Avec la crise qui s'aggrave dans leur pays depuis le coup d'Etat des rebelles de la Seleka en mars 2013, une poignée de femmes centrafricaines installées en France ont créé l'association "Femmes de Centrafrique, debout" pour venir en aide à leurs concitoyennes, victimes de viols, et aux enfants soldats. Rencontre avec sa présidente Nicole Pehoua
Nicole PEHOUA, présidente « Femmes de Centrafrique, debout ! » entourée de deux autres membres de l'association, au ministère des Affaires étrangères, le 11 octobre 2013, lors du lancement des portraits de femmes francophones en partenariat avec Terriennes - photo Frantz Vaillant
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Quelles actions concrètes allez-vous mener en Centrafrique ? D'abord, nous allons soutenir le réaménagement d'un orphelinat de Bangui pour qu'il puisse accueillir les enfants des rues qui ont été enrôlés par les forces rebelles. Nous avons déjà obtenu des lits supplémentaires. Nous voulons aussi aider les femmes victimes de viols en essayant de les convaincre de se faire soigner. Aujourd'hui elles ont honte, elles ont peur, elles se réfugient dans des coins isolés, sans eau sans nourriture. Il est pour l'instant très difficile d'estimer leur nombre. Sur Internet, des chiffres très divers circulent. Certains parlent de 600, d'autres de 6000 femmes violées. Donc c'est important de se rendre sur place pour comprendre ce qui se passe et c'est bien à nous, femmes de Centrafrique, de le faire. On va sillonnant les rues de la capitale Bangui pour tenter de les repérer et rétablir un lien de confiance ! Pensez-vous que le viol en Centrafrique est utilisé, comme dans l'Est de la République démocratique du Congo, pour terroriser le camp adverse ? C'est exactement la même situation qu'à l'Est de la RDC. Le viol est utilisé comme une arme de guerre par les rebelles. Les hommes en arme ont commis des viols collectifs devant les maris, les enfants… On viole ta mère, on viole ta femme… J'ai recueilli plusieurs témoignages de femmes qui ont accepté de me parler mais de manière anonyme.
Infographie AFP sur l'intervention française en Centrafrique, cliquer pour agrandir l'image
Quelles nouvelles avez-vous de votre propre famille en Centrafrique ? Ils sont terrés chez eux. Ils ne sortent plus et manquent de tout. Au téléphone, ils me parlent très peu. Ils ont peur d'être écoutés alors que tout le monde sait qu'il n'y a pas d'écoutes téléphoniques en Centrafrique. Je suis très angoissée. Je voulais les retrouver en novembre mais ils m'ont dit que c'était trop dangereux. Je vais essayer d'y aller pour Noël quand les troupes française auront sécurisé les grands axes de la capitale. Considérez-vous que la Centrafrique est au bord du génocide comme l'a déclaré Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères ? Oui, je suis tout à fait d'accord avec ça. Il ne faut pas se voiler la face. C'est l'une des plus graves crise que traverse la Centrafrique. On a déjà eu des coups d'Etat mais en 72 heures c'était fini alors que, là, ça perdure depuis le mois de mars ! C'est grave ce qui se passe là-bas, très grave. J'ai vraiment eu le sentiment que nous étions oubliés de tous. Heureusement, la France s'apprête à envoyer des soldats. Cela redonne espoir. Qu'attendez-vous des forces françaises et de la communauté internationale ? Il nous faut un changement radical. Il faut renverser le gouvernement des Séléka et organiser des élections. Certes, la France n'envoie que 1200 soldats. Pour 25 000 rebelles, c'est insuffisant. Mais c'est déjà ça. L'ONU, elle, a promis d'envoyer 6 à 7000 hommes mais avec l'ONU c'est long.
Très jeunes soldats de l’armée rebelle en Centrafrique - AFP