Une nouvelle attaque suicide menée mercredi 22 juillet au nord du Cameroun implique une fois encore des jeunes filles équipées d'explosifs. Si l'attentat n'a pas encore été revendiqué par Boko Haram, l'utilisation de ces jeunes kamikazes est bien la marque de la secte islamiste. Pourquoi des filles ? Comment sont-elles recrutées ?
Les attentats-suicides perpétrées par des jeunes femmes ou des fillettes se multiplient au Nigeria et désormais chez son voisin camerounais. S'ils ne sont pas toujours revendiqués par Boko Haram, le mode opératoire s'apparente souvent à celui utilisé par la secte islamiste. Ces attentats kamikazes, exclusivement féminins, sont d'un nouveau genre en Afrique de l'Ouest. Précisions.
Comment sont recrutées ces jeunes filles ?
Certaines « sont données par leur famille, dans un contexte où toute la famille a rejoint Boko Haram : le père, la mère… Les enfants sont destinés à commettre des attentats, affirme Seidik Abba, journaliste et analyste de l'actualité africaine. Dans ce cas, les fillettes n'ont pas conscience de ce qu'on leur demande de faire ».
Face à cette recrudescence des attaques perpétrées par des très jeunes filles, les évêques catholiques du Nigeria ont réagi. Ils condamnent l'utilisation des enfants par Boko Haram et qualifient cette exploitation à des fins de terrorisme de « symptôme choquant de l'écroulement des valeurs familiales dans notre société », rapporte Catholic News Service.
D’autres "kamikazes" seraient recrutées directement dans les écoles coraniques selon le journaliste. « De fil en aiguille, Boko Haram réussit à les recruter, en leur vendant l'idée qu’elles vont aller au paradis. Et si l’on vous dit que se faire exploser est un raccourci pour rejoindre le paradis, c'est une idée qui peut être reçue par certaines personnes ».
Il ajoute également que parmi ces jeunes filles qui se font exploser, « on retrouve sûrement certaines qui ont été enlevées, dont on on a perdu la trace et qui ont été mariées de force à des combattants de la secte islamiste ».
Après l’enlèvement des 300 écolières à Chibok en avril 2014, leur « sort était une source de grande peur et d'anxiété au Nigeria, et il y avait beaucoup de spéculations quant à savoir si elles avaient été utilisées dans des attaques suicides. Il n'y a aucune preuve de cela, mais cela a généré l’effervescence des médias », note Elizabeth Pearson, journaliste et membre du groupe Nigeria Security Network, interrogée par le Huffington Post.
Emmanuel Igah, directeur de la société de conseil Phobos international et spécialiste du Nigeria, interrogé par France 24, souligne le rôle de la pauvreté dans le recrutement des fillettes : "Dans le Nord du Nigeria, avec la pauvreté et la polygamie, il y a énormément d’enfants dont les familles ne peuvent pas s’occuper. Beaucoup sont recueillis par la secte qui leur demande, en échange d’un toit et d’un couvert, un retour en action".
Cette pratique est-elle nouvelle ?
« Ce mode opératoire n'était pas connu en Afrique de l'Ouest, assure Seidik Abba.
Il a été importé au début de l'année 2013. On peut penser qu'il est la conséquence des relations entre Boko Haram et les autres mouvements djihadistes, notamment Aqmi et aujourd'hui Daesh (ou groupe Etat islamique, ndlr). Au Nigeria, cette pratique a commencé avec des hommes puis on est passé aux jeunes filles car elles sont plus manipulables. Mais cela est tout récent ».
Ce constat est partagé par de nombreux autres analystes. Dans son interview accordée au
Huffington Post, Elizabeth Pearson explique,
« qu’il y a de plus en plus de preuves de ces liens » entre les mouvances djihadistes.
« Certaines vidéos de Boko Haram ressemblent à celles de l’Etat Islamique vues dans les médias ». Quel est le but pour Boko Haram ?
Ces jeunes filles, entièrement voilées, avec leurs habits longs et recouvrant tout le corps, peuvent facilement dissimuler une bombe.
Le 22 février 2015, une fillette de 7 ans, tente de s’introduire sur un marché de Potiskum avant d’être repoussée par les forces de l’ordre. Malgré ça, elle réussit à se faufiler par une autre entrée où elle se fait exploser. Plus agiles et surtout moins suspectées que les hommes, ces fillettes ou jeunes filles constituent une armée potentielle redoutable.
"On s’attendait à une utilisation des femmes de manière occasionnelle, mais c’est devenu une véritable stratégie mise en place par la secte pour déjouer la sécurité", explique Emmanuel Igah à
France 24. Mais
, « l'utilisation des femmes kamikazes par Boko Haram est aussi un signe de leur faiblesse », souligne Elizabeth Pearson.
Selon
un rapport publié en octobre 2014 par l'ONG Human Rights Watch (HWR), plus de 500 femmes et jeunes filles du nord du Nigeria ont été kidnappées depuis l’émergence de la secte islamiste en 2009. Il faut espérer qu'on n'en fera pas autant de kamikazes...