Cette semaine "Terriennes" vous emmène à la rencontre de Nalini Malani. pic.twitter.com/4aMK4KSRI4
— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) May 11, 2023
Fil d'Ariane
Nalini Malani est une pionnière en matière d'art vidéo immersif, cette artiste indienne engagée plonge le public dans le noir et enchaîne sur des écrans vidéos des dessins chocs réalisés sur tablette tactile, une oeuvre à découvrir au Musée des Beaux Arts de Montréal jusqu'à fin août 2023.
« Nalini Malani : Par-delà les frontières » est la première exposition individuelle au Canada de cette artiste multidisciplinaire d’origine indienne, l’une des plus marquantes sur la scène de l’art contemporain.
La conservatrice en chef du Musée des Beaux-Arts de Montréal, Mary-Dailey Desmarais, suit la carrière de Nalini Malani depuis des années, « à chaque fois que je vois son travail, je suis émue » nous confie-t-elle.
C’est une artiste courageuse et engagée qui, à travers l’art, assure un engagement collectif.Mary-Dailey Desmarais
Alors lors d’un récent voyage en Inde, elle a saisi l’occasion pour aller rencontrer l’artiste dans son atelier, à Bombay. C’est de cette rencontre qu’est née cette exposition qui comprend trois des œuvres les plus récentes de l’artiste : un immense tableau mural in situ éphémère, car il sera détruit à la fin de l’exposition, baptisé City of Desires-Crossing Boundaries, une projection vidéo qui, tous les soirs, illumine l’une des façades du Musée, Ballade d’une femme, et, pièce maîtresse, une installation vidéo intitulée Can You Hear Me ? (M’entends-tu ?) encensée partout où elle a été présentée depuis sa création, en 2018.
Nalini Malani (née en 1946) évolue dans le champ de l’art multimédia depuis les années 1960. Lauréate du prix Joan-Miró 2019, elle a notamment présenté son travail dans 30 expositions muséales individuelles à l’international. Les plus récentes se sont tenues au Centre Pompidou (Paris), à la Whitechapel Gallery (Londres), au M+ (Hong Kong), à l’Art Gallery of South Australia (Adélaïde) et à la National Gallery (Londres).
Nalini Malani est née en 1946 à Karachi, dans ce qui deviendra plus tard le Pakistan. L’artiste, considérée comme une pionnière dans sa pratique multimédia qui comprend des vidéos, films, animations, dessins et peintures, a accepté avec enthousiasme l’invitation du Musée des Beaux-Arts de Montréal à faire découvrir une partie de son travail au public canadien.
« C’est une artiste courageuse et engagée qui, à travers l’art, assure un engagement collectif, souligne Mary-Dailey Desmarais. Elle nous invite à penser, à réfléchir sur les inégalités, sur nos sociétés et tout cela à travers un art puissant, tant au niveau de son concept qu’au niveau formel. C’est une œuvre éblouissante, qui provoque une sorte d’émerveillement… Nous, au Musée des Beaux-Arts de Montréal, on veut que les gens soient émus par l’art, que cela les touche, que cela suscite leur curiosité, c’est pour cela qu’on voulait exposer Nalini Malani ».
Mary-Dailey Desmarais, commissaire de l’exposition "Nalini Malani : par-delà les frontières".
L’œuvre maitresse de cette exposition est installée dans une grande salle du musée plongée dans le noir pour permettre la projection de neuf vidéos comprenant 88 dessins animés réalisés par l’artiste avec son index sur un IPad.
C’est la triste histoire d’une fillette violée en Inde par huit hommes et que personne n’a entendu alors qu’elle appelait à l’aide qui a inspiré cette œuvre à Nalini Malani en 2018. Les vidéos tournent en boucle, sans début ni fin, représentant les dessins animés de Nalini, des messages issus de ses pensées intimes, des figures mythologiques et des citations d’auteurs comme Kundera ou Ghandi, sur une musique composée par l’artiste à partir de l’application Garage Band.
Image extraite de l'exposition "Nalini Malani : au delà des frontières" au MBAM jusqu'au 23 août 2023 à Montréal.
« Cette œuvre parle des enjeux de la violence contre les femmes, les inégalités entre les genres et les inégalités sociales, explique Mary-Dailey Desmarais. Pour Nalini, c’est comme entrer dans un cerveau humain, plein d’angoisses, avec des pensées intimes qui tournent en boucle, sans interruption ».
L’effet est saisissant, hypnotique pour le visiteur qui ressort ébranlé par cette expérience immersive unique, par la puissance des messages, par la beauté des dessins de Nalini. Il faut prendre le temps de regarder ces vidéos, se laisser imprégner par la musique aux accents presque enfantins qui contrastent avec la violence des scènes qui défilent devant nos yeux…
« Nalini m’a dit que, selon elle, les meilleures œuvres d’art doivent être lues comme un livre et le visiteur doit développer une relation intime avec » rapporte la Conservatrice en chef du MBAM.
L’artiste, qui dit avoir appris à dessiner dans ses cours de biologie, est aussi une fervente partisane de l’art démocratique et de l’art éphémère. « Le plus important pour elle, c’est l’émotion que suscite son œuvre, l’expérience qu’elle nous offre et non sa valeur marchande » ajoute-t-elle.
L’installation Can You Hear Me? [M’entends-tu?] (2018-2020), une salle d’animation à 9 canaux comprenant 88 animations image par image dessinées à la main sur tablette, qui plonge le public dans ce que Nalini Malani décrit comme un « cerveau plein d’agitation et d’idées ».
L’exposition comprend donc une œuvre éphémère de l’artiste, City of Desires-Crossing Boundaries, qui sera détruite en août prochain sans que l’on sache encore comment.
Et comme l'artiste n’est pas venue à Montréal pour monter cette exposition, la création de la murale s’est faite à distance explique la Conservatrice : « Elle a fait le plan pour le dessin dans son studio et a travaillé avec deux artistes muralistes de Montréal, Iuliana Irimia et Cassandra Dickie, elles se sont parlé par visioconférences pour que les deux artistes retranscrivent son dessin sur le mur, sous sa supervision ».
Ballade d'une femme, 2023, vidéo projetée sur la façade du pavillon Michal et Renata Hornstein du MBAM, animation image par image à canal unique, dessinée à la main sur iPad, sans son, 4 min 58 s (en boucle).
Un art démocratique aussi avec cette troisième œuvre de l’artiste, créée spécifiquement à la demande du MBAM, qui consiste à illuminer, dès la nuit tombée, l’une des façades du musée, le tout offert gratuitement à tous les passants. Baptisée « Ballade d’une femme », cette illumination très colorée, qui dure cinq minutes et qui tourne en boucle, raconte l’histoire d’une femme, assassinée par un homme, qui reprend vie et qui efface toutes les traces de son assassin, « cet instinct de protéger son assassin représente pour Nalini le poids que les femmes doivent porter depuis la nuit des temps » précise Mary-Dailey Desmarais.
Elle est fortement engagée au niveau socio-politique, c’est une féministe qui se bat pour la cause des femmes, qui dénonce les injustices contre les femmes en Inde mais aussi ailleurs dans le monde, comme ici au Canada. Mary-Dailey Desmarais
Nalini a aussi offert gratuitement sur son compte Instagram tous les dessins réalisés pour son œuvre « M’entends-tu ? / Can you hear me ? »
La Conservatrice du MBAM ne tarit pas d’éloges à l’égard de Nalini Malani : « C’est l’une des artistes indiennes les plus importantes, une pionnière dans le domaine de la vidéo, elle a plus de 50 ans de pratique, elle se renouvelle continuellement, dans le dessin, dans les arts de scène, dans l’animation, dans le vidéo, dans l’installation de performance. Elle est fortement engagée au niveau socio-politique, c’est une féministe qui se bat pour la cause des femmes, qui dénonce les injustices contre les femmes en Inde mais aussi ailleurs dans le monde, comme ici au Canada. C’est quelqu’un dont la pratique est aussi très ancrée dans la littérature, dans la mythologie, qui peut évoquer la brutalité et la beauté de notre monde mais aussi qui porte l’espoir, le rêve d’avoir un monde meilleur. »
Pour Mary-Dailey Desmarais, « Nalini Malani dénonce la complaisance devant les inégalités sociales et elle nous invite à nous engager collectivement, elle traite de certains enjeux spécifiques à l’Inde mais aussi des enjeux qui nous touchent tous. Elle a un regard global, une pratique fortement pertinente qui inspire, qui nous fait nous questionner sur les violences actuelles, les guerres, les conflits sociaux dans le monde ».
Au fil d’une carrière s’échelonnant sur cinq décennies, l’artiste indienne Nalini Malani a créé un langage visuel unique.
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