Fil d'Ariane
1er novembre 2008. Nasrin Sotoudeh dans on bureau, à Téhéran.
Nasrin Sotoudeh, avocate iranienne et militante pour les droits humains et la liberté des femmes, a été condamnée, le 11 mars 2019, à une peine de 38 ans d’emprisonnement et 148 coups de fouet pour avoir défendu des femmes qui se dévoilent dans l’espace public, ainsi que des prisonnier·es politiques.
Après une première grève de la faim en mars 2020, elle en a entamé une nouvelle en août 2020 pour protester, d’une part, contre les exécutions de prisonnier·es politiques et, d’autre part, contre "les comportements inhumains qui leur sont infligés et mettent leur vie en danger dans l’actuel contexte épidémique," selon l'appel à sa libération lancé par 225 personnalités politiques, culturelles et sociales, en majorité des femmes. L'écrivaine et sociologue iranienne Chahla Chafiq est l'une des initiatrices de cet appel. Elle nous en dit plus sur la situation et la personnalité de Nasrin Sotoudeh.
Le 1er octobre 2020, Nasrin Sotoudeh a reçu le prix Right Livelihood, un prix Nobel de la paix alternatif :
JUST ANNOUNCED: The 2020 #RightLivelihood Laureates
— Right Livelihood Foundation (@rightlivelihood) October 1, 2020
1️⃣ Nasrin Sotoudeh
2️⃣ Bryan Stevenson
3️⃣ Lottie Cunningham Wren
4️⃣ Ales Bialiatski/ @viasna96
Join us to celebrate their courage and commitment to a just, peaceful and sustainable world ➡️ https://t.co/jboCNpV8Cb pic.twitter.com/cYaUiqO46E
Terriennes : Nasrin Sotoudeh a déjà fait des grèves de la faim. Comment s’est terminée celle qu’elle avait entamée en mars dernier ?
Chahla Chafiq : C’était déjà pour dénoncer la situation des prisonniers face au Covid, une question dont la gestion par les autorités iraniennes a donné lieu à beaucoup de mensonges. Plusieurs prisonniers politiques avaient alors entamé une grève de la faim. Et puis à l'occasion du nouvel an iranien, qui commence le 21 mars et s'étend sur plusieurs jours, ils ont décidé d’y mettre fin. Pour le moral des prisonniers, ils ont jugé que c’était important de marquer ce moment. La célébration de cette fête, qui n’est pas du tout religieuse, est, en soi, devenue un acte de résistance culturelle. Depuis mars, la situation n’a pas changé. Puis des prisonniers ont été exécutés, dont le lutteur Navid Afkari, alors Nasrin Sotoudeh a recommencé.
L’exécution du champion de lutte #NavidAfkari à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante, qui a eu lieu en secret sans que personne ne soit prévenus, est une terrible parodie de #justice qui réclame une action internationale immédiate #iran https://t.co/vTsjJftGfR pic.twitter.com/ekQV1aAmzc
— Amnistie internationale Canada (@AmnistieCA) September 17, 2020
Et avant ?
L’histoire est longue des grèves de la faim de Nasrin Sotoudeh. D'octobre à décembre 2012, elle a fait 49 jours de grève de la faim pour dénoncer la confiscation du passeport de sa fille Mehravé (qui avait 13 ans à l'époque); ce fut un bras de fer très dur, dont elle est sortie victorieuse. En décembre 2018, elle a recommencé une grève de quelques jours pour protester contre l'arrestation de son mari, Reza Khadan, jusqu’à ce qu’il soit relâché. A chaque fois qu'elle a fait une grève de la faim, Nasrin Sotoudeh était en prison. C'était son seul moyen d'action contre les pressions exercées par les autorités. Elle a fini par avoir gain de cause, du moins les deux premières fois, mais à chaque fois sa santé en prend un coup.
Avez-vous des précisions sur son état de santé actuellement ?
Après 46 jours sans s’alimenter, son état de santé s'est dégradé et elle a été hospitalisée. A son retour en prison, elle a brisé sa grève de la faim. Elle est très affaiblie, son mari est très inquiet. C’est lui qui donne de ses nouvelles par écrit aux Iraniens, des nouvelles qui parviennent à la diaspora via les réseaux sociaux et les médias extérieurs. Il sait ce qu’elle représente pour toutes les prisonnières et tous les prisonniers en Iran. Il la soutient totalement : "Nous préférons mourir ensemble que nous taire," dit-il. Ses enfants, tous deux jeunes adultes, la soutiennent aussi beaucoup, comme les familles de tous les prisonniers politiques, d'ailleurs.
Que représente-t-elle ?
Elle est un symbole. Je ne la connais pas personnellement, mais c’est tout comme. C’est une femme qui a toujours défendu des positions justes. Elle est très importante. Il ne faut pas qu’elle meurt. C’est pourquoi nous appelons à sa libération. Nous sommes plusieurs femmes actives pour le droit des Iraniennes - écrivaines, artistes, universitaires et responsables associatives - à avoir eu l’ idée de lancer cet appel, pour nous faire le porte-voix de ses revendications.
En quoi consiste sa revendication, concrètement ?
Elle demande que soient libérés les malades, les prisonniers politiques fragilisés, dont la situation est très inquiétante. Cette demande s’inscrit dans le contexte iranien de gestion, ou plutôt de l'absence de gestion, de la pandémie de Covid, avec jusqu’à 60 personnes dans un espace restreint sans aucune prévention de la maladie.
Qu'espérez-vous, en lançant cet appel ?
Nous espérons au moins que, parmi les prisonniers politiques, les plus fragiles soient libérés immédiatement et que leur situation soit connue, à savoir l'absence de procès équitable, des conditions de détention indignes, des exécutions sommaires... Depuis le début de la crise sanitaire, les autorités iraniennes ont déjà libéré plusieurs prisonniers économiques. Elles ne peuvent pas dire pas le contraire. C’est une négociation possible. Certains prisonniers politiques à la santé très fragile ont même déjà purgé leur peine ou déjà accompli une part importante de leur peine et auraient le droit d’être libérés. Alors pourquoi les garde-t-on en prison ? Pour qu’ils meurent ?
Chacun de nous dans la société civile a le pouvoir d’agir sur les décisions politiques. D'où l'importance de la pétition du Conseil national des barreaux français qui, pour le moment, a recueilli 500 000 signatures.
#Iran #France #FreeNasrin
— Stuart Russell (@StuartR92034479) September 29, 2020
L'ordre des Avocats deBordeaux affiche son soutien pour sa consoeur iranienne #NASRINSOTOUDEH@BarreauBx @idhae4 @LRWCanada @UIAdefense @L4L_INT @ProtectLawyers @CCBEinfo @IBAHRI @shaparakshjr @Moghimi_Lawyer @FreeIranslawyer @stoudeh @AmnestyIran @ICHRI pic.twitter.com/TGSC5N93q9
La Ville de #Rouen apporte son soutien à Nasrin Sotoudeh, avocate iranienne détenue dans son pays, actuellement en grève de la faim, et rend hommage à Ebru Timtik, avocate turque, décédée en prison après 238 jours de grève de la faim.
— Ville de Rouen (@Rouen) September 24, 2020
Plus d'informations : https://t.co/5cxLDKIpVY pic.twitter.com/PsUpf2sc9P
Resterait-elle en Iran si elle était libérée ?
Ce que je sais, c'est que la stratégie des autorités est de pousser les opposants à l’exil. Des milliers de prisonniers politiques ont été exécutés dans les années 1980 et 1990. Mais maintenant la société civile, aussi, résiste. Je crois que Nasrin Sotoudeh restera jusqu’à la dernière extrémité.
Avec de nombreuses personnalités et https://t.co/ckowmrKJH9 des droits humains du monde entier, je signe cet appel de soutien à #NasrinSotoudeh et à son combat pour la défense des femmes qui se dévoilent et des https://t.co/DTVunVJDP4 politiques en Iran. https://t.co/SbbDfrGZZC
— Hélène Bidard (@Helenebidard) September 29, 2020
L'appel urgent de femmes iraniennes, européennes et d’autres régions du monde,
225 personnalités politiques, culturelles et sociales
La vie de Nasrin Sotoudeh est en danger
Une seule issue : que ses réclamations légitimes soient entendues !
Nasrin Sotoudeh, militante pour les droits humains et la liberté des femmes, a été condamnée, le 11 mars 2019, à une peine de 38 ans d’emprisonnement et 148 coups de fouet pour avoir exercé son métier d’avocate en défendant des femmes qui se dévoilent dans l’espace public, ainsi que des prisonnier·es politiques. Le 11 août 2020, elle a entamé une grève de la faim pour protester, d’une part, contre les exécutions de prisonnier·es politiques et, d’autre part, contre les comportements inhumains qui leur sont infligés et mettent leur vie en danger dans l’actuel contexte épidémique.
Les revendications de Nasrin Sotoudeh sont parfaitement légitimes et leur non-prise en compte soumet la vie des prisonnier·es politiques à un danger de mort qui s’accroît de jour en jour.
Nasrin Sotoudeh précise que nombre de ces prisonnier·es ont déjà accompli une part importante de leur peine et auraient le droit d’être libéré·es conformément aux mesures adoptées depuis le début de la crise sanitaire par la République islamique d’Iran. En effet, aux personnes incarcérées pour corruption économique, les autorités iraniennes accordent un droit de sortie temporaire. Mais, s’agissant des prisonnier·es politiques, elles se pressent de les mettre à mort – ainsi que le monde en a été témoin avec l’exécution du lutteur Navid Afkari ; ou alors elles les maintiennent en prison dans des conditions indignes, malgré des risques importants de contamination par le Covid-19. Un nombre non négligeable de prisonnier·es politiques ont protesté contre cette situation, fait des sit-in et entamé des grèves de la faim dans différentes prisons iraniennes. C’est dans la continuité de leurs actions que Nasrin Sotoudeh a elle aussi entamé une grève de la faim pour réclamer que les prisonnier·es politiques bénéficient également des mesures de mise à l’abri.
Ces derniers jours, en raison de sa grève de la faim, l’état de santé de Nasrin Sotoudeh s’est détérioré, ce qui a conduit à son hospitalisation, puis à son transfert en soins intensifs. Selon les dernières nouvelles de Reza Khandan, son époux, les services de renseignement ont persévéré, malgré son état de santé, à la traiter de manière inhumaine, à faire pression sur elle dans l’intention de la faire plier. À l’hôpital, Nasrin Sotoudeh est restée sous la surveillance d’un agent de la police politique des plus virulents. Sa famille n’a pu être informée de son état de santé ni des soins reçus. L’équipe médicale de l’hôpital s’est vue contrainte de contrevenir aux codes et aux normes en vigueur dans ce domaine. Nasrin Sotoudeh est ainsi restée pendant deux jours dans les couloirs du service des soins intensifs. Son époux, tenu à distance, a seulement entendu ses cris de protestation derrière la porte.
Mercredi 23 septembre 2020, les autorités iraniennes ont renvoyé Nasrin Sotoudeh en prison. Après 46 jours, Nasrin Sotoudeh a cessé sa grève de la faim, mais son état de santé reste très alarmant. La seule voie pour en finir avec cette situation inhumaine est d’obtenir des autorités iraniennes une réponse rapide remédiant à la situation des prisonnier·es politiques susceptibles de tomber malades ou déjà malades.
Nous attirons l’attention des femmes et hommes politiques, des défenseur·es des droits humains sur cette situation particulièrement préoccupante. Par tous les moyens et toutes les voies, réclamons de la République islamique d’Iran qu’elle satisfasse les réclamations légitimes de Nasrin Sotoudeh et libère, dans un premier temps, les prisonnier·es politiques malades et à la santé fragile, parmi lesquels Nasrin Sotoudeh.
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