Pakistan : "Les femmes n'arrêtent pas de tomber enceintes ou d'accoucher pendant les inondations !"

En situation de crise, ce sont les populations les plus fragiles qui se retrouvent en première ligne. La situation au Pakistan, en proie aux inondations, n'échappe pas à la règle. Parmi les colonnes de personnes jetées sur les routes à la recherche d'un refuge dans des camps de fortune, des milliers les femmes enceintes... Encore plus vulnérables, privées de suivi médical, elles ont besoin d'une aide d'urgence. 
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Des femmes traversent une zone inondée à la suite de fortes pluies, dans le district de Qambar Shahdadkot de la province du Sindh, au Pakistan, le 2 septembre 2022.
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Les inondations fragilisent la situation des femmes au Pakistan, et notamment les femmes enceintes. Ici, une femme trouve refuge dans une tente après que sa maison a été touchée par des inondations à Sukkur, au Pakistan, le 4 septembre 2022.
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Au moins 128 000 femmes enceintes présentes dans les zones inondées ont un besoin urgent d'aide. 42 000 doivent donner naissance dans les trois prochains mois, selon le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA).

C'est à ce moment-là qu'une femme et son bébé sont vulnérables et ont le plus besoin de soins.
Dr Bakhtior Kadirov, UNFPA Pakistan

"Les grossesses et les accouchements ne peuvent pas attendre que les urgences ou les catastrophes naturelles soient passées. C'est à ce moment-là qu'une femme et son bébé sont vulnérables et ont le plus besoin de soins", estime le représentant par intérim de l'UNFPA au Pakistan, le Dr Bakhtior Kadirov.

Plus de 1 000 établissements de santé sont partiellement ou entièrement détruits dans la province du Sindh, tandis que 198 sont endommagés dans les districts du Balouchistan touchés par les inondations, précise le rapport de l'UNFPA. Les dommages subis par les routes et les ponts ont également compromis l'accès des filles et des femmes aux établissements de santé.

Jusqu'à présent, 8 311 kits de soins féminins, 7 411 kits pour les nouveaux-nés et 6 412 kits d'accouchement propre ont été achetés. La distribution de ces kits est en cours, précise l'organisation.

Des violences à craindre

"Lorsque la crise frappe, les femmes n'arrêtent pas de tomber enceintes et d'accoucher, et le risque de violence augmente rapidement. Les services de santé sexuelle et reproductive sont souvent gravement touchés, obligeant les femmes à accoucher sans le soutien médical dont elles ont tant besoin. L'accès aux produits de planification familiale et d'hygiène menstruelle peut également être perturbé", rapporte Dr. Natalia Kanem, directrice exécutive de l'UNFPA.
 

Compte tenu des témoignages très préoccupants d'incidents de violences sexistes, nous travaillons avec des partenaires pour fournir des services de prévention et d'intervention.
Dr. Natalia Kanem, directrice exécutive de l'UNFPA

"Compte tenu des témoignages très préoccupants d'incidents de violences sexistes, nous travaillons avec des partenaires pour fournir des services de prévention et d'intervention, y compris un soutien médical et psychosocial", ajoute la responsable onusienne.

En quête de médecin et de sages-femmes

Avec un ventre trahissant sa grossesse avancée et sa fille de quatre ans à ses côtés, Fahmidah Bibi attend avec impatience la venue d'un médecin dans le camp pour personnes déplacées par les inondations.
 
J'ai besoin d'un docteur ou d'une sage-femme. Que se passera-t-il si quelque chose arrive à mon enfant ?
Fahmidah, enceinte de 9 mois.

"J'ai besoin d'un docteur ou d'une sage-femme. Que se passera-t-il si quelque chose arrive à mon enfant ?", s'inquiète Fahmidah, enceinte de neuf mois et qui souffre aussi des pieds.

Juché sur le terrain d'une petite gare de la banlieue de Fazilpur, dans la province du Pendjab, le camp qui accueille environ 500 personnes, est le seul endroit encore sec dans un paysage entièrement inondé.

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Les inondations fragilisent la situation des femmes au Pakistan, et notamment les femmes enceintes. Ici, une femme trouve refuge dans une tente après que sa maison a été touchée par des inondations à Sukkur, au Pakistan, le 4 septembre 2022.
©AP Photo/Fareed Khan

Des familles en détresse

Fahmidah, 40 ans, est arrivée dans ce camp il y a à peine plus d'une semaine avec ses cinq enfants et des parents de son mari. Elle n'a plus vu de médecin depuis un mois. Selon le compte rendu qu'elle conserve précieusement, avec une ordonnance pour un médicament trop cher pour elle, son bébé se présente par le siège. La mère de famille dort dehors sur un lit traditionnel en cordes tressées qu'elle partage avec ses cinq enfants, âgés de quatre à douze ans. 

L'immense camp improvisé abrite au moins cinq autres femmes enceintes. Toutes se plaignent du manque de femmes médecins ou de sages-femmes pour les aider.

La plupart d'entre elles ont refusé d'être examinées par des docteurs volontaires masculins, arrivés avec des convois d'aide. Dans les régions rurales et conservatrices du Pakistan, il est souvent inapproprié pour une femme de consulter des hommes, en particulier pour des examens gynécologiques.

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Un médecin examine une fillette dans la clinique montée par le groupe islamique Jamaat-e-Islami Pakistan, après que sa maison a été touchée par des inondations à Sukkur, au Pakistan, le dimanche 4 septembre 2022.
©AP Photo/Fareed Khan

Une situation sanitaire dégradée

En quête désespérée d'aide, Fahmidah a essayé de traverser les champs inondés pour atteindre la ville. Mais elle a glissé et est tombée plusieurs fois, avant de devoir finalement renoncer. "Je n'ai rien de prêt pour quand le bébé va venir" au monde, explique Fahmidah à l'AFP. "Je n'ai même pas de vêtements à langer. Tout a été emporté dans les inondations."

La perspective d'accoucher ici l'effraie. Les villageois déplacés par les inondations vivent dans la promiscuité, avec leur bétail, et les installations sanitaires sont presque inexistantes. Le bourdonnement des mouches et des moustiques est incessant. Comme la puanteur qui émane de l'eau boueuse, remplie d'excréments et de végétaux en décomposition.

Comme Fahmidah, Saira Bibi, enceinte de cinq mois, attend désespérément un médecin. Elle souffre d'une douleur lancinante sur un côté du ventre. Agée de seulement 25 ans, Saira a déjà quatre filles. Mais elle est sous la pression de son mari et de sa famille pour leur donner un fils. Son époux l'a menacée de prendre une autre femme si elle ne parvenait toujours pas à combler cette attente.

"J'ai eu un fils après les quatre filles, mais il est mort", dit-elle, expliquant avoir ensuite suivi un traitement pour la fertilité, afin de tomber à nouveau enceinte. Maintenant, elle craint de ne pas pouvoir aller au terme de sa grossesse.