Fil d'Ariane
« Le plus important pour moi, c'est de pouvoir amener l'art, cette dimension esthétique, dans le quotidien des gens. Je lisais aujourd'hui un commentaire qui disait : "je suis heureuse d'avoir le musée dans ma vie". J’ai trouvé ça tellement simple et tellement beau, c’est le plus beau compliment que l’on puisse me faire » déclare en souriant Nathalie Bondil.
Et c’est sans compter la dizaine d’expositions présentées par le musée sous la férule de Mme Bondil, dont plusieurs ont été audacieuses soit dans la thématique, soit dans leur présentation et leur fil conducteur. Un Picasso érotique, une exposition sur la civilisation péruvienne, ou cette expo, l’automne dernier, sur la culture western aux États-Unis qui, oui, présentait des extraits de films mythiques, mais qui surtout soulignait le génocide des nations autochtones lors de la conquête de l’ouest américain, tout en expliquant la culture des armes de cette époque, qui conditionne encore la société américaine d’aujourd’hui, et en démontrant le côté machiste de cette culture western (John Wayne était l’un des pires misogynes qui ait été).
Racisme, féminisme, démocratie, liberté, le rôle d'un musée est de nous amener de manière très pacifique, très empathique, très bienveillante et rassembleuse, à nous interroger, nous rencontrer sur des sujets délicats parfois difficiles
Nathalie Bondil
De quoi faire réfléchir le visiteur quand il déambule dans ces expositions. C’est ce que veut Nathalie Bondil : « Je crois vraiment que la culture, l'art et le rôle d'un musée, c'est justement de nous amener de manière très pacifique, très empathique, très bienveillante et rassembleuse, à nous interroger, nous rencontrer sur des sujets qui peuvent être, effectivement, parfois délicats parfois difficiles. C'est cette façon d'envisager des sujets en abordant aussi d'autres dimensions qui, parfois, sont un peu tabou, un peu cachées mais pour pouvoir véritablement se rencontrer et s’interroger sur les grands thèmes qui nous cherchent qui nous bouleversent… C'est pour une génération qui appartient à ce 21eme siècle, où les valeurs que sont la démocratie, les libertés, le féminisme, la lutte contre le racisme et toutes sortes de discrimination, l'inclusion, etc. doivent aussi faire partie du discours qui est proposé par nos expositions. En fait, le regard que l'on porte sur l'art doit vraiment intégrer ces questionnements, pour moi c'est fondamental ».
Comme cette exposition qui s'intéresse "à la diversité culturelle à travers l’exposition Nous sommes ici, d’ici : l’art contemporain des Noirs canadiens" (jusqu'en septembre 2018)...
Le Musée des beaux-arts de Montréal #MBAM invite à la réflexion sur la diversité culturelle à travers l’exposition Nous sommes ici, d’ici : l’art contemporain des Noirs canadiens @mbamtl @WestmountMag https://t.co/9QH5GzqEzI pic.twitter.com/sgBi37DVEi
— WestmountMag (@WestmountMag) 18 juin 2018
Sans oublier cette approche multidisciplinaire de Nathalie Bondil qui a fait entrer la mode et la musique dans le musée montréalais : la rétrospective Jean-Paul Gaultier par exemple a été une expo qui a connu un tel succès en 2011 qu’elle est depuis présentée un peu partout dans le monde avec plus de 2 millions de visiteurs sur quatre continents. Il y a aussi eu l’expo sur "Chagall : Couleur et musique", la musique et la danse dans l’œuvre d’Andy Warhol, ou la révolution des années 60 avec notamment une salle consacrée à la projection du mythique concert de Woodstock.
Bravo à Nathalie Bondil, directrice générale et conservatrice en chef, qui recevra le prestigieux prix #PeterHerrndorf récompensant le leadership dans les arts remis par l'organisation @BusinessftArts https://t.co/1nZu0KhUcj
— MBAM (@mbamtl) 6 juin 2018
Une passionnée qui, avec de tels succès dans ses bagages, est très convoitée. Oui, elle reçoit des offres d’emploi venant d’un peu partout, mais elle continue, pour l’instant, de les décliner. Pourquoi ? Parce qu’on sent que c’est une femme de principes qui refuse pour l’instant de renoncer à des choses qui lui tiennent à cœur : « Cette liberté, cette liberté extraordinaire et les valeurs, les valeurs, en fait ce sont cette liberté d'action au service de valeurs qui me sont très profondes ».
Nathalie Bondil est une femme d’équipe et elle aime les gens avec qui elle travaille, que ce soient les commissaires du musée ou les bénévoles qui y travaillent (le musée compte 270 employés et 400 bénévoles). C’est aussi une femme de contenu qui travaille sans compter ses heures, ses rendez-vous, ses voyages, ses rencontres : « Pour maintenir ce rythme, cette énergie, cette motivation, ce sont les valeurs, ce sont les contenus qui nous portent, ce sont les contenus qui nous font grandir et qui font que tout grandit autour de nous ».
La touche magique, c’est l’art, sa puissance en terme d'évocation
Nathalie Bondil
Nathalie Bondil n’a pas du tout l’intention de s’arrêter en si bon chemin et hors de question de s’endormir sur ses lauriers : dans ses cartons, pour les prochaines années, monter une exposition Matisse, ce qui n’a encore jamais été fait au Canada et ce qui sera tout un défi, m’explique-t-elle, car les œuvres de Matisse sont difficiles à sortir. Elle est aussi en train de préparer pour 2019-2020 avec le musée d’Orsay une exposition qui va réfléchir à la question de l'homme versus l'animal : quelle est la place religieuse, idéologique de l'Homme versus l'animal et comment l'humain et l'animal se sont rencontrés avec la révolution de Darwin, « une expo pour présenter et parler de l'animal comme une œuvre d'art qu'il est, un projet très fort qui me touche beaucoup du point de vue personnel » me confie cette amoureuse des chats (elle en a 5).
Et dernière incursion en forme d'interaction entre l'art, la société et le futur de l'humanité, l'accueil de deux ruches par le Musée pour sensibliser le public à la préservation des abeilles, ces vigies de notre environnement.
Musée des beaux-arts de Montréal : un nouvel escpace, Ruche d'art, accueille 2 ruches pour conscientiser le public sur l’importance des abeilles https://t.co/6JmZviLsxT #arts #musées #éducation #MOntreál #abeilles #biodiversité pic.twitter.com/hqUfQyhzf3
— GaïaPresse (@GaiaPresse) 20 juin 2018