Pas évident dans un pays conservateur comme le Pakistan, quand on est une femme de braver un tabou tenace comme celui de piloter une moto ou un poids-lourd... Pourtant, certaines se sont lancées, envers et contre tous.
"Je n'ai besoin de personne en Harley-Davidson", ce refrain bien connu chanté par une certaine Brigitte Bardot, dans les années 60, serait-il enfin arrivé jusqu'aux oreilles des Pakistanaises ?
Bien qu'il y ait de plus en plus de femmes au volant dans ce pays de 200 millions d'habitants, la conduite d'une moto ou d'un camion reste encore semble-t-il essentiellement réservée aux hommes. Dans l'esprit collectif, c'est plutôt à l'arrière d'un deux roues, comme passagères assises en amazone accrochées à leur conducteur, que l'on imagine les Pakistanaises.
Besoin de personne
Et pourtant, depuis quelques mois, certaines ont décidé de braver le tabou. Parmi elle, Tayyaba Tariq.
Cette jeune femme de 22 ans, casque blanc vissé sur ses longs cheveux, au guidon d'une 125 cm3 rutilante, fait partie d'une nouvelle génération de conductrices déterminées à repousser les limites qui leur sont imposées par une société volontiers sexiste.
La jeune femme parcourt 50 kilomètres par jour à moto, un moyen bien plus abordable que la voiture pour aller travailler comme agent des douanes à la frontière avec l'Inde.
Si les femmes apprennent à conduire une moto, elles peuvent se déplacer librement, aller et venir indépendamment
Un enjeu de taille quand on sait que les trois quarts des Pakistanaises ne sont pas sur le marché du travail, principalement à cause du manque de transports sûrs, selon une étude de l'organisation internationale du travail (OIT).
Alors que les femmes subissent une discrimination quotidienne au Pakistan, une série de campagnes récentes a eu lieu pour essayer de leur faire une place dans l'espace public, dont elles sont habituellement exclues, comme les petits cafés de bord de route.
Sur la question des transports, les autorités provinciales de Lahore ont lancé en novembre un programme de sensibilisation donnant accès aux femmes à des cours de conduite de moto. Quelque 70 femmes -avocates, domestique ou employées de bureau, ont pu en bénéficier.
De leur côté, des policiers de Lahore ont récemment formé près de 150 motardes. Selon Sajjad Mehdi, de la police locale des transports, "beaucoup d'autres femmes ont appris toutes seules".
Des rickshaws "roses"
Autre moyen de transport national, le rickshaw. Jusqu'à présent, peu de femmes-chauffeurs. Une entrepreneure, Zar Aslam, a lancé des rickshaws réservés aux femmes et conduits par des femmes. Une façon de donner une autonomie à la fois aux passagères, qui ont un moyen plus sûr de se rendre au travail ou chez elles, et à la conductrice, qui trouve ainsi une source de revenus. Depuis 2015, cinq risckshaws roses circulent dans les rues de la deuxième ville du Pakistan.
L'organisation créée par Zar Aslam s'efforce de former des conductrices et de trouver des financements.
"Nous essayons d'aider les femmes à entreprendre et devenir les propriétaires-gestionnaires de leur propre véhicule", explique la quinquagénaire.
Pour l'actrice Nadia Jameel, ambassadrice des "Rickshaws roses",
"n'importe qui entre 18 et 102 ans peut conduire un rickshaw, quelle que soit sa classe et son milieu d'origine. " "Des femmes vont se porter candidates car elles n'ont pas le choix, elles ont besoin de cet argent", souligne cette star du petit écran.
Chauffeure de poids-lourd
Shamim Akhter, 53 ans, divorcée, n'est pas devenue chauffeure de poids-lourd par vocation mais aussi par nécéssité. Elle est devenue la première conductrice de "truck", ces poids-lourds brinquebalants ornés d'exubérants motifs qui font partie du folklore pakistanais.
Abandonnée par son mari après la naissance de cinq enfants, cette quinqua s'est échinée à faire vivre sa famille par des petits boulots pendant des années, avant de conduire des camions et d'entrer ainsi dans l'histoire.
De nuit comme de jour, elle conduit son "bolide" pour transporter des briques dans la capitale Islamabad.
"Je gagne 1 000 roupies (9 euros NDLR), par trajet un peu long effectué en dehors de la ville", explique-t-elle à l'AFP, tout en astiquant la cabine d'un camion.
"Cela ne me permet pas de couvrir toutes mes dépenses, mais je ne vais pas rester là à attendre, les bras croisés. Si on a besoin de 10 000 roupies et qu'on en gagne 7 000, c'est déjà mieux que rien", dit-elle.
Si la conduite peut être un outil d'émancipation, il faudra toutefois du temps pour que les mentalités changent, même à Lahore, qui est sûrement la ville la plus ouverte du Pakistan.
"Il arrive souvent que des garçons nous suivent" en moto, reconnaît Tayyaba, la motarde.
"Mieux vaut les ignorer, car plus on leur prête attention, plus ils nous importunent". "Ils veulent toujours faire la course avec une fille à moto. Ils pensent qu'une fille ne sait pas conduire et qu'elle aura peur (...) Mais ils ne devraient pas considérer les fille comme ... inférieures!" conclut la jeune femme.