Judith Perrignon dresse le portrait de la féministe Louise Michel dans son nouveau livre "Notre guerre civile", publié chez Grasset pic.twitter.com/VGetxHbuux
— TV5MONDE Info (@TV5MONDEINFO) May 23, 2023
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Judith Perrignon, essayiste et journaliste est venue parler sur le plateau du journal de TV5monde de son ouvrage qui dresse le portrait de Louise Michel mais aussi des autres femmes de la Commune de Paris.
Retour en 1871, pendant la Commune de Paris : 72 jours d'insurrection qui vont profondément marquer l'histoire politique et sociale française. Parmi ses figures, il y a une femme : Louise Michel. Judith Perrignon dresse le portrait de cette anarchiste féministe dans Notre guerre civile (Grasset).
Louise Michel est l'une des figures féminines les plus célèbres de la Commune de Paris. Après lui avoir consacré la série documentaire Louise Michel, femme tempête, diffusée sur France Culture, la journaliste, essayiste et romancière Judith Perrignon signe Notre guerre civile (paru chez Grasset). Elle était l'invitée du journal de TV5monde et a répondu aux questions de Marian Naguzewski.
Qu'est ce qui vous intéressait tant chez cette femme ?
Judith Perrignon : il y a une forme de radicalité qui, je crois, a été effacée, parce qu'il y a aujourd'hui des écoles Louise Michel, des maisons de retraite, etc... Elle a été institutionnalisée à différentes époques, après la guerre, par les communistes qui en ont fait une résistante, puis par les socialistes, qui en ont fait une féministe d'Etat dans les années 1970-1980. Aujourd'hui, c'est comme si elle appartenait à l'histoire de la République, alors qu'elle était radicale, violente ; elle voulait commettre des meurtres, assassiner Adolphe Thiers (président de la République pendant la Commune, ndlr)... Mais la radicalité, maintenant qu'elle est bien morte, la République veut bien se l'approprier.
Vous vous êtes plongée dans les archives. Qu'avez-vous découvert ?
Il y a les archives de la police, notamment, mais aussi les écrous, parce qu'elle a fait beaucoup de prison. Dans les archives, on entend la langue du jour-même, l'idée, c'était de retourner à l'époque. Par exemple, quand on lit le rapport du sergent, de l'indic qui s'est infiltré dans une réunion anarchiste. Il y a ce regard très masculin, très condescendant, sur cette femme, dont on dit qu'elle est laide, dangereuse. On la traitait de "gougnotte" – terme qui désignait une homosexuelle (ndlr) – car elle était toujours entourée de femmes. Elle a vécu avec des femmes, la "Vierge rouge" n'était peut-être pas si vierge que ça ! Mais surtout à travers cette littérature policière en creux, on arrive à reconstruire son retour de la Commune.
Louise Michel était une icône, mais vous écrivez aussi sur toutes les autres femmes qui, elles aussi, ont fait la Commune ...
Ces femmes étaient des Parisiennes, des ouvrières, des femmes des quartiers populaires où, d'ailleurs, l'union libre était très pratiquée. Elles étaient des cantinières, des ambulancières pour aider dans les combats, puis elles ont pris les armes. Certaines étaient des intellectuelles, les plus bourgeoises étaient éduquées, d'autres pas. Il y a beaucoup de femmes cachées derrière la seule femme qui reste, Louise Michel. Le livre s'ouvre par le portrait de celles qu'on appelait les "pétroleuses", car on les accusait d'avoir fait brûler Paris. C'est d'autres femmes dont on a oublié le nom, et je m'en voulais de ne pas les connaitre.
Il y a aussi ces lettres adressées à Victor Hugo, qu'elle admirait et qu'elle avait rencontré. Que racontent ces courriers ?
C'est une jeune fille de province. Sa mère était domestique dans un château. C'était une jeune femme analphabète. Louise était une bâtarde, qui ne savait pas si elle était la fille du père ou du fils du domaine. Elle porte le nom du maître du château. Par l'éducation qu'elle a reçue, elle se construit une histoire, la sublime, et écrit à Victor Hugo à 18 ans. Et il lui répond. Il sent une jeune femme qui l'admire qui aime la poésie. Il la protège, l'encourage. Elle va venir à Paris et devenir ce visage de la révolution. Entre Hugo et elle, c'est surtout un débat sur la révolution. parce que Hugo a peur de la révolution, tout en l'encourageant par les mots, et elle, elle aime la révolution.
C'est une guerre civile qui reste méconnue, pourquoi ?
Parce que ça n'arrange pas la République française de raconter vraiment ce qui s'est passé. Ces gens-là de la commune veulent que cette révolution se poursuive, qu'elle soit sociale, alors que la bourgeoisie née de la révolution française s'est installée, s'industrialise, et ne veut pas aller plus loin. Ces classes populaires des grande villes, car il n'y a pas eu que Paris, veulent aller plus loin sur l'égalité, c'est pour ça que la Commune n'est pas enseignée, alors que c'est une vraie guerre civile qui a encore des échos aujourd'hui.
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