Nasrin Sotoudeh : l'avocate iranienne en grève de la faim libérée, puis reconduite en prison

Cela fait plus de deux ans que Nasrin Sotoudeh, défenseuse des droits des femmes, est détenue en prison en Iran. En mars 2019, la justice de son pays la condamnait à trente-trois ans de détention et 148 coups de fouet supplémentaires. Un an plus tard, l'avocate entamait une grève de la faim. En novembre 2020, elle était provisoirement libérée pour "raison de santé" puis, quelques semaines plus tard, reconduite en prison.
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nasrin sotoudeh
©DR
En France, le soutien des avocats pour leur consoeur iranienne, exemple ici en Aveyron, le Conseil de l’ordre a élu à l’unanimité Nasrin Sotoudeh membre d’honneur du barreau de l’Aveyron, le 19 avril 2019 #FreeNasrinSotoudeh.
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Nasrin Sotoudeh
©AP Photo/Arash Ashourinia
Nasrin Sotoudeh a été condamnée à 33 ans de prison par la justice iranienne. Une mobilisation internationale se met en place pour obtenir sa libération derrière le mot dièse #FreeNasrin. 
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"Le voile obligatoire n'existe pas dans la Constitution iranienne. Une partie des femmes qui ont voté il y a 40 ans pour cette Constitution étaient non voilées. À l'époque, le voile n'était pas obligatoire. Si le code pénal islamique oblige au port du voile, cela va à l'encontre de la liberté de l'individu, donc ce n'est pas légal,"  déclarait Nasrin Sotoudeh. En mars 2018, c'est en ces termes qu'elle se confiait à une journaliste de France Inter qu'elle recevait dans son bureau à Téhéran - elle ne savait pas à ce moment-là qu'elle allait bientôt être arrêtée et emprisonnée. 

Le 17 mars 2020, l'avocate entamait une nouvelle grève de la faim. Une information relayée par Anton Struve, 34 ans, juriste parisien, qui défend au quotidien sur les réseaux sociaux le combat des Iraniennes pour leurs droits.

Début novembre, la libération temporaire de Nasrin Sotoudeh, "relâchée de façon temporaire avec l’aval du procureur chargé des prisons des femmes", est saluée par tous ceux, nombreux, qui l'ont soutenue.

L'avocate a voulu remercier tous ceux dont les messages l'ont, dit-elle "maintenue en vie" :

Quelques jours après sa sortie de prison, Nasrin Sotoudeh est testée positive au Covid-19. Quelques semaines plus tard, elle est reconduite en prison : 

Condamnation alourdie en 2019

Alors qu'elle purge déjà une peine de cinq ans de prison, l’avocate et militante féministe iranienne Nasrin Sotoudeh écope, le 11 mars 2019, de 33 ans supplémentaires et de 148 coups de fouets. C'est ce qui lui en coûte de se battre pour les droits des femmes en Iran et de protester contre les lois sur le port obligatoire du hijab.

"C’est une condamnation à mort envers cette incroyable militante. Malheureusement, elle succombera avant le 148eme coup de fouet…" écrit une internaute sur Twitter. Sur les réseaux sociaux, les internautes expriment leur colère via le mot dièse #FreeNasrin, en Iran, mais aussi en Europe et aux Etats-Unis. "L’horreur de la peine révèle à quel point Nasrin Sotoudeh fait peur aux illuminés du régime. Nous devons exiger sa libération, sans compromis", écrit un autre. "Le système judiciaire iranien est devenu une source systématique d’injustice, de violence et d’insécurité", peut-on également lire.

"Pourquoi ? Parce qu’elle a bravement défendu les droits des femmes. Les droits des enfants. Un Iran plus sûr et plus juste. Pourtant, pour cela, elle purge une peine de prison de 38 ans et sera flagellée 148 fois. #FreeNasrin maintenant", dit encore cet autre internaute.
 

Depuis l'annonce de cette condamnation, la pétition lancée par Amnesty International a recueilli  plus de 1,5 million de signatures à travers le monde pour exiger sa libération. En France, l'organisation a même lancé une "action coup de poing" pour saturer la boîte e-mail de l’ambassade d’Iran à Paris. "Vous êtes plus de 22 000 personnes à avoir envoyé un email demandant la libération de Nasrin !", lit-on dans un communiqué publié mi-avril. 

Dès l'annonce du jugement au mois de mars, Amnesty International demande que l’accusée soit "libérée immédiatement... Il est scandaleux que les autorités iraniennes la punissent pour son travail en faveur des droits humains. Sa condamnation renforce la réputation de l’Iran en tant qu’oppresseur cruel des droits de la femme", peut-on lire dans le communiqué.

Les femmes et les filles en Iran ne sont pas autorisées à sortir de chez elles sans se couvrir les cheveux d'un foulard et les bras et les jambes de vêtements amples. Nasrin voulait que cela change et elle a été emprisonnée pour cela.
Amnesty International

L’ONG rappelle également l’article 134 du Code pénal iranien qui autorise les juges à infliger une peine plus élevée que celle prévue par la loi lorsque l’accusé fait l’objet de plus de trois chefs d’accusation. "Ici, le juge Mohammad Moghiseh a infligé 4 années supplémentaires à la peine totale de prison, la faisant passer du maximum statutaire de 29 à 33 ans", déplore-t-elle.

"Les femmes et les filles en Iran ne sont pas autorisées à sortir de chez elles sans se couvrir les cheveux d'un foulard et les bras et les jambes de vêtements amples. Nasrin voulait que cela change et elle a été emprisonnée pour cela, ajoute l'organisation. C’est la peine la plus sévère à l’encontre d’un défenseur des droits de l’homme en Iran ces dernières années, ce qui suggère que les autorités renforcent leur répression. Ces peines maintiennent Nasrin séparée de son mari et de ses deux enfants et l’empêchent de pouvoir mener à bien son important travail d’avocate spécialiste des droits humains", poursuit l’organisme de défense des Droits humains.

L’Union européenne a également dénoncé cette peine de prison et demandé "un réexamen immédiat de la sentence... Nasrin Sotoudeh a été condamnée à l’issue d’un procès par contumace qui a également mis en cause un certain nombre d’autres violations du droit à une procédure régulière, déplorait la porte-parole de la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, au moment de l'annonce de cette condamnation. Nous attendons de l’Iran que le droit de Reza Khandan et Nasrin Sotoudeh de faire appel de leur condamnation soit respecté". 
 

Symbole de l'opposition iranienne

L'avocate était dans le viseur de la justice iranienne depuis des années. Elle est notamment connue pour son soutien envers les femmes qui manifestent contre le port du voile obligatoire dans son pays. Ce mouvement de contestation, né en 2014, prend de l’ampleur ces derniers mois, notamment sur les réseaux sociaux. Une trentaine d’arrestations ont eu lieu jusqu’à présent.

L'activiste iranienne, âgée de 55 ans, purge déjà une peine de 5 ans depuis juin 2018 dans la prison d'Evin à Téhéran. Nasrin Sotoudeh est poursuivie pour sept chefs d’accusation, dont "divulgation d’informations dirigées contre l’Etat, espionnage et apparition devant l’autorité judiciaire sans hijab islamique", comme le rapporte son avocat en décembre dernier. Dès lors, elle décide de ne pas se faire représenter au tribunal car la procédure en cours ne réunit pas, selon elle, les conditions d'un "procès équitable". Son mari a également été condamné à 6 ans de prison pour "complot contre la sécurité nationale" en janvier dernier.   

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©captureecran/twitter/@ritapaloscia

Célèbre figure du militantisme pour la défense des libertés, l’avocate originaire de Téhéran s’oppose aux autorités iraniennes depuis plus de dix ans. A la suite du mouvement de contestation des élections de 2009, Nasrin Sodouteh avait défendu des activistes et des prisonniers condamnés à la peine de mort pour des infractions commises lorsqu’ils étaient mineurs.

En 2011, elle avait été condamnée à 11 ans de prison pour "diffusion de propagande et conspiration mettant en danger la sécurité de l’Etat". Cette peine avait été assortie d’une interdiction de pratiquer sa profession. Suite à cela, celle qui est aussi mère de deux enfants avait entamé plusieurs grèves de la faim pour protester contre la pression pesant sur sa famille. A cette époque, Amnesty International avait demandé sa libération immédiate. Nasrin Sodouteh avait été graciée deux ans plus tard. 

 

(Traduction : 'Nazanin a accepté le prix One Humanity de @PENCanada au nom de l’avocate iranienne emprisonnée, Nasrin Sotoudeh. Ses efforts pour défendre les femmes et les enfants condamnés à mort en Iran ont conduit le régime à la condamner à une peine de 38 ans d'emprisonnement et 143 coups de fouet.')
 
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Dessin publié dans Il Manifesto, signé Mauro Biani
©MauroBiani/twitter

En 2012, le Parlement européen lui décerne le Prix Sakharov pour la "liberté de l’esprit". En 2018, elle reçoit le Prix international des droits de l’homme Ludovic-Trarieux. Le 11 avril 2019, on lui décerne le prix One Humanity lors du gala annuel de PEN Canada à Toronto. C'est l'activiste irano-canadienne Nazanin Afshin-Jam MacKay qui la représente pour recevoir ce prix, remis par l'icône littéraire canadienne Margaret Atwood

"La persécution contre cette femme courageuse qui aide les femmes à obtenir un traitement équitable doit cesser immédiatement", déclare depuis la tribune de la cérémonie l'autrice, entre autres, du roman à succès adapté en série à la télévision La Servante écarlate.

Les avocat.e.s solidaires

Au-delà des nombreux soutiens officiels se met en place une véritable chaîne de solidarité dans les rangs des avocat.e.s. Dès le 12 mars, le barreau de Paris fait de Nasrin Sotoudeh sa "membre d'honneur" : "Il faut qu'elle sache qu'ici, on ne la laisse pas tomber" déclare Basile Ader, vice-bâtonnier de Paris. C'est une avocate, et c'est parce qu'elle a fait son métier d'avocate, qu'elle est ainsi traitée, s'indigne-t-il sur France InfoC'est la négation de l'existence de la défense". D'autres barreaux ailleurs en France rejoignent le mouvement en organisant des campagnes d'affichage et des rassemblements.

Le 11 avril dernier, les avocats parisiens organisent une conférence, en présence de Shirin Ebadi, avocate et juge iranienne, prix Nobel de la paix 2003. A cette occasion, Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris a tenu à rappeler les principes de base relatifs au rôle du barreau des Nations unies (1990), selon lesquels les pouvoirs publics doivent veiller "à ce que les avocats puissent s'acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue, puissent voyager et consulter leurs clients librement, dans le pays comme à l'étranger (...) ne fassent pas l'objet, ni ne soient menacés de poursuites ou de sanctions économiques ou autres pour toutes mesures prises conformément à leurs obligations et normes professionnelles reconnues et à leur déontologie". Le vice-batonnier a ensuite lu une lettre que Nasrin Sotoudeh a écrite depuis sa cellule et transmise par son mari, Reza Khandan. 

La liberté de se vêtir pour les femmes fait partie des libertés fondamentales et le développement de la démocratie dans la société est conditionné au développement des droits des femmes.
Nasrin Sotoudeh – prison d'Evin, section des femmes, 10 avril 2019 

"Veuillez recevoir mes chaleureuses salutations depuis la prison d’Evin. La bonne nouvelle de vos efforts marqués d’amour et de bienveillance me remplit de joie et de surprise. Ma surprise vient du fait que je ne fais que mon devoir", écrit-elle.

Elle souhaite aussi adresser ces quelques mots à certains de ses compatriotes qui "profitent de leur liberté de parole pour dire que, dans le contexte actuel, la question de la liberté de se vêtir n’est pas le sujet le plus important à aborder. Toutefois, tout en respectant leurs avis, en les soutenant dans l’exercice de leurs droits et en respectant leur humanité, je souhaite leur dire que la liberté de se vêtir pour les femmes fait partie des libertés fondamentales et que le développement de la démocratie dans la société est conditionné au développement des droits des femmes. Tant que ce droit de se vêtir librement n’est pas assuré, les autres droits ne seront pas respectés".

#FreeNasrin #LibertepourNasrin