Fil d'Ariane
diplômes, mais pas d'opportunités, pas d'encouragements. C'est ce que je veux changer. Tout comme je suis entrée dans l'histoire avec l'industrie de la mode, je veux faire la même chose dans l'industrie des médias. " confie-t-elle, sereine, à Interview Images.
Quelques semaines plus tôt, en effet, la jeune femme avait déjà fait parler d'elle en devenant le premier mannequin transgenre à défiler sur le podium du PFDC Sunsilk Fashion Week, un événement majeur de la mode dans le pays.
Les confrères qui voudraient évoquer avec elle le côté glamour de la chose en sont pour leurs frais. Marvia Malik est une combattante. Son parcours n'a rien d'un chemin aimable tapissé de roses.
La nouvelle présentatrice de Kohenoor News, âgée de 21 ans, est fraîchement diplomée de l’Université de Punjab, section journalisme.
Sa famille, qui n'admettait pas son identité sexuelle, l'a renié quand elle avait quinze ans. "Elle ne m'a jamais acceptée ni admise. Ici, j'ai reçu un amour et un soutien sans précédent de la part de tous, ce que je n'ai jamais reçu de ma propre famille".
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— Showbiz & News (@ShowbizAndNewz) 25 mars 2018
Sa grande fierté est ne pas avoir fini à la rue comme les autres "khawajasiras", terme générique qui inclut les transsexuels, les travestis et les eunuques. La plupart gagnent leur vie en faisant l'animation dans les mariages ou en mendiant et en se prostituant.
Selon plusieurs études, ils seraient au moins un demi-million de personnes dans le pays. Dans le même temps, l'homosexualité, interdite par l'Islam, est punissable de 10 ans d'emprisonnement ou même de 100 coups de fouet au Pakistan.
En 2011, le Pakistan a été parmi les premiers pays au monde à légalement
reconnaître un troisième sexe, deux ans après une ordonnance du président de la Cour suprême enjoignant le gouvernement de Islamabad à reconnaître les eunuques comme un genre à part.
En juin 2017, un premier passeport faisant état d'un genre "X" a été imprimé. Une trentaine de permis de conduire ont récemment été délivrés à des femmes transgenres. Ce qui ne signifie pas, loin de là, qu'elles sont pleinement acceptées.
Ainsi, le 27 mars 2017 dans la soirée, l'une d'entre ellesétait abattue à Peshawar, dans le nord-ouest du pays. C'était le 55ème meurtre d'une transgenre en cinq ans, a indiqué Farzana Riaz, la présidente de Trans'Action, une organisation de défense de leurs droits.
Mais l'histoire des transgenres pakistanais n'a pas toujours été aussi rude. Nombre d'entre eux affirment être les héritiers culturels des eunuques qui prospéraient au temps des empereurs moghols jusqu'à ce que les Britanniques arrivent au 19ème siècle et les interdisent.
Marvia Malik entend bien ne pas être la curiositié du moment. Elle veut profiter de sa notoriété pour faire avancer les choses. Ainsi, pour offrir un meilleur avenir aux personnes transgenres, la journaliste a déclaré avoir conçu une loi qui interdirait aux parents d'abandonner leur enfant. "Je peux garantir qu'aucune famille ne reniera jamais un enfant trans. " Elle sait aussi se faire mordante : "Nous n'avons pas les mêmes droits que n'importe quel autre individu dans le pays. Seules des revendications ont été faites et des promesses de quotas dans les emplois gouvernementaux, mais rien n'en est sorti. " Enfin, elle ne cache pas qu'elle ambitionne de créer, dans un deuxième temps, sa propre chaine de télévision "Nous avons seulement besoin de changer notre mentalité et tout le reste va se changer. "
C'est bien parti.
En 2011, pays pourtant perçu comme ultra conservateur, le Pakistan reconnaissait officiellement un troisième genre, deux ans après une ordonnance du président de la Cour suprême enjoignant le gouvernement de Islamabad à reconnaître les eunuques comme un genre à part. Le pays a appliqué des mesures au niveau national.Ce pays aussi a une longue histoire avec les hijras, qui seraient 500.000 à vivre au Pakistan. Parmi eux, on trouve des castrats, des travestis, des transsexuels et des intersexués. Victimes de maltraitances et de viols, ils ont finalement obtenu des droits.
En 2011, la République islamique leur a attribué l’obtention d’une carte d’identité où le troisième genre est inscrit, ainsi que des droits en matière d’héritage et des mesures ont été prises pour les protéger du harcèlement policier. L’État est allé encore plus loin : pour les réinsérer dans la société, des emplois dans la fonction publique leur ont été réservés. A Karachi, la plupart d’entre eux sont recrutés au service du fisc et collectent les impôts auprès des mauvais payeurs. Une alternative à la prostitution ou à la mendicité auxquels ils étaient confrontés. Un système donc où tout le monde trouve son intérêt mais qui reste un paradoxe dans cet État où, dans des régions reculées, les droits les plus élémentaires des femmes et des homosexuels restent souvent bafoués.
Au reste, la reconnaissance d'un troisième genre s'explique aussi par ce refus viscéral de l'homosexualité.
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