Fil d'Ariane
Le Sommet des jeunes activistes, à Genève, a primé cinq jeunes pour leurs actions en faveur de la paix et du développement durable. Parmi eux trois jeunes femmes, la Soudanaise Nisreen Elsaim, la Burkinabè Maïmouna Ba et l'Indienne Roshni Perween. Rencontres.
Maïmouna Ba, au centre.
Chaque année depuis 2019, le Young Activists Summit, le Sommet des jeunes activistes, récompense des militant·es entre 14 et 29 ans pour leurs réalisations concrètes et l'impact de ces actions à travers le monde. Alors que guerres, violations de droits humains, changement climatique et perte de biodiversité se font de plus en plus menaçants pour l'humanité toute entière, les lauréat·es du #YAS23 proposent des solutions en faveur de la paix au sein de leur communauté et du respect de la nature qui nous fait vivre.
L'événement apporte à ces jeunes en visibilité, réseau, fonds et accès à la formation pour les aider à faire progresser, à leur échelle, à leur manière, le développement durable et/ou des droits de l'homme. L'édition 2023 du "YAS" s'est tenu ce 16 novembre 2023 au siège de l’Office des Nations unies à Genève, en Suisse. Parmi les primé·es 2023, trois jeunes femmes. Terriennes vous les présente, avec TV5MONDE.
A 27 ans, Nisreen Elsaim a subi dans sa chair les effets du changement climatique et des conflits qui en résultent au Soudan. Bachelor en physique et master en énergie renouvelables de l’université de Khartoum en poche, elle a choisi de s'engager pour l’environnement et l’égalité des genres.
Perdre espoir est plus dangereux que les balles. Nisreen Elsaim
Sur fond de guerre et de raréfaction des ressources, la jeune présidente de Sudan Youth for Climate Change milite pour les énergies renouvelables dans le but de prévenir de futurs conflits. "Le changement climatique n'est pas un problème local, ce n'est pas un problème national, c'est un problème international", disait-elle en 2021.
Au Soudan, son activisme lui a valu des agressions qui sont allés jusqu'à des tirs d'armes à feu. Puis après la reprise des affrontements, en avril 2023, Nisreen Elsaim a dû quitter son pays. "Des semaines durant, j’ai cherché un moyen de fuir avec mon bébé et ma famille... J’ai dû conduire six heures, entre les balles, mon bébé sur le sol du véhicule, avant d’atteindre une base aérienne où j’ai pu être évacuée... On m’a fourni un visa d’urgence à la frontière britannique."
Nisreen Elsaim au Soudan.
En 2022, alors qu'elle présidait le Groupe consultatif de la jeunesse sur le changement climatique à l’ONU, son nom avait été évoqué pour le prix Nobel de la paix qui, finalement, était allé à la résistance en Russie.
Nisreen Elsaim vit aujourd'hui en France, d'où elle continue à aider les jeunes de son pays : "Ils ont perdu l’accès à l’éducation, leurs maisons, leurs emplois – ils ont tout perdu. On a mené une enquête auprès de 1366 jeunes et 85 % disent avoir envie de se suicider. Perdre espoir est plus dangereux que les balles. C’est pourquoi je veux continuer d’apporter des solutions," témoigne-t-elle. TV5MONDE l'a rencontrée à Genève :
Maïmouna Ba a le même âge que Nisreen Elsaim, 27 ans. Son but : construire la paix dans une région du Sahel où sévit un extrémisme violent. Diplômée en marketing et en gestion, elle s'inquiète de l'insécurité qui règne dans son pays et se consacre depuis la crise de 2016 à aider les gens du Sahel.
Car Maïmouna Ba vit à Dori, à la frontière entre le Burkina Faso et le Niger, une ville qui accueille des milliers de personnes fuyant les groupes armés. Une partie de la famille de Maïmouna a échappé au massacre de Yirgou qui a fait 210 morts en 2019.
Aujourd'hui, pour apporter sa pierre à l'édifice de la paix, elle lutte contre la précarité et pour l’accès à l’éducation. Maïmouna Ba aide les enfants à retourner à l’école et à surmonter leurs traumatismes. "Je dirige un programme qui soutient tous ceux qui ont dû fuir et vivent maintenant à Dori. On veille à ce que ces enfants puissent aller à l’école et qu’ils bénéficient du soutien d’un mentor pour surmonter les souffrances qu'ils ont traversées. On a déjà aidé 60 enfants vivant dans des conditions extrêmement difficiles, à qui on a permis de rejoindre le système d’éducation classique," explique-t-elle.
Maïmouna Ba aide aussi les femmes déplacées à se relancer dans l’élevage, l’agriculture ou l’artisanat. "Un autre axe essentiel de mon activité est l’autonomisation des femmes de communautés déplacées... les aider à développer leurs compétences et devenir indépendantes financièrement. J’ai par exemple organisé des ateliers pour leur enseigner des techniques artisanales qui leur permettent de vendre des produits qu’elles fabriquent et de gagner de l’argent. Ces deux dernières années, j’ai aidé plus de 500 femmes dans la région du Sahel."
Construire un Burkina Faso en paix, mené par des femmes, et où chaque enfant bénéficiera de ses droits fondamentaux. Maïmouna Ba
Depuis, on l’appelle la "maman sahélienne". Aujourd'hui, elle veut créer la "Fondation Maman Sahélienne" pour, dit-elle : "mettre toute mon énergie à construire un Burkina Faso en paix, mené par des femmes, et où chaque enfant bénéficiera de ses droits fondamentaux, loin de la violence".
L'Indienne Roshni Perween a aujourd'hui 25 ans. Mariée de force à 13 ans, mère à 14, elle a connu le viol conjugal, le divorce. "J’ai subi des viols conjugaux
avant même de savoir ce que signifiait être une épouse et une femme. Comme je luttais, j’ai aussi été violée par d’autres hommes de la famille de mon mari. Comme punition, ma belle-famille a décidé de me vendre à un des frères," raconte-t-elle.
Alors elle s'enfuit et, rejetée par sa famille, commence à donner des cours pour gagner sa vie et élever son enfant. Elle ouvre une école, puis croise le chemin de l'association Childline India Foundation. Roshni Perween prend alors conscience qu'il existe des lois pour protéger les enfants, à commencer par les filles confrontées au mariage forcé.
Roshni Perween et les enfants.
Par la suite, Roshni Perween rejoint Save The Children India. Pendant sa mission chez eux, elle sauve 12 très jeunes filles de mariages forcés, quitte à en appeler aux plus hautes autorités régionales. Puis elle rentre dans sa région d'origine pour prévenir les populations contre des effets pervers des mariages précoces.
Mon objectif, c’est qu’aucune autre fille n’ait à vivre ce que j’ai vécu. Roshni Perween
Depuis, Roshni Perween consacre toute son énergie à sensibiliser le public aux droits des enfants – à commencer par le droit d’être protégé de la violence et de
toute forme d’abus. De campagnes de sensibilisation en groupes de défenseurs d’enfants impliquant les autorités locales et les dirigeants de sa communauté, elle a sauvé des dizaines de filles de mariages forcés.
"Mon objectif, c’est qu’aucune autre fille n’ait à vivre ce que j’ai vécu," dit-elle. Originaire du Bihar, l'une des régions les plus pauvres du pays, elle est aujourd'hui "fière d'être la première de sa famille à faire des études" : elle étudie à l'université de New-Dehli pour devenir travailleuse sociale.