Pour muscler sa réponse aux violences conjugales, la France continue à enrichir son arsenal légal. Dans la nuit du 9 au 10 juin, le Sénat français a adopté une proposition de loi complétant les dispositions prises fin 2019. Outre la généralisation du bracelet anti-rapprochement, les sénateurs ont dit oui à la levée partielle du sacro-saint secret médical en "danger immédiat".
D’abord adoptée par les députés en première lecture, le texte validé le 10 juin par les sénateurs autorise le médecin à déroger au secret professionnel lorsqu'il "estime en conscience" qu'il y a "danger immédiat" pour la vie de la victime et situation d'emprise.
Le texte alourdit les peines en cas de harcèlement au sein du couple, les portant à dix ans d'emprisonnement lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. Une première série de mesures avaient déjà été adoptées fin 2019, dans la proposition de loi du député LR Aurélien Pradié, dont la généralisation du bracelet anti-rapprochement.
Lire notre article >Violences conjugales : le bracelet anti-rapprochement, parmi les mesures phares du gouvernement français"On déplore à ce stade 36 homicides conjugaux en 2020, contre 150 sur l'ensemble de l'année 2019. Ce n'est évidemment pas une victoire (...) mais cette diminution est sans doute un marqueur de la pertinence des dispositifs qui ne sont pas encore totalement déployés", a affirmé la garde des Sceaux Nicole Belloubet.
Les femmes mais aussi les enfants
Autres dispositions, la répression de la géolocalisation d'une personne sans son consentement et la création d'une circonstance aggravante en cas de violation du secret des correspondances par un conjoint ou ex-conjoint. C'est le dispositif anti-cyber-harcèlement voulu par le Parlement, complété par une circonstance aggravante du délit d’envoi réitéré de messages malveillants.
"Le terreau des violences conjugales c'est un phénomène de domination"
Marlène Schiappa, secrétaire d'État à l'Egalité femmes-hommes "Le terreau des violences conjugales c'est un phénomène de domination", a affirmé Marlène Schiappa, soulignant que "pour la première fois" la notion d'emprise entre dans la loi. Le texte renforce par ailleurs la protection des mineurs concernant l'exposition à la pornographie, un amendement du Sénat imposant un contrôle d'âge aux éditeurs de sites pornographiques.
Prochaine étape : députés et sénateurs doivent se mettre d'accord sur une version commune du texte en commission mixte paritaire.
"Un tiers des mesures du Grenelle des violences conjugales est d'ores et déjà réalisé, un autre tiers est en cours de déploiement et le dernier tiers poursuit sa préparation, notamment ici avec vous", a déclaré la secrétaire d'État à l'Egalité femmes-hommes.
Des réactions parfois très mitigées.Mais les réactions n'ont pas été unaniment approbatrices, à l'exemple de celle d'
Aurélien Pradié, député d'opposition, Les Républicains, en première ligne fin 2019 sur la lutte contre les violences conjugales.
Réaction d'Aurélien Pradié, député LR
Objet de son courroux : un décret qui donne 24 heures maximum à la femme victime pour informer son conjoint violent, par huissier, de la procédure ouverte à son encontre. La loi adoptée en décembre imposait aux juges six jours (contre plus d’un mois auparavant) pour statuer sur une demande d’ordonnance de protection.
Une inquiètude relayée par cinq associations de protection des Femmes, qui ont demandé “en urgence la suppression de ce nouveau délai qui met les femmes en danger et rend les procédures impossibles à tenir”. Une rencontre entre la ministre de la justice et les associations devait se tenir le 10 juin. Sa réponse avant la réunion : “Si le comité de pilotage que je viens de mettre en oeuvre dit que ce n’est pas réalisable pratiquement, je n’aurai aucune hésitation, je modifierai ce texte. Je le modifierai vite et sans hésiter”, a dit Nicole Belloubet.
Une préoccupation internationale.
D’autres pays ont déjà tenté de déployer des mesures similaires à celle de la France, à l’exemple de l’Angleterre. Un projet, AgelD, visant à protéger les mineurs face à la pornographie a été évoqué mais repoussé semble t-il sine die. Le dispositif imposait à l’utilisateur un identifiant et un mot de passe pour accéder aux contenus classés X. Mais les risques de piratages ou sa faible efficacité ont bloqué sa mise en oeuvre.
Lire aussi >"MASCARILLA-19" : l'Espagne met en place un dispositif de signalement des violences pendant le confinement Notre engagement consistait à soutenir publiquement la campagne par un appel à l'action, mais nous voulions toutes faire plus que cela.
Emma Hayes directrice de la section féminine du club Chelsea
La lutte contre les violences conjugales reste néanmoins une préoccupation majeure en Grande-Bretagne. Pour preuve, les footballeuses de Chelsea ont décidé de faire don de leurs primes de vainqueurs de la Super League féminine à une association venant en aide aux victimes de violences domestiques, a annoncé Emma Hayes, la directrice de la section féminine du club.
Le prix de 100.000 livres sterling , soit quelques 110.000 euros, sera remis à l'association
"Refuge", une organisation caritative qui soutient les femmes et les enfants victimes de violences domestiques.
"Jusqu'à présent, notre engagement consistait à soutenir publiquement la campagne par un appel à l'action, mais nous voulions toutes faire plus que cela", a déclaré Emma Hayes.
"Si le fait de donner notre prime de championnes peut apaiser certaines des inquiétudes et des soucis des gens, alors c'est le moins que nous puissions faire."Un don qui a ému et réjoui Sandra Horley, la directrice générale de Refuge.
"Nous sommes incroyablement reconnaissantes à Chelsea Women non seulement de mettre en lumière la violence domestique, mais aussi de nous soutenir par un engagement financier important. C'est un geste incroyable".