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50 ans, intervient : "Barbie, c'est cucul, sans intérêt !" Séverine, 35 ans : " Barbie, c'est l'américaine californienne, la Barbie-pouffiasse ! On l'habille et la déshabille comme on veut. En fait, son intérêt est dans les fringues et les chaussures. Ken, lui, est assexué, très années 90, avec ses cheveux en plastique..." Amélie, 26 ans, est catégorique : "Enfant, je jouais avec les poupées Barbie. Aujourd'hui, non, je les trouve pas très belle !"
Auprès de quelques collègues masculins, le ton est tout de suite plus abrupt. Thierry, la cinquantaine joviale : "C'est le profil parfait de l'épouse. Elle est belle, chère à entretenir... et totalement abstinente !"
Mathieu, 40 ans, s'avoue un peu surpris par la question : "Barbie ? En quelques mots ? pouffiasse, années 80, surannée !"
Nous ferons grâce aux internautes des autres sobriquets glanés ici et là au sein de la rédaction. Barbie, certainement, en perdrait son impeccable sourire... Mais trop de mépris cache certainement quelque chose.
Au diable les quolibets ! Nous avons pensé qu'il serait intéressant de visiter cette expo format XXL et qui ne fait pas mystère de son caractère commercial.
Au musée des Arts décoratifs, les enfants pénètrent dans l'expo avec les pupilles qui s'affolent. Festival de "Ah !", de "Ho", de "Hou là là ! ", de "Trop belle !"
S'il n'est pas possible de toucher les poupées, il n'est pas défendu d'être touché par les étincelles dans les yeux des petits. D'ailleurs, pour ces fillettes (on cherche en vain un petit gars parmi la horde des visiteurs...), c'est surtout Barbie-orgie : 700 poupées déployées sur 1500 m2 !
Et l'on découvre Barbie-Hitchcok, sous les traits de l'actrice Tippie Hedren, mais aussi plein de copines inspirées de stars souvent refroidies : Barbie Versace, Barbie
Lagerfeld (mais oui !), Barbie Andy Warhol, Barbie Wonder Women, etc. Il y en a pour tous les goûts... jusqu'au dégoût. Très majestueusement misent en valeur, avec un éclairage soigné, les Barbie, en effet, sont partout.
Le vertige nous prend.
Et si, tout à coup, les Barbie se rebellaient? Si elles en avaient marre d'être en vitrine, offertes à tous ces regards envieux ?
On songe à une armée liliputienne en colère. Entre deux ballottements de mamans exaspérées qui poussent leur petit pour les ventouser au premier rang, on se prend à rêver : et si toutes les Barbies nous tournaient subitement le dos ! Quelle frustration pour les bambins. Alerte ! Sécurité ! Crise de nerfs à l'étage ! Mais non, ressaisissons nous. Barbie n'est pas rebelle. C'est là son moindre défaut.
Il y a bien entendu les pièces de collection : les premières Barbie cuvée 59, puis 60, 70, 80. Chaque fois, le fabricant américain a collé au plus près de la mode. Barbie, alors, triomphait. On trouvait Barbie chez McDo, candidate à la présidence des Etats-Unis, archéologue, pilote de course, policière...
La Barbie éternelle : aspirateur à confidences, éponges à bisous !
On reste saisi par la multiplicité de ces gardes-robes et leur flamboyance tape-à-l'oeil. Des générations de gamines continuent de plonger dans cet univers lisse, facile et souriant. Barbie symbolise une tête vide mais bien faite, un corps parfait et sage.
Ken, c'est le bellâtre au corps sculpté, l'anti macho, un chouilla précieux, et que les grands frères utilisent parfois comme défouloir. Ils le giflent, le tordent et le balancent contre le mur sans craindre la risposte. Les garçons sont méchants, c'est bien connu.
Mais la mode est passée. Si la poupée plastique continue de séduire parmi les jouets-stars, son étoile a un peu pâli.
A 57 ans, le jouet-phare de chez Mattel traverserait une crise. Les ventes, dit-on, s'essouffleraient et la grosse fièvre acheteuse serait passée. L'entreprise américaine résiste pourtant. Elle affirme qu'il se vendrait une Barbie toutes les 3 secondes. Un chiffre. Comment le vérifier ?
Ce qui est certain, c'est la férocité du marché. On ne s'amuse pas toujours au rayon "jouets". En décembre 2015, Mattel a perdu le contrat des licences Disney au profit de Hasbro, l'autre groupe américain rival. Exit, Blanche Neige et La Reine des neiges ! Les ingrates ont fait leurs valises pour les poser chez la concurrence.
Un coup dur pour Mattel : les princesses Disney assuraient, paraît-il, un quart des ventes de l'entreprise. Bratz (MGA Entertainment) est aussi arrivée en force sur le marché. Cette entreprise, elle aussi américaine, grignote sensiblement les parts de marché. Son truc, ce sont les poupées multiethniques. Mais le secteur affronte un concurrent maousse costaud, autrement plus redoutable : les tablettes électroniques. Intéractives, plus ludiques, les gamins en raffolent. Barbie et ses copines font la tronche.
Un peu comme certaines féministes qui continuent de rejeter en bloc Barbie et l'image stéréotypée de la femme qu'elle représente. Et de rappeler que sa silhouette est irréaliste et que ses pieds modelés pour porter des talons hauts ne doivent pas devenir des modèles pour les petites filles en adoration.
Alors Matel a donc relevé le défi. La taille mannequin s'est faite plus discrète. Fini le 90-60-90 obligatoire ! Les nouvelles poupées comptent désormais trois nouvelles silhouettes, censées être plus réalistes pour coller à notre triste quotidien : une poupée plus grande, une autre plus petite et une troisième avec plus de formes. Une Barbie noire et une autre métisse accompagnent cette révolution plastique. Frémissement du marché. Barbie relèverait la tête. Les ventes seraient bonnes. "Avec Barbie, tout est possible" assure Matel.
En sortant d'une telle exposition, on le croit bien volontiers.
Barbie au Musée des Arts décoratifs
107 Rue de Rivoli, 75001 Paris
Exposition jusqu'au 18 septembre 2016