Fléau

Non à la violence de genre : les Ivoiriennes dans la rue

Image
Marche des femmes en Côte d'Ivoire

En Côte d’Ivoire, 1 femme sur 3 a été victime de "Violence basée sur le genre". En 2023, ce sont 8662 cas de violences signalés dont plus de 500 cas graves, notamment des féminicides.

©capture ecran / JTA TV5monde / Cleophas Masala
Partager 3 minutes de lecture

Plusieurs centaines des femmes ont participé à une marche le 1er mars à la mairie d’Abobo, dans le district d'Abidjan, en Côte d'Ivoire, contre la recrudescence des féminicides et les violences basées sur le genre. Cette manifestation intervient près d’une semaine après le meurtre d’une mère de famille par son ex-conjoint. Reportage.

"Plus jamais ! Plus jamais ! Plus jamais ! Contre la violence ! " Vêtues de rouge et blanc, elles sont nombreuses à être venues demander justice pour les victimes de violences de genre, un véritable fléau en Côte d'Ivoire. 

Nous avons remarqué ces dernières années une recrudescence des violences de genre. Des femmes, des fillettes sont violées, abusées sexuellement. Nadège Dabagaté, présidente nationale du réseau des dynamiques institutrices de Côte d'ivoire

Parmi les manifestantes, des institutrices, toujours sous le choc, un an après l'assassinat de l'une des leurs dans l'ouest du pays.

"Nous avons remarqué ces dernières années une recrudescence des violences de genre. Des femmes, des fillettes sont violées, abusées sexuellement", s'insurge Nadège Dabagaté, présidente nationale du "Réseau des dynamiques institutrices de Côte d'ivoire". "Nous sommes là aujourd'hui pour dénoncer tous ces actes, pour sensibiliser la population, pour leur demander de respecter les femmes, de respecter les filles, de respecter tout ce qui est égalité de genre. Nous sommes là aujourd'hui pour dire non à toute forme de VBG sur les femmes, sur les filles, mais aussi sur les hommes", ajoute la militante, qui défile en tête de cortège.

Nadège Dabagaté

Nadège Dabagaté, présidente nationale du réseau des dynamiques institutrices de Côte d'ivoire.

©Cleophas Masala

Stop aux VBG, violences basées sur le genre

‘‘Carton rouge, stop aux féminicides, stop aux violences basées sur le genre !", ont repris en choeur les participantes à cette marche. 

Depuis trop longtemps, on est victime de l'excision, on est victime de nos maris qui tuent nos amies, des garçons qui tuent les femmes ! Une manifestante

A partir du carrefour Samaké sur un trajet de près de 2 km, elles manifestent à l’appel du ministère de la Femme, de la Famille et de l'Enfant : membres du gouvernement, société civile, associations de lutte contre la violence faite aux femmes et victimes ont répondu présents. "Depuis trop longtemps, on est victime de l'excision, on est victime de nos maris qui tuent nos amies, des garçons qui tuent les femmes ! Maintenant nous sommes fâchées !", lance une manifestante, qui ajoute avoir tout fait pour pouvoir participer à cette marche. 

Retrouvez le reportage du JTA de TV5monde :

Chargement du lecteur...

Les féminicides de trop ?

Les cas de violence basée sur les genres sont de plus en plus récurrents en Côte d’Ivoire. Une affaire a récemment ému tout le pays. Adou Ahou Djénéba, 39 ans, mère de quatre enfants a été assassinée par son ex-conjoint, un homme qui tentait de la reconquérir après une relation tumultueuse. Elle a été poignardée à mort le 23 février 2025 à son domicile dans le quartier Terre Rouge, à Abobo N’dotré.  

"Ils ont eu un enfant ensemble. Et comme elle ne voulait plus de lui, il a tenté de l'assassiner déjà en 2002. Et donc voilà, une deuxième fois, il a tenté de lui ôter la vie", raconte Amenan Sali Yao, cousine de la victime.

Lors de l’attaque, deux enfants de la victime ont tenté de désarmer l’agresseur alors qu'il s’acharnait sur leur mère avec un couteau. Tous deux ont été blessés. Salimatou Kotalaman, 20 ans, fille de la défunte, a échappé à la cruauté de l’ex de sa mère, mais l’intensité de la violence ne lui a pas épargnée les séquelles physiques et psychologiques. "Actuellement, j'ai encore très mal. Quand je vois des garçons, maintenant, j'ai peur", confie-t-elle un bandage autour de la gorge.      

Ce crime intervient quelques jours après un autre féminicide à Daloa et à Man, dans l’ouest du pays, plus d’un an après l'assassinat de Christelle Flavie Kéké, institutrice, tuée avec son fils par un collègue instituteur.

Oui à la liberté des femmes, manif en CDI

Le dernier féminicide en date a eu lieu le 23 février 2025 en Côte d'Ivoire : Adou Ahou Djénéba, 39 ans, mère de quatre enfants a été assassinée par son ex-conjoint qui l'a poignardée et blessé deux des enfants qui tentaient d'intervenir.

© capture d'écran Facebook/ Réseau institutrices CDI

Lutter contre les règlements à l'amiable

Ces affaires soulèvent une fois de plus la question des violences conjugales en Côte d’Ivoire. Le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, se mobilise face à la montée des féminicide, exhortant la population à rejeter les arrangements à l’amiable pour étouffer les violences faites aux femmes et aux filles.

Manif femmes contre violences en CDI

Une campagne invite la population à alerter la police, pour lutter contre les règlements à l'amiable en cas de violences sexuelles au sein d'une famille.

©capture ecran / JTA / Cleophas Masala

"On dit que c'est l'Afrique, que c'est la famille, donc il faut essayer de parler, de demander pardon. Nous estimons qu'il faut passer la barrière de règlement à l'amiable et punir vraiment toutes ces personnes-là qui se rendent coupables de VBG", commente Nadège Dabagaté.

Les règlements à l'amiable ne sont pas une solution. Quand bien même le bourreau est un conjoint, un compagnon ou un proche, nous devons avoir le courage de dénoncer. Nassénéba Touré, ministre ivoirienne de la Femme, de la Famille et de l’Enfant

Pour Nassénéba Touré, ministre ivoirienne de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, cette marche doit marquer le début d'un mouvement collectif. "Face aux violences, le silence n'est plus une option, face à ces actes odieux qui brisent des vies, les règlements à l'amiable ne sont pas une solution. Quand bien même le bourreau est un conjoint, un compagnon ou un proche, nous devons avoir le courage de dénoncer", lance la ministre depuis la tribune. 

Nassénéba Touré

Nassénéba Touré, ministre ivoirienne de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, lors de son discours à l'occasion du rassemblement contre les VGB le 1er mars 2025 à Abidjan.

©capture ecran / JTA / Cleophas Masala

Carton rouge

Une campagne de mobilisation pour inviter la société "à donner un carton rouge" à toutes les formes de Violences Basées sur le Genre a été lancée fin 2023 sur une période de douze mois par le gouvernement ivoirien. La population est incitée à alerter la police, la gendarmerie ou la ligne gratuite 1308.

Les chiffres sont alarmants. Dans le monde, 35% des femmes ont été victimes de violences physiques ou sexuelles au cours de leur vie, rappelle encore la ministre. En Côte d'Ivoire, une femme sur trois a été victime de VBG, ajoute-t-elle. En 2023, 8662 cas de violences ont été signalés dont plus de 500 cas graves, y compris des féminicides, sachant que d’autres victimes préfèrent se taire sous le poids de la tradition.

"Ces statistiques ne sont pas que des données, ce sont des vies brisées, des enfants qui pleurent, des soeurs privées de leur avenir", conclut Nassénéba Touré.

Lire aussi dans Terriennes : 

Au Kénya, le nombre de féminicides a doublé en un an

Féminicides au Maghreb : à quand une vraie prise de conscience ?

Viols et féminicides en Inde : choc, indignation et protestations

Féminicides politiques : tuées parce que femmes et militantes