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Les 14 jeunes femmes tuées par Marc Lépine sont Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maud Haviernick, Barbara-Maria Klucznik-Widajewicz, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie Sr-Arneault et Annie Turcotte.
Des représentantes et des représentants de la direction, des associations étudiantes et du syndicat des employés et employées de bureau de Polytechnique se sont réunis pour déposer des gerbes de roses blanches devant la plaque commémorative. pic.twitter.com/U68ISIEnCs
— Polytechnique Mtl (@polymtl) December 6, 2022
Dans son livre, Josée Boileau dresse le portrait des 14 jeunes femmes tuées par Marc Lépine : qui étaient-elles ? Que voulaient-elles devenir ? Comment avaient-elles atterri à "Poly" et pourquoi ? A travers les témoignages de proches, la journaliste rend un vibrant hommage à ces femmes dont la vie a été fauchée en quelques rafales alors qu’elles avaient la vie devant elles. Émouvant aussi de voir que la mémoire de certaines étudiantes a été saluée par différentes bourses d’études portant leur nom ou que plusieurs d’entre elles ont donné leurs noms à des édifices dans leur ville d’origine. Pour ne jamais les oublier.
Evacuation des blessés le 6 décembre 1989.
"Je hais les féministes" : c’est ce que clamait Marc Lépine en perpétrant le massacre et c’est aussi ce qu’il a écrit dans sa lettre posthume. Il a ciblé des étudiantes de Polytechnique car elles étaient, pour lui, des féministes. Parce qu’elles incarnaient, à ses yeux, ce que les femmes avaient réussi à gagner au terme des luttes féministes des dernières années. Parce qu’à ses yeux, elles venaient prendre la place des hommes, parce que ces féministes lui ont toujours gâché la vie. Dans sa lettre, il cite aussi 19 femmes qui étaient des personnalités publiques, journalistes, écrivaines, politiciennes, syndicalistes, et qu’il disait vouloir abattre.
Josée Boileau prend donc le temps, dans son livre, de revenir sur les progrès réalisés par le féminisme entre 1969 et 1989. Des progrès indéniables et considérables : les femmes entrent dans les universités, sur le marché du travail, manifestent pour réclamer le droit à l’avortement et le droit à la contraception. Elles se font élire, deviennent ministres et réussissent à faire adopter des projets de loi importants pour améliorer la condition des Canadiennes. Deux décennies donc qui chamboulent la société québécoise alors que les femmes prennent progressivement leur place.La journaliste revient aussi sur un fait troublant : dans les mois qui ont suivi le massacre, les réactions politiques et les médias vont occulter le fait que Marc Lépine visait des femmes expressément parce qu’il voulait s’en prendre aux "féministes". Pour de très nombreuses Québécoises, ce déni va ajouter au traumatisme et à la blessure. Seules quelques voix vont s’élever pour analyser le geste de Marc Lépine sous l’angle du féminicide et du crime antiféministe. La sexologue et écrivaine Jocelyne Robert, l’essayiste Pierre Bourgault et plusieurs chroniqueuses montrent du doigt la misogynie assumée du tueur, la nature sexiste du crime ; ils dénoncent un "crime collectif contre les femmes". Il va quand même falloir attendre 30 ans pour que le mot "attentat antiféministe" soit apposé sur la plaque commémorative de l’un des monuments à la mémoire des 14 jeunes femmes – c’est maintenant chose faite.
#30ansplustard, la ville de Montréal reconnaît enfin le meurtre de 14 femmes à Polytechnique le 6 décembre 1989 comme un attentat anti-féministe.
— Fédération des Femmes du QC (@LaFFQ) November 4, 2019
La FFQ se réjouit de cette décision de la municipalité. https://t.co/8XqMHKPl6Z
Accusé de viol, le fondateur de Juste pour rire, Gilbert Rozon, opte finalement pour un procès devant juge seul plutôt que pour un procès devant juryhttps://t.co/CVPS5nsjD9
— Radio-Canada Info (@RadioCanadaInfo) December 2, 2019
Autre effet de la tuerie, le mouvement masculiniste a gagné en vigueur dans les années qui ont suivi, comme l'explique également dans son livre Josée Boileau. Les tenants de ce courant antiféministe, se réclamant de Marc Lépine, ont fait entendre leurs voix dans les médias et ont multiplié les coups d'éclats. Pour l’historienne française, Christine Bard, Marc Lépine est "le pionnier du terrorisme masculiniste".
En parallèle, le mouvement féministe québécois, terrassé dans les années qui ont suivi la tuerie, a repris lui aussi de la vigueur. Les militantes féministes ont mené de nombreux combats, organisé des manifestations, comme la marche des femmes contre la pauvreté en 1995 ou la marche mondiale des femmes en 2000, et remporté des victoires importantes.
Quand les tours jumelles se sont effondrées le 11 septembre 2001, chacun se souvient où il se trouvait et ce qu’il faisait. C’est un peu la même chose pour la tuerie de Polytechnique au Québec : on se souvient très précisément de ce drame. Je venais d’arriver comme étudiante à Montréal, mais j’étais dans l’autre université francophone de Montréal, l’UQAM. Par contre, j’habitais dans le quartier où se situent Polytechnique et l’Université de Montréal. Et je me souviens très précisément de cette petite neige qui tombait sur Montréal ce soir-là quand, abasourdis, nous apprenions le massacre, je me souviens de ce frisson d’effroi intense qui m’avait parcouru des pieds à la tête en réalisant que là, à quelques centaines de mètres de où je me trouvais, 14 jeunes femmes venaient d’être massacrées sans pitié. Je me souviens du téléphone qui a résonné dans mon petit studio en plein en nuit quand ma mère, en France, en entendant la nouvelle le matin, m’a appelée pour savoir si tout allait bien pour moi, je me souviens de l’inquiétude dans sa voix à l’autre bout du fil.
La tuerie de polytechnique m’a profondément bouleversée : parce que ces 14 jeunes femmes étaient étudiantes, comme moi, parce qu’on avait le même âge. Parce que cela aurait pu être moi. Un documentaire tout aussi pertinent que le livre de Josée Boileau, Ce qu’il reste du 6 décembre, réalisé par Judith Plamondon, a été présenté sur les ondes de Radio-Canada cette semaine. J’ai tenu à ce que ma fille de 13 ans le regarde avec moi : pour qu’elle apprenne ce qu’il s’est passé ce jour-là, pour qu’elle comprenne que rien n’est acquis pour les femmes, que les luttes pour l’égalité entre les sexes sont loin d’être terminées. Ce documentaire et ce livre ont été faits justement pour ces jeunes générations qui n’étaient pas nées en 1989, un devoir de mémoire indispensable. Trente ans plus tard, je me souviens, personne n’a oublié, personne ici ne pourra jamais oublier.
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