“
Notre voyage ne sera pas terminé tant que nos femmes, nos mères et nos filles ne gagneront pas un salaire équivalant à leurs efforts” : dans le discours d'investiture de son deuxième mandat, le 21 janvier 2013, le président Obama a inclus, parmi les objectifs qui restaient à atteindre, l'égalité salariale entre les hommes et les femmes. De fait, alors que la loi sur l'égalité des salaires a été promulguée par le président John F. Kennedy en 1963, le fossé s'est réduit à un rythme désespérément lent.
Ainsi, en 1963, les femmes (représentant à l'époque 29,6% seulement du total des participants au marché de l'emploi) travaillant à plein temps toute l'année gagnaient 59 cents pour chaque dollar engrangé par les hommes. En 2010 (dernières statistiques disponibles au Bureau du Travail fédéral américain), alors que la présence des femmes sur le marché de l'emploi avait doublé, elles gagnaient 77 cents pour le même dollar masculin. Le fossé s'est donc réduit de moins d'un demi cent par an sur la période !
Un président sensibilisé mais impuissant ?Autant dire que le président Obama a du pain sur la planche. Et s'il a lui-même signé, en 2009 - ce fut d'ailleurs la première loi qu'il aura promulguée lors de son premier mandat - un texte (baptisé
Lilly Ledbetter, du nom de la plaignante) annulant la limite de 180 jours pour déposer plainte quand un(e) salarié(e) se rendait compte après coup d'une discrimination, c'est bien parce que discrimination il y a... Ce qui amène à une question : pourquoi, alors que les entreprises considèrent les femmes aussi compétentes que les hommes pour occuper un emploi (elles les embauchent, après tout), ces mêmes entreprises ne jugent pas nécessaire de leur offrir un salaire égal ?
Certes, le fossé salarial vient souvent du manque de promotion des femmes. Mais là encore, cet état de fait appelle une question : pourquoi les femmes ne sont pas promues de la même façon que les hommes ? Ainsi, elles n'étaient que 14,3%, en 2012, à occuper un poste de directrice générale dans une entreprise du classement Fortune 500 (contre 13,5% en 2009) et elles n'étaient que 16,6% à siéger au conseil d'administration des mêmes entreprises (contre15,2% en 2009 et 9,6% en 1995). De même, si les femmes représentent près de la moitié des étudiants en droit, elles ne sont que moins de 20% à être devenues “
partners”, le meilleur niveau dans les grands cabinets d'avocats américains.
Jeunes et aînées à la même enseigneD'aucuns diront qu'il faut donner du temps au temps et que les jeunes diplômées auront plus de chance que leurs aînées. Mais rien n'est moins sûr... Car les femmes partent avec un handicap. Selon une étude de l'American Association of University Women, fondée sur des statistiques du Département de l'enseignement, on s'aperçoit que les jeunes diplômées sont embauchées à un niveau représentant 82% seulement du salaire des jeunes diplômés. Où est l'erreur ? Dans certains cas, elle viendrait du choix des femmes dans leurs études : elles optent souvent pour des secteurs peu porteurs, comme l'éducation ou les sciences sociales, tandis que les hommes préfèrent une carrière d'ingénieurs ou d'informaticiens. Mais au delà de ces choix, dommageables pour les femmes, sans oublier d'autres éléments, tel que le nombre d'heures de travail (certaines femmes passent parfois au temps partiel quand elles ont des enfants), il n'en reste pas moins que, selon l'étude citée plus haut, à diplôme égal et candidature à un poste égal, les entreprises ont tendance à proposer un salaire moindre aux jeunes diplômées. L'écart est de 7%. L'explication ? Les jeunes diplômées n'oseraient pas négocier leur salaire... Pis, quand elles le feraient, elles seraient mal perçues par les responsables des ressources humaines en face d'elles, et pénalisées !
Agir, même contre le sacro-saint libéralismeDans ces conditions, éliminer le fossé salarial semble relever de la gageure, puisqu'il faut en même temps inciter les femmes à choisir les “bonnes” études, les habituer à négocier, changer les mentalités des responsables des ressources humaines, etc.
Restent l'Etat, et le président Obama. Si les lois existent bien, encore faut-il qu'elles soient appliquées, par le biais d'audits obligatoires dans les entreprises, par exemple, afin de débusquer les écarts salariaux, intentionnels ou non, et d'y remédier efficacement. L'exécutif comme le législatif américains, qui s'interdisent d'intervenir trop franchement dans les entreprises privées, auront-t-ils le courage de le faire pour lutter contre la discrimination salariale ? Quand on voit les difficultés à interdire l'usage de certaines les armes à feu, on peut en douter...