A Montréal, dix-sept femmes diplomates refont le monde, première réunion du genre

Elles sont venues des cinq continents à l’appel de la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland et de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères Federica Mogherini : pendant deux jours, les 21 et 22 septembre 2018 à Montréal, 17 femmes diplomates ont partagé leur expérience et discuté des grands enjeux internationaux de l’heure.
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femmes ministres affaires étrangères groupe
Dix neuf femmes, ministres des Affaires étrangères, membres de cabinet, représentant la diplomatie de leurs pays respectifs, amenées à travailler deux jours durant, avec intensité lors de la première rencontre des femmes diplomates à Montréal les 21 et 22 septembre 2018... 
(c) Catherine François
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« Nous avons planté une graine qui, je pense, va devenir une plante produisant de belles fleurs. » a lancé Federica Mogherini, haute représentante de l'Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. Celle, qui est en quelque sorte ministre des Affaires étrangères de l'Europe, coprésidait cette réunion inédite en compagnie de Chrystia Freeland, à la tête de la diplomatie canadienne ...

Une rencontre historique

Il y a 20 ans, la secrétaire d’État américaine Madeleine Albright avait pris l’initiative d’une réunion similaire, mais elle s’était tenue dans un cadre très informel, ce qui n’a pas été le cas de celle-ci. Lors de la séance d'ouverture, les deux coprésidentes ont dit espérer que cette rencontre marquera le début d'une tradition de coopération entre les femmes ministres.

Outre Mmes Freeland et Mogherini, la conférence réunissait des ministres ou membres hautes placées de cabinets de quinze autres pays (Afrique du Sud, Andorre, Bulgarie, Costa Rica, Croatie, Ghana, Guatemala, Indonésie, Kenya, Namibie, Norvège, Panama, Rwanda, Sainte-Lucie et Suède).

Une occasion historique pour nous, les femmes ministres des Affaires étrangères, d’appliquer une perspective féministe aux questions portant sur l’ordre international
Chrystia Freeland , ministre des Affaires étrangères du Canada

Vendredi 21 et samedi 22 septembre 2018, ces 17 femmes diplomates en provenance du monde entier ont tenu des réunions en circuit fermé sur trois grandes thématiques : le renforcement de l'autonomie, de la participation politique et du leadership des femmes, la promotion de la paix et de la sécurité et l'élimination de la violence fondée sur le genre. Une occasion unique de se demander ce que les femmes apportent à la diplomatie, comment elles l’appréhendent par rapport aux hommes, si elles sont plus aptes et efficaces à résoudre des conflits, trouver des compromis, élaborer des traités de paix qui seront plus durables et qui auront une perspective plus large, etc.

« Cette réunion représente une occasion historique pour nous, les femmes ministres des Affaires étrangères, d’appliquer une perspective féministe aux questions portant sur l’ordre international… une rencontre comme celle-ci nous permet d’envoyer un message puissant dans le monde, que toutes les femmes, peu importe leur niveau d’implication dans leur société ont un rôle clé à jouer afin de trouver des solutions aux défis politiques, économiques et sociaux auxquels nos sociétés font face, a déclaré Chrystia Freeland en conférence de presse  de clôture de l’événement. Et les gains que nous avons aujourd’hui, il ne faut pas les tenir pour acquis, mais plutôt continuer de se battre pour les rendre permanents. Sans les femmes dans la balance décisionnelle, nous ne pouvons pas avoir de développement équilibré de nos sociétés et nous ne pouvons pas atteindre la paix et la prospérité à laquelle nous aspirons ».

Avant de remercier celles qui l'ont "inspirée par les discussions importantes et les solutions pratiques que les femmes ministres des Affaires étrangères ont discutées pour aborder la violence basée sur le genre, la résolution des conflits et bien d'autres défis. Rendons ce changement féministe irréversible.

Un duo bien décidé à aborder les sujets qui fâchent

Ces femmes diplomates en ont profité pour discuter aussi des grands enjeux internationaux de l’heure, la situation en Syrie, le conflit larvé en Ukraine, le génocide de la minorité des Rohingyas en Birmanie. Elles ont aussi rencontré des membres et des organismes de la société civile.

Federica Mogherini a tenu à souligner de son côté le partenariat étroit, sur le plan diplomatique, entre le Canada et l’Union européenne. L’Italienne, qui tient d’une main de fer la diplomatie européenne, a précisé qu’elle avait eu l’idée de tenir cette réunion avec Chrystia Freeland lors de la rencontre, au printemps dernier, des ministres des Affaires étrangères du G7 à Toronto.

Création d’un bureau et nomination d’une ambassadrice pour le Programme sur les femmes, la paix et la sécurité

Un engagement concret a été pris lors de cette rencontre : la ministre Freeland était fière d’annoncer la création, par le Canada, d’un bureau et la nomination d’une ambassadrice pour le Programme sur les femmes, la paix et la sécurité mis en place par le Canada. Cette ambassadrice sera chargée de fournir des conseils afin de bonifier l’application de ce plan. La ministre Freeland n’a toutefois pas donné davantage de détails, ni sur ce nouveau bureau ni sur celle qui sera nommée ambassadrice.

Les diplomates ont semblé apprécier leur réunion qu’elles ont qualifiée de constructive et qu’elles ont bien l’intention de répéter prochainement. Pas de date précise fixée, pas de groupe spécifique créé non plus, elles veulent se laisser une souplesse de fonctionnement dans leur dynamique relationnelle. Federica Mogherini a précisé qu’elles voulaient voir comment elles pouvaient poursuivre ce travail entamé d’une façon informelle avant de créer quoi que ce soit de formel. Et que ces discussions de deux jours avaient été parmi les meilleures auxquelles elle ait assisté et participé en matière d’affaires étrangères.  

On peut voir ci dessous, la Kenyane Monica Juma et l'Indonésienne Retno Marsudi se féliciter de la discussion générale et de leurs apartés bilatéraux avec Mme Freeman... 

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Le temps des symboles

Avant de quitter Montréal pour se rendre à New York, où se tient la semaine prochaine l’Assemblée nationale de l’ONU, les femmes diplomates sont allées déposer des fleurs sur le monument des 14 victimes de la tuerie de Polytechnique : 14 jeunes femmes tombées sous les balles d’un tueur qui détestait les femmes en décembre 1989 à l’école Polytechnique à Montréal.
Un geste symbolique fort pour clôturer cette première réunion des femmes ministres des Affaires étrangères.