Fil d'Ariane
Une femme qui fait une fausse couche, ou donne naissance à un enfant mort-né, aura dorénavant droit à un congé payé spécial de trois jours, ainsi que son conjoint. Objectif de la nouvelle loi néo-zélandaise : éviter à la femme d'être tributaire d'un arrêt maladie et permettre à son ou sa partenaire de l'accompagner dans l'épreuve.
Dirigée par une femme, Jacinda Ardern, depuis 2017, la Nouvelle-Zélande s'impose une nouvelle fois à l’avant-garde des avancées pour les droits des femmes avec cette loi votée par le Parlement le 24 mars 2021. Celle-ci garantit un congé spécial de trois jours aux parents confrontés à une fausse couche à tout moment de la grossesse, ou à la naissance d'un bébé mort-né.
Le deuil qui accompagne une fausse couche n'est pas une maladie, c'est une perte, et il faut du temps pour s'en remettre physiquement et mentalement.
Ginny Andersen, députée
Jusqu'à présent, les Néo-Zélandais avaient droit à un congé de deuil après la perte d'un enfant, mais celui-ci n'incluait pas la perte d'un enfant qui ne serait pas né vivant. La députée travailliste Ginny Andersen, qui a défendu la nouvelle loi devant le Parlement, souligne qu'il était grand temps que la mortinatalité - qui désigne la mort d'un foetus viable, soit pendant la grossesse (mort in utero), soit pendant le travail (mort per partum) - soit reconnue et donne droit à un congé de deuil dédié. La femme qui a perdu son bébé et son partenaire ne seront pas les seuls à pouvoir bénéficier de ce congé, qui pourra également être accordé aux parents cherchant à avoir un enfant par gestation pour autrui (GPA).
Les fausses couches et naissances de bébés morts-nés, qui concernent une à deux femmes sur dix dans le monde, restent globalement des sujets tabous : "Le deuil qui accompagne une fausse couche n'est pas une maladie, c'est une perte, et il faut du temps pour s'en remettre physiquement et mentalement, plaidait Ginny Andersen devant les députés. Beaucoup de femmes ont eu plus d'une fausse couche et cela peut être très traumatisant et difficile si vous essayez de garder un emploi".
Final reading of my Bereavement Leave for Miscarriage Bill. This is a Bill about workers’ rights and fairness. I hope it gives people time to grieve and promotes greater openness about miscarriage. We should not be fearful of our bodies. pic.twitter.com/dwUWINVjLm
— Ginny Andersen (@ginnyandersen) March 24, 2021
La nouvelle loi a vu le jour sous l'impulsion d'une Néo-Zélandaise, Kathryn van Beek. Ayant elle-même fait une fausse couche, elle a constaté le flou qui entoure les suites du décès d'un enfant à naitre. Dans certains cas, la situation peut dégénérer en conflit avec l'employeur, ajoutant encore à la détresse de la femme qui vient de perdre un enfant.
Kathryn van Beek s'est aperçue que de nombreuses Néo-Zélandaises avaient du mal à obtenir du temps libre pour faire leur deuil et surmonter leur perte. "Toutes les femmes qui font une fausse couche n'éprouvent pas forcément de chagrin ; toutes n'ont pas besoin d'un congé de deuil, mais pour celles dont c'est le cas, il est important qu'elles aient cette option et qu'elle soit prévue par la loi", insiste-t-elle. Alors Ginny Andersen a accepté de se faire la porte-voix de ses revendications.
Nice to meet you @KathrynvanBeek and change the law for the better - Bereavement Leave for Miscarriage. pic.twitter.com/7nToRbTRvj
— Ginny Andersen (@ginnyandersen) March 25, 2021
La nouvelle loi s'inscrit dans une longue tradition législative qui fait de la Nouvelle-Zélande un pays pionnier pour le droit des femmes. "J'espère que si nous sommes un des premiers, nous ne serons pas un des derniers, et que d'autres pays commenceront à légiférer pour un système de congés juste et empreint de compassion qui reconnaisse la douleur et le deuil de la fausse couche ou de la naissance d'un enfant mort-né", souhaite Ginny Andersen.
En 1893, l'archipel fut notamment le premier pays à accorder le droit de vote aux femmes. Dernière avancée en date pour ce pays à l'avant-garde : mi-février, la Première ministre, Jacinda Ardern, annonçait la gratuité des protections périodiques dans les établissements scolaires pour lutter contre la précarité menstruelle.
La Nouvelle-Zélande n'est pourtant pas le tout premier pays au monde à faire progresser la législation sur les congés pour fausse couche. En Inde, les femmes peuvent obtenir jusqu'à six semaines, mais comme beaucoup ne sont pas salariées "légales", elles y renoncent. Dans l'Ontario, au Canada, si une femme perd un bébé à partir de 17 semaines avant la date prévue pour l'accouchement, elle a droit à 17 semaines de congé de maternité, mais sans solde. Et au Royaume-Uni, une fausse couche avant la fin de la 24ème semaine de grossesse ne donne pas droit à un congé de deuil, mais un enfant mort-né après presque six mois de grossesse donnent droit à un congé de maternité et à la rémunération correspondante. A l'égal de celles qui mènent une grossesse à terme et sans accroc.
La fausse couche concerne 1 femme sur 4 en France mais reste un tabou absolu. Elle doit être éprouvée en silence, sans aucune reconnaissance du deuil vécu. J'espère que cette décision importante fera écho (et sachez qu'il y a un livre à venir sur le sujet)https://t.co/se0gxcaVUm
— Camille Froidevaux-Metterie (@CFroidevauxMett) March 25, 2021
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