La pureté du sang
Simon Peterman, docteur en sciences politiques et professeur honoraire des universités de Bruxelles et Liège, a publié
un rapport qui fait aujourd'hui autorité sur ces "crimes d'honneur" au Pakistan. Il pointe avec une pertinence bienvenue nombre d'idées reçues sur la question.
Ainsi, selon lui, rien de plus faux quand l'auteur de violences évoque le "bon respect de l'Islam" pour tenter de justifier ses actes.
Simon Peterman est catégorique : "Le Prophète Mahomet n’a pas admis qu’on mariât la femme contre son gré, et déclara nul un mariage conclu contre la volonté de la femme. Le mariage forcé est explicitement interdit dans le Coran et un hadith dit : 'N’épouse pas une femme précédemment mariée sans son accord. N’épouse pas une vierge sans son consentement'. ".
Il explique par ailleurs que dans la tradition pakistanaise, les femmes sont considérées comme des objets. Selon lui, elles appartiennent littéralement "aux hommes de leur famille, peu importe leur classe sociale, leur origine ethnique ou leur communauté religieuse. Le propriétaire d’un bien a le droit de décider du sort de ce dernier. La notion de propriété a transformé les femmes en objets qui peuvent être échangés, achetés et vendus… Les droits de propriété sont en jeu au moment du mariage qui, dans la quasi-totalité des cas, est arrangé par les parents. La femme fait l’objet d’un échange lors du mariage : elle est remise à son époux contre le versement d’une compensation à son père, laquelle inclut parfois une autre femme donnée à ce dernier comme nouvelle épouse."
Difficile, sinon impossible de se soustraire à la tradition : " Certains mariages sont arrangés entre cousins dès leur naissance. Le mariage entre cousins paternels, idéal et privilégié par la société des pères, est une union quasi sacrée. Elle est supposée réaliser la pureté du sang en même temps que la cohésion du groupe et l’intégrité de sa fortune. Le fait de s’y soustraire constitue une atteinte grave à l’honneur des familles car la jeune fille se trouve au centre des exigences et des attentes de ses parents. C’est d’elle que dépend l’honneur du groupe. Et elle doit, pour préserver l’honneur de la famille comme celle de sa communauté, respecter les valeurs traditionnelles et adopter une conduite conforme à la culture d’origine. Pour cela, elle est contrainte de laisser ses rêves et ses projets d’avenir de côté. Seule la communauté compte, l’individu n’existe pas en tant que tel ".
C'est donc le "tort" de Farzana. Elle voulait vivre ses rêves et construire un avenir commun avec l'homme qu'elle aimait, pourtant meurtrier de sa première femme.
Le père de Farzana, Mohammad Parveen, s’estime satisfait par la tournure des évènements. Il a déclaré à la police : “J'ai tué ma fille parce qu’elle avait insulté toute notre famille en épousant un homme sans notre consentement, et je n'ai aucun regret ".
Farsana Parvenne repose désormais dans son village de Jaranwala.
Elle avait 25 ans et était enceinte de trois mois.