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Des milliers de personnes ont défilé samedi 25 novembre au coeur de Paris pour la Journée internationale de lutte pour l'élimination des violences faites aux femmes, créée en 1999 par l'ONU.
"On ne nait pas femme, mais on en meurt", "Céder n'est pas consentir", "Mon corps, mon choix" ... Brandissant des panneaux violets, la couleur du féminisme, des milliers de personnes ont manifesté à Paris et dans les grandes villes de France contre les violences faites aux femmes à l'appel d'associations féministes et de plusieurs syndicats.
"Nous ne voulons plus compter nos mortes", martèle Maëlle Lenoir, de la coordination nationale du collectif Nous toutes lors d'un point presse à quelques minutes du début du défilé parisien place de la Nation.
"Les réformes à la marge ne suffisent pas", ajoute la militante féministe. Le collectif évalue à "plus de 2 milliards d'euros" le montant requis pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes.
Telle était donc la réponse de Noustoutes à la vidéo postée un peu plus tôt par le président de la République sur les réseaux sociaux. La "persistance de la violence faite aux femmes n'est pas une fatalité", "nous devons y mettre fin et nous allons le faire", déclare Emmanuel Macron, énumérant les actions déjà mises en place (élargissement des horaires du 3919, mise en place d'une plateforme numérique d'accompagnement, facilitation du dépôt de plainte, augmentation du nombre d'enquêteurs dédiés, déploiement de "téléphones grave danger" et de "bracelets danger immédiat", création de places d'hébergement d'urgence).
A Paris, ce sont plusieurs milliers de personnes qui ont défilé entre Nation et la Place de la République, dans un froid sec hivernal mais sous un ciel azur. En tête de cortège, une des coordinatrices de la marche nous confie que "jamais, une manifestation féministe n'a été aussi menacée par l'extrême-droite. Ce qui explique l'exceptionnel dispositif policier déployé aujourd'hui. On a été la cible d'un déferlement de menaces sur les réseaux pour ne pas manifester aujourd'hui, mais on est là".
Derrière le carré d'ouverture, ce sont les comités des familles de féminicides qui ouvrent la marche. En 2022, 118 féminicides ont été recensés, un chiffre quasi stable par rapport à 2021, selon les chiffres officiels. Sur les 11 premiers mois de 2023, les associations féministes ont répertorié 121 féminicides.
Sur les pancartes, on peut lire : "En France, un viol toutes les 6 minutes", "Je la crois", "La honte doit changer de camp".
Une pancarte fait référence à la célèbre oeuvre de Simone de Beauvoir "On ne nait pas femme, on le devient".
Lucie, 23 ans, est venue manifester avec sa fille de 5 ans. Toutes deux ont connu les violences intrafamiliales. Son ex-compagnon a récemment été condamné à six mois de prison ferme, au terme d'une longue bataille judiciaire pour la jeune femme, qui continue de se battre aujourd'hui pour celles qui n'ont pas obtenu justice.
Parmi les nombreux slogans repris en choeur par les manifestant.e.s, on a pu entendre : "Solidarité avec les femmes migrantes et réfugiées", ou encore "Solidarité avec les femmes du monde entier !", parfois sur fond de musique - les chansons d'Angèle et d'Amel Bent toujours en tête du top féministe - ou encore sur les rythmes de groupes de batucada venus faire résonner leurs percussions pour mieux faire "trembler le patriarcat !".
Pour Isabelle, 63 ans, militante à NousToutes, il est plus que nécessaire encore aujourd'hui de se rassembler, "parce ce qu'il faut que ça cesse". Elle s'inquiète du vote qui vient d'avoir lieu en Argentine et de l'élection de Javier Milei comme nouveau président, anti-avortement convaincu qui a prévu de supprimer le ministère des droits des femmes. "Sororité avec les Argentines", lance la militante.
"Eduquez vos garçons", pouvait-on lire également sur de nombreuses pancartes, brandies par des manifestantes mais aussi par des manifestants. Car année après année, on ne peut que saluer une mixité de plus en plus visible dans les cortèges. Les hommes féministes viennent nombreux montrer leur solidarité avec les militantes.
De plus en plus d'hommes chaque année dans les cortèges féministes. Ici, un manifestant portant un panneau pour inviter à éduquer les garçons à lutter contre les violences sexistes et sexuelles.
Pour Antoine, 23 ans, venir manifester semblait évident, car pour lui, l'égalité femmes-hommes est indispensable et un combat pour tous et toutes. Néammoins, il avoue qu'il lui a été difficile de motiver ses camarades à venir dans la rue en ce 25 novembre, "car ils avaient d'autres trucs à faire"...
Alizée, 25 ans et Sam-Mendy, 26 ans, sont venus de l'île de la Réunion pour défendre les droits de tous et toutes. Concernant les femmes transgenre, Sam déplore qu'un tel sujet reste autant tabou, "ça s'exprime par des remarques, de différentes manières. Les violences se rejoignent, qu'elles visent les femmes, les personnes LGBT, les personnes queers. On subit des violences de tous les côtés, toutes ces luttes se rejoignent d'autant plus quand on est d'outre-mer, on a du mal à faire entendre ce combat là-bas".
Alizée et Sam sont venus de St Denis de la Réunion manifester spécialement ce 25 novembre à Paris pour défendre les droits des femmes, des femmes trans et des personnes queers.
Cette autre jeune femme milite pour une association qui vient en aide aux enfants défavorisés en France et au Cap vert : "Notre objectif est de déconstruire ce qui se passe dans nos sociétés, et de donner à ces enfants une possibilité d'évolution car ils sont les adultes de demain". Elle nous confie aussi pourquoi elle est venue manifester aujourd'hui en tant que femme "racisée", "C'est un peu plus compliqué aussi quand on est une femme noire, on est dans une société où les choses ne se disent pas, donc ça demande plus de force pour parler".
Les militantes du collectif capverdien Cheda qui vient en aide aux enfants défavorisés en France et au Cap Vert.
Des marches se sont déroulées dans plusieurs villes en France : plusieurs centaines de personnes à Lyon et à Strasbourg, environ 200 à Lille etc. Beaucoup de femmes mais aussi des hommes. Et partout, la couleur violet dominait les cortèges.
Dans le cortège de Strasbourg, Léonore, 22 ans, voudrait "qu'il se passe quelque chose quand on dénonce les faits". "Les violences sexuelles sont difficiles à prouver, il y a beaucoup de classements sans suite. La justice n’est pas adaptée", regrette la jeune femme. A Nantes, des femmes se sont rassemblées autour d'un (faux) cercueil peint en rouge, muni d'une fente, dans laquelle elles ont glissé des affichettes imprimées du mot "Féminicide", en égrenant les noms de femmes tuées par un homme.
A noter aussi qu'à Paris, le conflit au Proche Orient s'était invité dans la manifestation : des participant.e.s ont défilé en brandissant des drapeaux palestiniens. En même temps, un peu plus loin dans le cortège, d'autres brandissaient des pancartes proclamant "Le Hamas viole". Plusieurs collectifs de soutien aux femmes afghanes et iraniennes ont également défilé au sein du cortège parisien.
D'autres manifestantes ont de leur côté préparé un calendrier de l'avent à leur façon, en comptabilisant le nombre de féminicides qui pourraient être commis d'ici Noël.
Combien de féminicides d'ici le 25 décembre ? Actuellement, une femme meurt sous les coups d'un homme tous les trois jours en France.
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