Pédophilie, polygamie : les colères de la rappeuse Ashley

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ashley rappeuse portrait
Ashley est née en Sierra Leone ; elle vit aujourd'hui à Conakry, en Guinée, où elle est devenue l'une des voix puissantes et montantes du rap féminin. 
©facebook/Ashley rap
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Ashley rappe ses colères. Elle n'a pas encore dix ans quand elle subit le harcèlement d'un muezzin, qui habite en face de chez elle, en Sierra Leone. Aujourd'hui, à 23 ans, installée avec ses frères et soeurs à Conakry, en Guinée, elle poursuit sa carrière de rappeuse, avec des textes dénonçant la pédophilie et la polygamie. Rencontre. 
"Un monsieur est venu vers moi, j’étais toute petite. Il était vieux, il a touché mes seins. J’ai tapé ses mains. Il m’a dit de le suivre, qu’il avait des bonbons, mais je me suis enfuie​", nous confie Aïcha Bah, connue sous le nom d’artiste Ashley.
 
Je n’ai pas osé en parler à ma mère. Après, j’avai peur de lui, quand je sortais de la maison. Il m’avait dit de le dire à personne. J’ai eu peur qu’il me fasse du mal. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à écrire.
Ashley
"Je n’ai pas osé en parler à ma mère. Après, j’avais peur de lui, quand je sortais de la maison. Il m’avait dit de le dire à personne. J’ai eu peur qu’il me fasse du mal. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à écrire. Comme je n’avais personne à qui parler, j’ai écris ça dans ma musique. Ce monsieur était un religieux. C'est le monsieur qui appelle à la prière à la mosquée. Même ce jour-là, il est allé à la mosquée. Quand tu le vois, tu le respectes", ajoute la jeune femme. 
Quand c’est arrivé, la petite fille n'a pas parlé. Le religieux habite juste en face de chez elle. "J’avais peur. Parce que ma mère, elle est stricte. Ce jour-là, je n’avais pas le droit de sortir, et moi je je suis sortie pour aller voir mes amis. Elle allait dire que c’est parce que je suis allée dehors que c’est arrivé. Donc si elle savait que ça m’est arrivé, elle allait me frapper. Même à mes soeurs, je n'ai rien dit. J’ai gardé ça en moi". 
 
Contrainte au silence, Ashley a commencé à écrire. Chez elle, à la maison. Et ce n'est que quelques années plus tard, lorsqu'elle rencontre son premier manager, qu'elle a pu en faire un rap et libérer sa parole. Kono Non signifie en langue pular "T'as raison". Cette figure montante du rap guinéen y raconte comment elle a subi, à 8 ans, le harcèlement d'un religieux, qui habitait en face de chez elle. "Il appelle à voix basse la fillette, la conduit dans un coin, lui chuchote des mots doux, lui donne des sucettes et des biscuits, il veut l’amadouer et abuser d’elle", chante-t-elle dans ce titre sorti en 2017.
 
C’est fréquent, et on n’en parle pas. C’est ça le problème. Je voulais dénoncer car je sais que je ne suis pas la seule victime.
Ashley
Autour d'elle, on cherche à la dissuader de sortir ce titre : "On m'a dit 'tu ne dois pas faire ça', 'faut oublier ça', mais moi, je voulais vraiment que ça sorte, et même lorsque des personnes m’ont dit de ne pas le faire, moi, ça m’a poussée à le faire. Ca se passe dans la communauté, alors personne ne veut parler de ça, donc il faut que moi j’en parle, car moi, j’ai été victime". 

Selon elle, la pédophilie est un des nombreux maux qui gangrènent son pays, un crime passé sous silence, dans les familles et les communautés. "C’est fréquent, et on n’en parle pas. C’est ça le problème. Je voulais dénoncer, car je sais que je ne suis pas la seule victime. Moi j’ai la chance d’être chanteuse, je voulais parler pour les autres victimes", lance-t-elle, encore émue à l'évocation de ce souvenir.
 

"Je me sens bien quand je rappe"

Dès son enfance, Ashley Bah, née à Kambia, en Sierra Leone, a eu envie de faire de la musique. "En regardant des concerts, des grammy awards... Tout ça m’a donné envie et je me suis dit qu'un jour, j’irai sur une scène internationale. Avec le rap, je me sens plus heureuse, et je chante aussi. Avec le rap, tu peux montrer que tu es fâchée, tu peux exprimer ta rage, ton message. Quand je rappe, je me sens mieux. Cela m’aide, ça m’apaise", raconte-t-elle.

Avec le rap, tu peux montrer que tu es fâchée, tu peux exprimer ta rage, ton message. Quand je rappe, je me sens mieux. Cela m’aide, ça m’apaise.
Ashley
Dans Ash Ash, Ashley parle d'elle sous forme de texte autobiographique. La jeune fille a étudié au lycée anglophone Wisdom Academy de Conakry.
La polygamie est l'un de ses autres combats. Dans un entretien au Monde Afrique accordé en 2016, on apprend qu'elle n’a pas revu son père, épicier, depuis des années : "Quand le mari prend une seconde épouse, il ne se soucie plus du tout de sa première, ni des enfants qu’il a eus avec elle. Je n’aime pas la polygamie".
 

Au nom des femmes

Ashley rappe au nom des femmes.
Sur sa page youtube, la jeune chanteuse écrit : "Dongal est un son qui parle des femmes, des femmes courageuses et travailleuses... Des femmes qui se lèvent chaque matin pour trouver leur gagne-pain et qui sont braves dans leur foyer".