Fil d'Ariane
A l'origine de ce rendez-vous du 29 septembre, il y a un appel sur Facebook à soutenir les femmes brésiliennes dans leur opposition à Jair Bolsonaro. Le candidat, outre son racisme et son homophobie affichés, qui menace très concrètement les droits fondamentaux des femmes - il considère, par exemple, qu'une femme ne peut pas percevoir le même salaire qu'un homme, puisqu'elle fait des enfants. Très vite, plusieurs millions de personnes se sont mobilisées dans une cinquantaine de villes dans le monde.
Ce samedi 29 septembre 2018, rien qu’au Brésil, 500 000 personnes avaient investi les rues. Comme par exemple à Recife, à la pointe orientale du pays.
Que lindo o ato em Recife #EleNão #EleNunca
— Manuela (@ManuelaDavila) 30 septembre 2018
Kelvin Bio pic.twitter.com/ScPcSsyAWV
Des femmes de tous âges, de toutes les couleurs, de toutes les conditions sociales, des mères, des célibataires, des LGBT, des fillettes, et les hommes qui sont venus les soutenir et défendre les valeurs démocrates. Une diversité à l'image du métissage brésilien. Or le candidat Bolsonaro, raciste, homophobe et misogyne, n'est pas représentatif de cette culture brésilienne. C'est aussi ce que sont venues dire les manifestantes rassemblées place de la République, à Paris.
Mariana, qui vit depuis une dizaine d'années en France, est l'une des organisatrices de la manifestation : "Nous voulons soutenir les femmes brésiliennes, mais aussi alerter le monde. Aujourd'hui, en tant que député, Bolsonaro pose les jalons des lois qu'il veut imposer s'il est élu président. Il est l'auteur d'un projet de loi interdisant aux femmes victimes d'abus sexuels l'accès aux services de santé publics. Dans un pays comme le Brésil, où l'IVG est encore illégal, nous n'avons pas besoin de rendre les choses encore plus difficiles," doit-elle hurler, la voix couverte par la foule qui reprend à tue-tête Bella Ciao. Âme brésilienne oblige, les rythmes endiablés des percussions et les sons graves d'un saxophone accompagnent slogans et chants révolutionnaires.
Un pays déjà machiste où les femmes sont souvent instrumentalisées et objectifiées
Laura, une Brésilienne installée à Paris depuis environ cinq ans énumère, indignée, les commentaires misogynes du député Bolsonaro : "Devant le Congrès, il a lancé à une députée qu'elle était trop moche pour se faire violer et sur le coup, personne n'a vraiment réagi pour prendre sa défense. C'est pour cela que je viens manifester, explique-t-elle. Quand elle discute avec ses amies ou des membres de ma famille qui vivent au Brésil, Laura sent la peur qu'elles éprouvent qu'il ne devienne encore plus difficile d'être femme au Brésil, "un pays déjà machiste où les femmes sont souvent instrumentalisées et objectifiées".
Maria (ci-dessous, en haut à droite), une Brésilienne d'origine française, est venue exprimer sa peur et son désarroi de voir son pays de diriger vers une fracture : "Bolsonaro est un ex-militaire, un fasciste. Même si c'est contre les femmes que ses attaques sont les plus ciblées et précises, Bolsonaro est aussi une régression pour la jeunesse, pour les noirs, les indigènes..." En tête des intentions de vote du premier tour de la présidentielle, le candidat de 63 ans - père de quatre garçons et d'une fillette de sept ans, qu'il qualifie de "moment de faiblesse" - a aussi multiplié les saillies homophobes et racistes. A J-7, il arrive pourtant en tête des sondages pour la présidentielle, avec 27 % à 28 % d’intentions de votes.
Thomas, un jeune Brésilien, a rejoint la foule des manifestants pour défendre les valeurs de respect et d'égalité dans son pays, mais aussi pour contrer la menace d'une dérive autoritaire si Bolsonaro était élu : "Les femmes sont en première ligne de la protestation contre un candidat qui, clairement, ne les respectent pas et ne respectent pas leurs droits. Mais si elles donnent la tonique du mouvement, elles n'en sont qu'une dimension : elles sont le symbole central d'une lutte qui rassemble beaucoup d'autres demandes - des gays, des travailleurs, des démocrates en général contre un grand admirateur de la dictature militaire."
Ancien capitaine de l'armée, il qualifie le coup d’Etat de 1964 de « révolution » et affirmait, voici quelques années de cela, que la grande erreur de la junte fut « de torturer et non de tuer ».
Au Brésil, l'élection présidentielle se rapproche : J-7 avant le premier tour de scrutin. En tête des intentions de vote, les extrêmes se font face dans un duel sans précédent. A gauche, Fernando Haddad, candidat du Parti des travailleurs de l'ancien président Lula. De l'autre côté, Jair Bolsonaro, à l'extrême-droite. Après avoir frôlé la mort le 6 septembre dernier, il est sorti de l'hôpital ce 29 septembre, ravivant les polémiques qui entourent sa personnalité et sa candidature.
Récit en images de cette journée du 29 septembre au Brésil, entre la liesse des soutiens de Bolsonaro et la vague de manifestations d'opposition :