Mots et maux d'Anna Politkovskaïa, dans le regard et la voix d'Anne Alvaro

Anna Politkovskaïa, cette journaliste russe qui a dénoncé les atrocités de la guerre en Tchétchénie avant d’être assassinée en bas de son immeuble à Moscou le 7 octobre 2006, revit sur les planches parisiennes, au Théâtre de l’Atelier. C’est la comédienne française Anna Alvaro qui l’interprète avec force et justesse dans une mise en scène d'Arnaud Meunier.
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Mots et maux d'Anna Politkovskaïa, dans le regard et la voix d'Anne Alvaro
Anne Alvaro interprétant Anna Politovskaïa dans une mise en scène d' Arnaud Meunier.
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Un corps tendu droit comme un i, un regard intense, une voix poignante d’émotions. Anne Alvaro est là, dans une Tchétchénie mise à feu et à sang tant par l’armée russe que par ses dérives mafieuses. Sous les bombes, dans les immeubles sans eau ni chauffage, devant les barrages militaires. La comédienne donne à voir le travail minutieux qu’a mené, en dépit des menaces, la reporter de guerre pour le bi-hebdomadaire moscovite, Novaïa Gazeta qui a gagné ses galons de journal indépendant au prix du sang. 
 
Rencontre glaçante avec un jeune enrôlé de 19 ans, orphelin, qui tue « au moins trois à quatre Tchétchènes par jour ». Visite déconcertante d’un hôpital de Grozny où les femmes violées deviennent « rien ». Interview musclée avec un haut responsable qui considère que « les gens d’ici sont des enculés ». 
 
Pour le pouvoir russe, déjà tenu d’une main de fer par Vladimir Poutine, Anna Politkovskaïa faisait partie des ennemis de l’Etat que « l’on ne peut ramener à la raison », « les non rééducables ».  Fille de diplomates soviétiques née à New York en 1958, (elle avait toujours un passeport américain qui la protégeait croyait-elle) elle s’est acharnée à rencontrer tous les protagonistes du conflit tchétchène et à faire entendre la voix des victimes. Non pour juger mais simplement pour chercher à comprendre. 
 
 

“Ils ne seraient pas morts, s'ils ne m'avaient pas parlé“

Anne Alvaro et Régis Royer, mise en scène de Arnaud Meunier, texte de Stefano Massini, dans un extrait de “Femme non rééducable“ - Images : Camp de base Production
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Pas d'héroïsation
 
Sur scène, le texte, composé à partir des nombreux écrits de la journaliste, est à la fois brut et limpide. Porté par le violon électro-accoustique de Régis Huby, il rebondit avec force et gravité entre Anne Alvaro et son partenaire Régis Boyer. Pas d’effet d’héroïsation. Mais un hommage subtil et sensible. La pièce révèle non seulement le courage mais aussi toute la lucidité d'Anna Politkovskaïa, les peurs et doutes d'une femme qui était aussi mère de deux enfants, ses violentes crises de conscience qui sans cesse la rattrapaient tant chez elle devant sa télé que sur le terrain au milieu des morts. 
 
L’assassinat d’Anna Politkovskaia reste encore non élucidé. L'enquête a été close en juin 2008 par la mise en examen de quatre suspects, dont trois originaires de Tchétchénie et un officier du FSB. Aucun commanditaire n'a été retrouvé ni inculpé. Lorsqu'elle fut assassinée, elle gênait autant le pouvoir sanguinaire du Ramzan Akhmadovitch Kadyrov, l'héritier président mégalomane de la république autonome de Tchétchénie et ses alliés moscovites, que certains groupes indépendantistes mafieux, deux faces d'un même Janus, qu'elle renvoyait dos à dos.
 
 
 

“Nous avons tous une mémoire de Anna Politkovskaïa“

Entretien avec Anne Alvaro, propos recueillis par Sylvie Braibant

24.04.2014

..."Ce que me revient des spectateurs, des femmes souvent, c'est qu'ils ont chacun une mémoire de Politkovskaïa, une histoire avec Politkovskaïa. Cette chaine témoigne de Politkovskaïa, de même que moi je témoigne d'elle."...
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Femme non-rééducable, au Théatre de l’Atelier, Paris, jusqu’au 28 mai 2014 
 

Anna Politovskaïa face à Poutine