Fil d'Ariane
Une petite mèche rebelle, une expression enthousiaste ou grimaçante. Ce petit visage dessiné répondant au nom d'Ulysse était né en 1950. Au fil des années, il était devenu la mascotte emblématique du magazine français Télérama. A 72 ans, il laisse sa place à Pénélope, créée par la dessinatrice Pénélope Bagieu.
"72 ans, c'est l'âge de la retraite! On est à une époque où la place des femmes est affirmée, et qu'un tel emblème devienne féminin, ça nous plaisait", explique la présidente de Télérama, Catherine Sueur.
Pour sauter le pas, l'hebdomadaire a "tout de suite pensé" à Pénélope Bagieu, créatrice de BD à succès qui affiche son engagement féministe. Lecteurs et lectrices de Télérama se retrouveront en terrain connu : Pénélope et son design simple ont un air de famille avec Ulysse. "Il fallait une continuité et un personnage expressif", souligne-t-elle. "Peu de gens savent qu'il s'appelle Ulysse, le plus souvent on dit simplement 'Le petit bonhomme de Télérama'".
Ulysse, le petit bonhomme qui servait à noter les films dans @Telerama, est remplacé par Pénélope. Une nouvelle mascotte dessinée par Pénélope Bagieu (le précédent était de Riad Sattouf!)https://t.co/FljRMsvgSE pic.twitter.com/QbGWTOaGpZ
— Jérôme Lachasse (@J_Lachasse) March 22, 2022
Le petit bonhomme est au fil des années devenu une institution.
Créé par le dessinateur Omer Boucquey, il commence sa carrière en 1950 dans les pages de Radio-Cinéma, l'ancêtre de Télérama. Depuis, il a changé de tête plusieurs fois.
En 2011, une version très stylisée et minimaliste avait provoqué la grogne du public. Elle avait été rapidement remplacée par la dernière en date, signée par un autre grand nom de la BD, Riad Sattouf.
Le remplacement d'Ulysse par Pénélope s'inscrit dans un contexte plus large de modification du barème de la critique du magazine, dont la diffusion totale moyenne était de 470.576 exemplaires par numéro en 2021. "La critique, c'est l'ADN de Télérama", rappelle Catherine Sueur, selon qui l'hebdo garde "une place essentielle" malgré la multiplication des chroniques culturelles sur internet. "L'avènement des réseaux sociaux et des influenceurs montre justement que les gens ont besoin de critique", analyse-t-elle, "Nos lecteurs et les professionnels reconnaissent la valeur de nos critiques: une bonne notation dans Télérama a un impact sur les ventes ou les entrées".
Pour l'autrice des Culottées, cet exercice est assez proche de la bande dessinée, comme elle l'explique sur le site du magazine Télérama.
Pour les notations extrêmes, "Bravo" ou "Hélas", pas de problème : "Quand on est amoureux dans une BD, on a toujours les yeux en forme de cœur, explique Pénélope Bagieu, Il faut être très lisible dans une toute petite taille, mais avec un nombre très réduit d’éléments pour y arriver : des yeux, un sourcil, un sourire — oublions le nez, peu expressif en général."
Et si Pénélope conserve les cheveux bruns de son prédecesseur, sa frange légèrement crantée se soulèvera en cas d’enthousiasme. Quant à sa mèche iconique, elle s'est transformée en chignon.
"Je pense qu'être féministe, c'est avoir à cœur que les hommes et les femmes aient accès aux mêmes chances et aux mêmes droits. Et, en général, quand on pose la définition comme ça, c'est un peu compliqué de se dire pas féministe", déclare-t-elle sur francetvinfo, à l'occasion du festival d'Angoulême. La dessinatrice est arrivée deux années de suite en finale du Grand Prix, la récompense la plus prestigieuse de la BD : "Je suis arrivée au deuxième tour, déjà je trouve ça extraordinaire! Ça fait très chaud au cœur que les gens pensent à nous spontanément", commente-t-elle, après une séance de dédicaces.
Dans son dernier album, Les Strates (Editions Gallimard BD, 2021), elle donne à voir son regard sur le monde dans une bande dessinée autobiographique contant sa jeunesse, sa relation avec sa famille, les hommes et les abus dont elle a été victime.