Pendant ce temps, l'excision tue chaque jour

Une succession de morts violentes, en cet été 2016, dans plusieurs pays où l'on pratique toujours massivement l'excision vient nous rappeler que les mutilations génitales féminines restent un fléau ravageur. En particulier lors des vacances estivales..
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Jeune guinéenne
Jeune guinéenne dans le village de Meliandou, là où le virus Ebola a fait des ravages mortels mais, où pour des raisons d'hygiène liées à l'épidémie, l'excision avait reculé. Avant de reprendre...
AP Photo/Jerome Delay
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Dans la torpeur estivale de l'hémisphère Nord, c'est l'Egypte qui a ouvert ce bal macabre. Un médecin y est emprisonné depuis la fin du mois de juillet 2016 pour avoir pratiqué une excision mortelle sur une adolescente. Le pays a pourtant interdit en 2008 cette pratique, ablation partielle ou totale du clitoris, rituelle héritée des pharaons, transmise par les Coptes chrétiens, et pratiquée aujourd'hui massivement par les Musulmans, avec près de 97% de femmes touchées.
La famille de la vitime n'en veut même pas à cet homme de sciences qui n'a pas hésité à outrepasser ses devoirs pour pratiquer, moyennant une somme rondelette, une opération qui au minimum handicape sexuellement et définitivement les filles et les femmes, et au pire les tue. Raslan Fadl, résidant de Mansoura (nord du pays)  est loin d'être le seul docteur à effectuer des excisions clandestines malgré le risque de deux ans de prison. Il pourra réfléchir à son rôle de médecin durant les trois mois de détention qu'il devra finalement effectuer.

Mortelle initiation


Quelques jours plus tard, à la mi août, c'est encore une adolescente qui est décédée en Sierra Leone lors d'une excision pendant une cérémonie d'initiation à une société secrète, tandis qu'en Guinée une fillette de 10 ans succombait à la même opération. Ces deux pays voisins font partie des dix au monde, tous africains, où l'excision est la plus courante, avoisinant 90 % des femmes en Sierra Leone et 97 % en Guinée, mais cette pratique a fortement reculé pendant l'épidémie d'Ebola qui les a touchés jusqu'en 2016. L'un des rares bienfaits collatéraux de cette épizootie ravageuse.
 

lutte contre l'excision en Guinée
La lutte contre l'excision passe par l'école et les camps d'été en Guinée
©MLAS-2010-UNICEF.jpg


En Guinée, le drame s'est produit "dans un camp d'excision de jeunes filles", alors même que le gouvernement venait de lancer une "vaste campagne d'éducation de sensibilisation et d'information auprès des communautés, et dénommée 'vacances scolaires sans excision'", a commenté Mme Sanaba Kaba, ministre guinéenne de l'Action sociale, de la Promotion Féminine et de l'Enfance. Militante, impuissante, elle a exhorté "l'ensemble des communautés où cette pratique est encore hélas entretenue, particulièrement en période de vacances scolaires" à "la retenue et à la prise de conscience pour arrêter de sacrifier les filles", assurant de l'engagement du gouvernement "dans la lutte contre cette pratique ignoble" et pour "traduire en justice les auteurs et complices de cet acte injustifié".

Les étés de tous les dangers


L'été est une particulière critique pour les adolescentes grandies dans des pays occidentaux et qui partent en vacances dans le pays d'origine de leurs parents. Les familles en "profitent" alors pour faire "là-bas" ce qui est presque impossible "ici". D'où cette appellation tragique de "camps d'excision".

En Sierra Leone, la lycéenne, Fatmata Turay n'a pas survécu à l'excision subie pendant une initiation à une société secrète dite Bondo dans le village de Mabolleh, dans le nord du pays. Trois femmes soupçonnées d'avoir accompli le rituel, dont la tante de la jeune fille, ont été arrêtées, ainsi que l'infirmière qui a tenté de la soigner. L'excision est profondément ancrée dans les moeurs en Sierra Leone, où elle est considérée comme un rite de passage de l'enfance à la féminité, et beaucoup de Soweis en tirent une partie substantielle de leurs revenus, parfois à raison de 50 dollars par fille. Le pays a portant récemment ratifié le "protocole de Maputo", adopté par l'Union africaine en 2003, qui prône notamment l'abolition de l'excision, et le gouvernement envisage l'interdiction de cette pratique sur les mineures.
Mais la loi, à l'évidence, ne suffit pas : la reconnaissance sociale et les revenus tirés de cette activité constituent des freins, souvent impossibles à ôter, pour aider à éradiquer ces rituels.

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Incitation  au crime dans le Caucase


Au Daguestan, les actes pourraient aussi tuer bientôt. Dans cette république caucasienne toujours inféodée à Moscou, le mufti Ismaïl Berdiev qui exerce son magistère à la tête du Centre de coordination des musulmans du Caucase du nord a lancé cet appel solennel, le mercredi 17 août 2016 : "Il faut exciser toutes les femmes afin que la débauche n'existe plus sur terre". Des milliers de citoyennes auraient été excisées ces dernières années en Russie, une tradition inexistante dans cette région jusque-là, et qui n'est donc pas formellement interdite.

Les propos du responsable religieux ont provoqué ont provoqué un tollé sur les réseaux sociaux russes, de nombreux utilisateurs dénonçant une "pratique barbare" et appelant à ne "pas traiter les femmes comme du bétail".
 


Le ministère russe de la Santé a condamné l'initiative du mufti : "L'excision est une pratique mutilante et ne doit pas être considérée comme quelque chose de positif", a déclaré le porte-parole du ministère, Oleg Salagaïev. "Une bonne éducation peut être une alternative à l'excision permettant de préserver la chasteté des jeunes filles et empêcher les femmes de succomber à l'adultère", a affirmé de son côté Guennadi Onichtchenko, conseiller du Premier ministre Dmitri Medvedev et ancien chef des services sanitaires russes.

"Il n'est pas nécessaire d'exciser toutes les femmes: les orthodoxes par exemple ne sont pas des débauchées", a assuré, sans rire, de son côté le prêtre orthodoxe et blogueur Vsevolod Tchapline, connu pour ses propos controversés...

#yaduboulot et vraiment beaucoup, comme nous disons toujours sur Terriennes...