"On peut jouir lors d'un viol" : Brigitte Lahaie indigne, s'explique et s’excuse

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L’animatrice radio, ancienne actrice, signataire de la tribune des 100 contre le puritanisme, réagit pour la première fois sur le plateau de TV5Monde après ses propos polémiques. Brigitte Lahaie s’est excusée d’avoir déclaré face à la militante féministe, Caroline de Haas, qu’ « on peut jouir pendant un viol » et regrette d’avoir « blessé des gens ». Lâchée par les co-sognataires, elle renouvelle néanmoins son soutien au texte publié dans Le Monde. Et explique ses propos. 
Après avoir suscité l’incompréhension, Brigitte Lahaie s’est expliquée pour la première fois, jeudi 11 janvier 2017, au micro de Patrick Simonin dans l’émission TV5 "L'invité". Pour des faits qui s'étaient produits la veille. L’animatrice de Sud radio, qui fut actrice du cinéma X puis classique, signataire d’une tribune anti #Banlancetonporc et #MeToo, publiée dans Le Monde, était invitée sur BFMTV à débattre de ce texte, face à la militante féministe Caroline de Haas. Elle-même à l’origine d’une tribune dénonçant, point par point, les déclarations des 100 femmes, qu'elle accuse de participer à la  banalisation des violences faîtes aux femmes.  
 
Pour comprendre toute la polémique, lire dans Terriennes :
> Catherine Deneuve et 100 autres femmes défendent la "liberté d'importuner" des hommes
Lors de ce débat diffusé, mercredi 10 janvier 2018, sur BFMTV Caroline de Haas évoque les difficultés rencontrées par les femmes victimes de viols qui peinent à reprendre possession de leur corps et à jouir pleinement. A ce moment-là, Brigitte Lahaie, rétorque : « on peut jouir, pendant un viol, je vous signale. » Les propos déclenchent une vague d’indignation dans les médias et sur les réseaux sociaux. Certains internautes et féministes accusant l’ex-actrice de participer à « la culture du viol ».
Elle répond dans un premier temps via son propre compte twitter, pour dire pourquoi elle ne peut être suspectée de participer à la culture du viol... 
 

Interrogée ensuite, le soir, par Patrick Simonin sur le plateau de TV5MONDE, Brigitte Lahaie a tout d’abord regretté que cette phrase soit « sortie de son contexte » avant d’ajouter que « c’est malheureusement une vérité ». « J’aurais peut-être dû rajouter ce « malheureusement » en disant « malheureusement, on peut jouir d’un viol », tient-elle à clarifier. Ce qui rend souvent la reconstruction encore plus compliquée et encore plus difficile. C’est ce que je voulais dire, parce que je connais par cœur les questions de sexualité. »
 
Je n’ai jamais pris la défense d’un violeur parce qu’il aurait donné du plaisir à la femme qu'il viole.Brigitte Lahaie
Très émue tout au long de cet entretien, elle a poursuivi la gorge nouée : « je n’ai jamais pris la défense d’un violeur parce qu’il aurait donné du plaisir à la femme qu'il viole. (…), souligne-t-elle. Je dis juste que malheureusement, dans certains cas, il y a eu des femmes qui ont pu avoir du plaisir. C’est notamment le cas des femmes qui ont subi un inceste, c’est insupportable. » Et étant « une des premières » à avoir milité auprès de l’association Stop aux violences sexuelles, elle se défend de toute accusation « d’apologie du viol », laissant aussi entendre derrière ses mots qu'elle sait ce que c'est, intimement, de subir des violences.

Lâchée par les co-signataires de la tribune

Visiblement blessée par « ces attaques », elle ajoute : « je suis surtout une femme qui a souffert dans sa chair et quand on aide depuis trente ans les femmes à se libérer, qu’on est incomprise à ce point, c’est vrai que ça fait mal. Mais je n’ai aucune violence contre les autres, personnellement. »
 
Pour autant, les mots prononcés le mercredi ont semé le trouble au sein même des 100 signataires de la tribune contre le puritanisme. Lesquelles « se désolidarisent totalement » de ces propos jugés, « insultant envers les femmes victimes de violences sexuelles et de viol ».
 
« Il vaut mieux me lâcher, ça va calmer le jeu, tente de tempérer, Brigitte Lahaie, non sans amertume. Je comprends très bien qu’elles se désolidarisent. »
 
Les réactions sont celles aussi de femmes victimes de viol, comme Flavie Flament qui n’a pas manqué de formuler une réponse cinglante, l’accusant de « protéger les violeurs ».« Sans doute qu’elle s’est sentie agressée par mes propos. Je peux l’entendre, je peux le comprendre », a-t-elle confié sur notre antenne, avant d’ajouter avec une grande émotion : « bien sûr que je regrette de blesser les gens et de leur faire du mal.»

A contre-courant, son soutien renouvelé à la tribune du Monde

Le journaliste Patrick Simonin lui demande néanmoins si elle maintient sa position à « contre-courant », exprimée dans la tribune du Monde et qui défénd « la liberté d'importuner » des hommes.  « Dans l’absolu, oui, répond-elle. C’est un texte qui montre bien qu’il ne faut pas être dans du tout blanc et tout noir, ce n’est pas d’un côté, tous les hommes qui sont des salauds et les femmes qui sont des victimes. » Elle rappelle également qu’elle a signé ce texte « en réaction aux souffrances des hommes » et non en opposition à des courants féministes contraires car, précise-t-elle, elle n’a « jamais été très militante ».

Elle n'oublie pas non plus la souffrance des femmes, mais il y a « pire que les viols des femmes », ajoute l’animatrice. « Il y a les viols des petites filles ou des petits garçons, alerte-t-elle. Dans notre société, il y a un homme sur six qui a été abusé sexuellement, on n’en parle pas beaucoup. »
 
Rappelons également que Brigitte Lahaie n’est pas la seule signataire de la tribune à a voir tenu des propos polémiques. Buzzfeed a même réalisé une vidéo des pires «énormités».
 
« C'est mon grand problème, je regrette beaucoup de ne pas avoir été violée. Parce que je pourrais témoigner que du viol on s'en sort. »Catherine Millet, écrivaine, co-signataire de la Tribune des 100
Auxquelles il faudrait ajouter cette phrase prononcée par l'écrivaine Catherine Millet, co-signataire elle aussi de la Tribune des 100, sur les ondes de France Culture en décembre 2017, avant que la folie médiatique ne s'empare des unes et des autres, et passée alors quelque peu inaperçue.... « C'est mon grand problème, je regrette beaucoup de ne pas avoir été violée. Parce que je pourrais témoigner que du viol on s'en sort », avait lâché l’écrivaine et critique d’art. Autant de sorties qui peuvent avoir pour conséquence de décrédibiliser la tribune du Monde qui se voulait « nuancée ». Et pourtant la question de la sexualité, les mots pour en parler, sont aussi au coeur des rapports de domination. 
 
Et les Terriennes dans tout ça ?

Dans un soucis d'apaisement mais aussi de questionnement, nous avons décidé de vous faire part de ces quelques réflexions signées de la fondatrice et rédactrice en chef de Terriennes, Sylvie
Sylvie
Sylvie Braibant, fondatrice et rédactrice en chef de Terriennes.
Braibant.
 
"Pour ma part, comme je l'avais dis lors d'une conférence de rédaction de TV5MONDE, au moment du lancement de #balancetonporc, deux choses me gênent dans le mouvement #MeToo : la délation systématique, mais aussi dans une certaine mesure ce qu'écrivent les femmes de La Tribune du Monde, ce risque de retour à un puritanisme pur et dur et à une (auto)censure systématique... La sexualité est chose tellement intime, qui évolue, et que la mémoire reconstruit à l'aune des évolutions de la société. Et pourtant il faut comprendre aussi toutes ces femmes qui ont voulu dénoncer les rapports de pouvoir, cette domination masculine qui passe aussi par la domination sexuelle.

La violence des échanges entre ces deux côtés féministes, (puisque la plupart se proclament féministes de part et d'autre), des signataires des deux tribunes, me sidère une fois encore, mais elle n'est pas nouvelle (on en trouve de multiples exemples dans Terriennes - nous avons consacré plusieurs dossiers à ces "Féministes contre féministes" voir plus bas). On retrouve les mêmes anathèmes croisés entre féministes, par exemple, du côté des "Laïcardes" et des "multiculturalistes" à propos du foulard : c'est intéressant de voir que les libertines dites tolérantes de la Tribune du Monde hurlent à chaque fois qu'elles croisent une fille en foulard, tandis que les tolérantes avec le foulard sont prêtes à défenestrer le cinéaste Roman Polanski pour un passé qui ne passe pas… Et je crois que ces divergences vont au delà de la dichotomie réactionnaires/progressistes, droite/gauche, ou élite/peuple. C'est peut-être plus une question de génération ? Ces divergences ne sont pas les mêmes partout - elles sont absentes aux Etats-Unis, mais elles ont aussi enflammé la scène féministe allemande.


Voir nos articles
>Féministes contre féministes
>Voile ou minijupe: choisir son aliénation
>Après les violences de Cologne : penser le féminisme

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