Oui à la PMA pour toutes : la loi bioéthique entre en vigueur en France

La loi de bioéthique, dont la mesure phare est l'ouverture de la PMA à toutes les femmes entre en vigueur, le décret vient d'être publié au Journal officiel. Dernier acte d'un long processus et d'une bataille de longue haleine pour la mise en oeuvre d'une réforme profonde de la société.
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Selon une récente enquête d'opinion de l'institut Ifop, 67% des Français-es se prononcent en faveur de l'ouverture de la PMA (procréation médicale assistée) à toutes les femmes, célibataires, en couple, et/ou homosexuelles. 
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Neuf ans d'attente pour des milliers de femmes, et pour beaucoup d'entre-elles, cela arrivera sans doute trop tard, mais pour les autres, cette loi sonne l'heure de tous les possibles. Si le président François Hollande a été le premier à en faire la promesse, Emmanuel Macron l'a fait: les couples de lesbiennes et les femmes seules vont désormais pouvoir accéder à la procréation assistée. Après une troisième lecture au début du mois de juin à l’Assemblée, puis au Sénat, le texte de loi Bioéthique a fait son ultime passage pour être définitivement adopté à l'Assemblée nationale le mardi 29 juin. 326 députés ont voté pour, 115 contre et 42 ne se sont pas exprimés. La loi a été officiellement promulguée le 29 septembre 2021, le décret étant publié au Journal officiel. 
 
Ce texte ne satisfera pas tout le monde. Il sera jugé tantôt frileux, tantôt audacieux. Mais il sera jugé équilibré. C’est un texte ambitieux.
Adrien Taquet, secrétaire d'Etat à l'enfance et aux familles
"La PMA pour toutes les femmes était un engagement du président de la République", a rappelé le secrétaire d’Etat en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, "Ce texte ne satisfera pas tout le monde. Il sera jugé tantôt frileux, tantôt audacieux. Mais il sera jugé équilibré. C’est un texte ambitieux". Le projet de loi va terminer son processus législatif pour le moins long de deux ans et repasse devant les députés, qui pourront l’adopter définitivement.
 

"Le texte va arriver au bout de son examen" au Parlement en juillet et les textes d'application doivent "sortir très rapidement" afin que "les femmes qui attendent ce droit nouveau puissent en bénéficier le plus tôt possible", s'est engagé le ministre de la Santé Olivier Véran.

Fabien Joly, de l'association des familles homoparentales, pousse "un ouf de soulagement: cette loi va finalement être adoptée, les jeux sont faits". Il relève cependant "le risque d'avoir une pénurie de sperme" face à la demande, alors que le projet de loi prévoit une levée de l'anonymat des donneurs sous conditions. 

La PMA pour toutes s'inscrit dans un quinquennat de progrès : nous avons allongé le congé paternité, combattu les violences intrafamiliales.
Christophe Castaner, chef de file des députés LREM, dans le JDD

"D'autres pays ont connu une baisse des dons, mais seulement temporaire. Il faudra faire de la pédagogie, rassurer", reconnaît le chef de file des députés LREM Christophe Castaner. "La PMA pour toutes s'inscrit dans un quinquennat de progrès : nous avons allongé le congé paternité, combattu les violences intrafamiliales, assuré le versement par la CAF des pensions alimentaires impayées", vante-t-il dans le JDD.

Oui à la PMA pour toutes, pour 67% des Français-es 

Une enquête - intitulée Les Français, la PMA et le vote de la loi bioéthique - a été réalisée par l'Ifop pour l'Association des familles homoparentales. Elle révèle un consensus autour de cette mesure. 67% des Français sont favorables à son instauration dans le cas des couples de femmes, et la même statistique appuie l'ouverture du dispositif à l'avantage des femmes célibataires.

Dans le détail, il apparaît en juin 2021 que 63% des hommes et 70% des femmes soutiennent la PMA pour les couples de femmes. Les catégories de la population les plus enthousiastes sont les 18-24 ans (avec un taux de faveur de 84%), les employés (79%) et les ouvriers (78%).
 

Selon ce même sondage, l'approbation de la gestation pour autrui (GPA) est désormais majoritaire dans la population: 53% y sont ouverts pour les couples homosexuels. Et 66% des gens sont prêts à valider le principe de la mère porteuse pour accoucher des couples hétérosexuels. Plus largement, l'étude d'opinion montre l'évolution profonde du regard jeté sur l'homoparentalité.

Cela constitue un renversement majeur du prisme français autour de cette thématique, opéré en une trentaine d'années à peine. En janvier 1990,  24% seulement y étaient favorables, selon une autre enquête de l'Ifop. L'idée était cependant déjà devenue majoritaire en avril 2004, avec 51% de sondés partisans de la possibilité du recours à l'insémination pour les couples de femmes.
 

La Manif pour tous se remobilise

Mais l'opposition de droite n'a pas dit son dernier mot. Elle a déposé près des deux tiers des 1.550 amendements. "L'exécutif fait preuve d'une absence catastrophique de sens des priorités et des responsabilités" au regard notamment de la crise sanitaire, estiment quelque 80 parlementaires LR dans une tribune récente à La Croix. Ces élus, dont les députés en première ligne Patrick Hetzel et Xavier Breton, ainsi que le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, jugent que "le gouvernement veut passer en force sur le projet de loi bioéthique". Ils suggèrent de laisser plutôt "place à un vrai débat démocratique en 2022".

"Dans ce contexte, le gouvernement, au lieu de retirer le texte, vient de décider d’une troisième lecture dans les deux chambres. Comme cela ne permettra pas de parvenir à un texte commun, tant le clivage est profond, il sait pertinemment que c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot. Autant dire que la majorité présidentielle aura alors les mains libres, faisant fi du travail du Sénat, de l’opposition de nombreux députés aux mesures les plus clivantes et des conclusions des États généraux de la bioéthique organisés en 2018", écrivent ces députés dans leur tribune.

Malgré cet appel des anti, les députés de la commission spéciale ont adopté le 1er juin, en troisième lecture, le projet de loi relatif à la bioéthique.

Quant à la Manif pour tous, vent debout contre l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires, elle appelle à manifester aux abords du Palais Bourbon au nom de "l'égalité des droits pour tous les enfants, à commencer par celui d'avoir un père et une mère".

Le sondage Ifop montre que les segments de la population les plus défavorables à la PMA pour les couples de femmes se situent notamment du côté des 65 ans et plus. 49% de cette partie du panel désapprouvent, comme 50% des artisans et des commerçants. La scène religieuse est très contrastée: 61% des musulmans et 56% des protestants déclarent leur opposition mais 55% des catholiques pratiquants soutiennent cette mesure.

Une attente qui se prolonge pour des milliers de femmes

Le projet de loi a entamé son parcours parlementaire à l'automne 2019. Pour cette nouvelle lecture, les temps de parole des groupes politiques seront limités au total à douze heures et demie, pendant cinq jours.

Il y a un an, le Sénat dominé par la droite avait voté le projet de loi avec sa mesure d'ouverture de la PMA, excluant toutefois la prise en charge par la Sécurité sociale. Mais en deuxième lecture en début d'année, les sénateurs ont adopté dans la confusion le texte amputé de cette mesure emblématique. Députés et sénateurs ne sont pas parvenus à un texte de compromis, d'où cette dernière navette, avec ensuite un examen au Sénat le 24 juin et in fine le dernier mot pour l'Assemblée.

Outre l'ouverture de la PMA, le projet gouvernemental prévoit une délicate réforme de la filiation et de l'accès aux origines, et aborde nombre de sujets complexes comme l'autoconservation des ovocytes ou la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Lors du tour de chauffe en commission spéciale la semaine dernière, les députés ont rétabli leur version et supprimé les ajouts du Sénat comme la mention qu'"il n'existe pas de droit à l'enfant".
 

Une nouvelle fois, a ressurgi le débat sur la GPA (gestation pour autrui c'est-à-dire par mère porteuse), interdite en France. Les élus LR ont dénoncé une "duplicité" de la majorité, du fait notamment de la reconnaissance possible de la filiation des enfants nés par GPA à l'étranger, que les députés ont gravée dans le projet de loi en deuxième lecture pour unifier les décisions de justice sur la question.

Toujours selon la même enquête Ifop, le recours des couples hétérosexuels à des mères porteuses est acceptée pour 66% des Français-es, 34% s'y opposent. 62% des hommes s'engagent en ce sens, et 70% des femmes. Quand il s'agit de la GPA à destination des couples homosexuels, 53% se disent pour, 47% contre. 52% des hommes y sont opposés, alors que 59% des femmes y sont favorables.