Paroles de Femmes : "Il y a une libération de la parole tout comme une libération de la caméra"

Raconter des histoires de femmes, défendre leurs droits et leurs combats en moins de quatre minutes. Voilà le défi relevé par le Très Court International Film Festival grâce à son programme Paroles de Femmes, créé il y a onze ans. Chaque année, vingt "très" courts métrages sont sélectionnés, l'un d'eux est récompensé par le Prix des Droits des Femmes. Entretien avec Perrine Dufourcq, coordinatrice générale de l'évènement. 
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©TresCourtInternationalFilmfestival
Chaque année, la sélection Paroles des femmes de Très Court International Film Festival présente une vingtaine de très courts métrages : fictions, micro-doc, clips, des histoires et portraits de femmes, de leur quotidien et de leur combat pour leurs droits. 
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©Talya Galasko
Depuis 20 ans, le Très Court International Film Festival fait découvrir le meilleur de la production audiovisuelle des formats moins de 4 minutes aux public et professionnels du monde entier. En raison de la crise sanitaire, l'édition 2020 est visible 100% en ligne. 
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Depuis vingt-deux ans, le Très Court International Film Festival s'est donné pour mission de mettre à l'honneur des films de fiction, animation ou mini-docu d'une durée de moins de quatre minutes ... A priori pas si facile et pourtant, l'inventivité des jeunes cinéastes est au rendez-vous.

Un peu de romance mais surtout des combats

Et les femmes dans tout ça ? En 2009, un programme spécifique a été lancé. Comme son nom l'indique, Paroles de Femmes, laisse la part belle aux films de femmes, et également à tout film dont le personnage central est une femme. 

Portraits de femmes, stéréotypes, homosexualité, harcèlement de rue, psychologique ou sexuel, violence conjugale ... Chaque année, le Prix des Droits des Femmes est attribué à l'un des vingt films sélectionnés, avec comme but de soutenir la création dans le domaine audiovisuel dans ces thématiques. Il est attribué grâce aux votes recueillis auprès d’un collectif de personnalités engagées sur ces questions ainsi qu’auprès de l’ensemble des déléguées régionales et départementales des services en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce programme est aussi soutenu par le Secrétariat d'Etat en charge de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. 

Exemple en 2016, le prix est revenu au film Je suis le machisme ordinaire de Fabrice Roulliat. "Ecoutez à cet âge, tous les garçons ont la main baladeuse", dit un instituteur. Le film raconte l'histoire d'une petite fille qui gifle un élève parce qu'il lui caresse la cuisse. Dans le bureau de la directrice, elle se retrouve accusée d'agression, alors qu'elle s'est défendue pour "harcèlement sexuel", comme l'explique alors très justement sa mère. 

Du machisme ordinaire aux violences sexuelles

Ou encore, sur un ton plus humoristique, utilisant un mode inversé toujours très efficace, la réalisatrice Fabienne Galula imagine une journée de l'homme le 8 septembre. Dans son film La journée de l'Homme, un usager du métro se retrouve victime d'une "frotteuse" ... Très parlant, même en quelques minutes. 

Pour fêter ses 10 ans, Paroles de Femmes est devenue en 2019 une plateforme en ligne. On y retrouve plus de 50 très courts métrages réalisés par des femmes et aussi des hommes venu.e.s du monde entier, sélectionnés pour leur qualité de sensibilisation aux questions des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Pendant toute la durée du Très Court International Film Festival, du 5 au 14 juin 2020, tous ces films sont accessibles et visibles gratuitement sur internet. Confortablement installé.e.s dans votre canapé, seul.e.s ou accompagné.e.s, mesdames et messieurs, profitez-en ! 

Entretien avec Perrine Dufourcq, coordinatrice générale de cet évènement.

Terriennes : parler des femmes en moins de 4 minutes, c'est possible ? 
Perrine Dufourcq : Et bien oui, c'est tout à fait possible et cela fait maintenant près de dix ans que l'on prouve que c'est possible d'utiliser des formats très courts, de moins de 4 minutes pour pouvoir traiter de sujets liés au quotidien de femmes, qu'ils soient drôles émouvants et bien-sûr graves. On traite de thématiques très variées pour l'égalité entre les femmes et les hommes et sur pour la défense des droits des femmes, qui vont du harcèlement de rue au viol à la maternité, l'homosexualité etc... Il faut savoir qu'en 4 minutes, les films que l'on propose nous touchent, nous émeuvent, nous font peur, vibrer et rire, et c'est ça qui est beau avec ce format, on peut passer du rire aux larmes toutes les 4 minutes. 

En onze ans, quels films vous ont marqués ?
Des films qui marquent, il y en a évidemment, ce sont souvent des films très durs parce qu'ils laissent une trace. En tant que femme, on ne peut pas se sentir pas concernées par ces thématiques. Je pense à un film en particulier qui traite du viol et auquel je pense moi-même le soir quand je marche seul dans la rue avec peu de lumières. Ce sont des histoires qui nous touchent, il y a des micro-documentaires notamment. Ces films restent dans nos têtes, c'est certain.  

Y-a-t-il eu un effet MeToo sur les films présentés depuis trois ans ? 
Oui, c'est une certitude. Déjà on l'a constaté parce qu'on a reçu beaucoup plus de films autour de cette question-là et beaucoup plus de films réalisées par des femmes, qui ont osé, et ont mené des combats de leur côté. Il y a une libération de la parole tout comme une libération de la caméra. La sélection était plus difficile du coup. 

Combien de films vous sont proposés ? 
Chaque année, on reçoit environ 3 000 films pour la compétition Paroles de femmes, et nous en retenons 20 pour le festival. Il faut aussi préciser que parmi ces films, certains ne traitent pas forcémment de ces thématiques, il y a aussi des fictions, des histoires d'amour. Mais bien-sûr pour ce programme là, nous allons chercher des films qui ont un intérêt à être montrés dans cette sélection. 

Quelle est la proportion entre films réalisés par des femmes et par des hommes ? 
Cette années, nous sommes à 65% de films présentés par des réalisatrices. Chaque année, cette proportion augmente. Notre objectif ultime serait de sélectionner que des films réalisés par des femmes mais il y a aussi des films réalisés par des hommes qui tiennent de vrais propos et qui méritent leur place dans cette sélection.

Les réalisatrices qui participent, qui sont-elles, quel âge ont-elles et que deviennent-elles ?
Ce sont en général de jeunes réalisatrices, car le très court métrage, c'est un peu un exercice. On le réalise en sortant de l'école, en tatonnant, en cherchant son style et ça devient un tremplin ensuite. Les films passent devant des jurés, puis au cinéma, dans d'autres festivals. Elles viennent de partout dans le monde. L'an dernier, en 2019, la lauréate était d'origine polonaise, elle avait 25 ans et sortait à peine de l'école et avait fait un film d'animation magnifique. C'est le genre de profils que l'on essaye de valoriser. Le prix s'accompagne d'une petite somme destinée à aider les lauréates à continuer sur cette voie et à poursuivre leur engagement pour les droits des femmes. 

Cette année, compte-tenu de la crise sanitaire, cela a été plus difficile notamment pour les réalisatrices
Pour le festival comme pour tous les acteurs culturels, la crise est terrible sur tous les territoires. On a eu la chance avec le très court métrage, que ce soit un format très adapté à internet. La solution en ligne s'est imposée comme une évidence, c'est pourquoi tous les films sélectionnés sont accessibles gratuitement et sans interruption pendant la durée du festival sur TresCourt.com. Pour les femmes, on le sait, cela a été évidemment plus compliqué en raison de la charge mentale, et notamment au niveau des violences. Le travail de Paroles de femmes est justement là pour sensibiliser à ces questions. J'espère que les spectatrices auront vraiment l'occasion de découvrir ces films, en compagnie éventuellement de protagonistes masculins pour sensibiliser à ces sujets. Pas besoin d'aller en salles, pour valoriser ces thématiques, tout est directement accessible depuis la maison.