Une jeune fille, identifiée par son père comme Maïda Yakubu, apparaît également au premier plan. Le terroriste lui tend le micro et elle s’exprime dans le dialecte local de Chibok, décrivant les bombardements aériens de l’armée nigériane.
Moyen de pression
Ce n’est pas la première fois que Boko Haram diffuse une vidéo des filles de Chibok pour montrer qu’elles sont en vie. La première remonte à mai 2014. Mais « le fait nouveau cette fois-ci, c’est la volonté de Boko Haram de discuter du sort des filles avec le pouvoir politique du Nigeria », nous explique Seidik Abba, journaliste et écrivain nigérian. En effet, les terroristes assurent que si les bombardements de l’armée nigériane ne cessent pas, le gouvernement ne pourra jamais secourir les lycéennes. « Ils pensent que cette menace va décourager le gouvernement nigérian de poursuivre les bombardements », explique Seidik Abba. Ils se servent des filles « comme une sorte de protection ».
D’ailleurs, après la diffusion de cette vidéo, le gouvernement nigérian n’a pas tardé à réagir en affirmant être « en contact » avec les auteurs de la vidéo. « C’est un fait nouveau, souligne Seidik Abba. Jusqu’ici la position du gouvernement était de dire : "ces gens là sont de grands criminels" et il n’était pas question de discuter avec eux. Mais du fait de la "notoriété" que les filles ont acquise, le gouvernement a vite réagi pour ne pas être accusé de n’avoir rien fait ».
Célèbres malgré elles
Enlevées en avril 2014 alors qu’elles passaient leur examen de fin d’études, 218 jeunes filles sont toujours introuvables. 57 d’entre elles avaient réussi à s’échapper au moment de l’enlèvement et l’une d’elles, Amina Ali, a été retrouvée par l’armée au mois de mai dernier. A l’époque, le kidnapping est relayé par les médias du monde entier et provoque une vague d’indignation qui touche les plus grandes stars et personnalités comme Michelle Obama.
La « résonance » provoquée est « unique en son genre », selon Yan St-Pierre du cabinet Modern Security Consulting Group (Mosecon), interrogé par l’AFP. L’enlèvement a incontestablement offert une reconnaissante internationale à la secte terroriste. Pour les lycéennes, ce « succès » est « à la fois une bénédiction (leur notoriété les protégeant un peu) et un fléau puisqu’elles sont devenues la monnaie d’échange pour Boko Haram », explique Yan St-Pierre.
L’enlèvement de jeunes filles, une stratégie de guerre
Et quelle monnaie d’échange ! « Le monde entier se soucie du sort de ces filles », rappelle Seidik Abba. « L’enjeu c’est de les garder le plus longtemps en vie ». Car dans sa stratégie de guerre, Boko Haram a tout intérêt à enlever des jeunes filles et les garder vivantes. « Ce n’est pas un choix anodin, confirme Seidik Abba. Ils savent que les filles, cela va avoir plus de résonance sur le plan international. Au niveau local, l’émotion va être beaucoup plus grande, compte tenu de la place que les filles occupent dans la société du nord du Nigeria. Et puis l’endoctrinement est beaucoup plus facile ».
L’enlèvement de jeunes hommes est, en effet, bien moins fréquent. Lorsque c’est le cas, comme le 31 décembre 2014, Boko Haram en fait des combattants et non des otages. Mais la plupart du temps, ils sont tués. « Lorsque Boko Haram s’était introduit dans un dortoir de garçons dans une cité universitaire, ils les avaient massacrés au lieu de les enlever », rappelle Seidik Abba.
2 000 à 7 000 femmes et jeunes filles vivent toujours en captivité
Tony Fricker, Unicef
Les filles de Chibok sont les plus célèbres des otages de Boko Haram mais elles ne sont malheureusement pas les seules. Le 14 avril 2016, l’Unicef rappelait que « 2 000 à 7 000 femmes et jeunes filles vivent toujours en captivité », souvent mariées de force ou devenues des kamikazes. Mais ces chiffres ne sont que des estimations, leur nombre est sûrement beaucoup plus important.