dénoncer. Et puis les médias cachent tout. Et finalement, les gouvernements successifs ne font jamais passer cette loi qui punit le harcèlement.
En Egypte, le taux de l’analphabétisme atteint les 36.5% (
selon la CIA - 2010). Le pays est plongé dans un conflit politique depuis la révolution. Les jeunes se plaignent de la répression sexuelle. Avec tous ces éléments, comment votre combat arrivera-t-il à ses fins ?
En arrêtant de trouver des excuses au harcèlement sexuel dans la pauvreté, l’analphabétisme et la répression sexuelle. Ce qui se passe aujourd’hui sur la place Tahrir est quelque chose d’organisé. On ne peut pas me faire croire qu’une centaine de jeunes hommes attaquent une femme parce qu’ils avaient tous ce jour-là un désir sexuel inhabituel. Tout est organisé : on regarde ces femmes dans les yeux, on les attaque, ensuite on les sépare l’une de l’autre et on les viole. Cela ne peut jamais être un simple hasard.
Concernant les cas de harcèlement quotidien, ils sont dus à l’analphabétisme, la pauvreté, la répression sexuelle, mais aussi l’éducation sociale masculine qui accentue le regard mal dirigé sur la femme. Cela est le cas dans la société égyptienne et dans le monde arabe, et je dirais aussi dans le monde entier.
Ces pratiques ont pour objectif de pousser la femme en dehors de la vie politique et même de la vie quotidienne. Ces agressions collectives, qui sont pratiquées en Syrie aujourd’hui, ne sont pas nouvelles. Elles avaient été pratiquées aussi en Algérie pendant l’occupation française. Et le but est de marginaliser le rôle de la femme et de faire taire la société.
Quelle sera votre prochaine étape après les manifestations de mardi ?
L’objectif derrière ces manifestation est d’attirer l’attention du monde sur ce qui se passe en Egypte. On veut dire que c’est une cause qui rassemble tout le monde. On aimerait bien que ces manifestations deviennent régulières.