Fil d'Ariane
"L'enfer du Nord porte bien son nom", avoue Marie Le Net qui a connu les deux premières éditions : en 2021 "dans la boue" et en 2022 par temps sec, "un remplissage de poussière pour les poumons".
A l'arrivée, on est détruits. Mais au final on prend du plaisir et donc on continue.
Marie Le Net, concurrente
"On est complètement dingues de faire ça. A l'arrivée, on est détruits. Mais au final on prend du plaisir et donc on continue", ajoute la coureuse de FDJ-Suez, revenue ce 5 avril de la reconnaissance avec des ampoules plein les mains. Après avoir terminé 38e, puis 28e, Marie Le Net rêve de "briller" samedi sur les pavés du Nord.
Première Française l'an dernier (17e), Victoire Berteau, elle aussi a des ambitions. Née à Douai, l'athlète de Cofidis sait ce qui l'attend. "J'allais à l'école à côté du départ et mes parents habitent à côté du premier secteur de pavés des hommes à Troisvilles. Lorsque j'avais un peu foiré un examen à l'école, je prenais mon vélo et j'y allais. Je rentrais rincée mais c'était bon : je m'étais bien défoulée."
Pour courir Paris-Roubaix, il faut avoir un grain dans sa tête.
Victoire Berteau, concurrente du Paris-Roubaix
Cette connaissance du terrain lui procure un avantage. Elle lui permet surtout de mesurer la folie entourant cette classique incomparable qui s'élancera pour la troisième fois samedi 8 avril 20123 de Denain. Pour un parcours de 145,5 km, dont 29,2 km sur les fameux pavés qui rendent la course si dure, jusqu'au vélodrome de Roubaix.
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Pour courir Paris-Roubaix, il faut avoir un grain dans sa tête. Il ne faut pas que toutes les lumières soient allumées", assure Victoire Berteau. Car ce qui domine "c'est un sentiment de sauve-qui-peut. On ne sait pas si on va avoir une crevaison, une chute. On ne peut rien gérer."
La première édition en 2021, repoussée en octobre à cause du Covid, avait donné un aperçu de la dureté d'une course qui n'épargne personne : sur 129 au départ, plus de la moitié n'était pas arrivée dans les délais ou avait abandonné, dont la star, Annemiek van Vleuten, victime d'une double fracture du bassin sur une chute.
Paris-Roubaix est un combat contre les autres, contre soi-même et surtout contre les éléments.
Christine Majerus, concurrente
"On était plongées tout de suite dont l'Enfer du Nord. Il faisait vraiment moche. Paris-Roubaix est un combat contre les autres, contre soi-même et surtout contre les éléments", se souvient Christine Majerus, 11e cette année-là.
Pour survivre à ces conditions, il faut accepter de souffrir et de passer par "les bons et les mauvais moments, comme dans un mariage", se marre la Luxembourgeoise de SD Worx. Et savoir "prendre des risques". Car "si on a peur, on ne peut pas faire Paris-Roubaix. C'est d'ailleurs l'une des seules courses où l'équipe ne force personne à y aller".
Le 5 avril, le caractère impitoyable de la "Reine des classiques" s'est encore manifesté lorsque l'Italienne Vittoria Guazzini a lourdement chuté pendant la reconnaissance de son équipe FDJ-Suez. Verdict : fracture du bassin.
Vittoria Guazzini will not ride Saturday's Paris-Roubaix Femmes after fracturing her pelvis during the FDJ-Suez reconnaissance ride on Wednesday.https://t.co/206dGGfhM7
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"Il faut être une dure à cuire pour prendre le départ ici, souligne sa coéquipière australienne Grace Brown, 12e l'an dernier. Le danger, la malchance, il y a tellement d'éléments qui entrent en compte. Les pavés en font l'une des courses les plus dures du monde, alors que le parcours est tout plat." Et le lendemain, ajoute-t-elle, on a "l'impression d'avoir été renversée par un camion".
Les vibrations qu'on encaisse sur les pavés mettent le corps à rude épreuve et beaucoup finissent les mains en sang. "J'avais mal aux mains, aux trapèzes, aux cuisses, au fessier, à la tête...", énumère Victoire Berteau.
Pour atténuer les secousses, les équipes adaptent leur matériel avec des systèmes de suspensions ou des pneus plus larges et sous-gonflés. Mais le comportement du cycliste reste déterminant. "La clé est d'être le plus relâché possible, il faut laisser danser le vélo sur le pavé", insiste Christine Majerus. Il faut surtout être fort physiquement et dans la tête. "Paris-Roubaix se joue au mental, dit Victoire Berteau. C'est tellement dur qu'il faut savoir passer au-delà."
Et si on y arrive, la lumière est au bout. "L'émotion que j'ai eue les deux fois à l'arrivée sur le vélodrome, je ne l'ai ressentie sur aucune autre course, même pas le Tour de France, dit Marie Le Net. Il y a tellement de soulagement et de satisfaction d'avoir fini et d'avoir battu tous ses pavés que la première fois j'en ai pleuré."
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