Pilule abortive, mode d'emploi

Elle est devenue le nouveau terrain de bataille entre défenseurs et opposants au droit à l'avortement, ces derniers tentant d'obtenir son interdiction aux Etats-Unis : la pilule abortive, en cinq questions. 
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pilule abortive
La pilule abortive est une méthode qui permet d'interrompre médicalement une grossesse en cours, elle est au coeur aujourd'hui d'une nouvelle attaque lancée par les anti-avortement aux Etats-Unis. 
©AP Photo/Charlie Riedel
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Comment fonctionne la pilule abortive ?

La pilule abortive est différente de la "pilule du lendemain". Alors que la pilule du lendemain est prise après un rapport à risque pour éviter de tomber enceinte, la pilule abortive est prise une fois qu'une grossesse est confirmée, dans le but d'avorter. La  contraception d'urgence elle a vocation à bloquer l'ovulation ainsi qu'à modifier la glaire cervicale pour freiner le passage des spermatozoïdes. Sa prise, jusqu'à 72h après le rapport sexuel à risque, vise à prévenir la grossesse (pas d'ovulation, pas de grossesse).

Ce qu'on désigne comme la pilule abortive est en fait une méthode qui combine deux médicaments. Le premier est la mifépristone (ou RU 486), qui permet de stopper le développement de la grossesse en agissant sur une hormone appelée progestérone. Cette pilule bloque l’action de l'hormone progestérone. Sans la progestérone, la paroi de l’utérus se désagrège et la grossesse est interrompue. Le deuxième, le misoprostol, est pris entre un et deux jours plus tard, et déclenche les contractions et saignements.

Les comprimés de misoprostol sont soit ingérés par voie orale soit placés dans le vagin immédiatement après la prise du premier comprimé ou un autre jour. Il est possible de placer soi-même les comprimés ou ils peuvent être placés par un professionnel de la santé. Au moment de l'avortement, les femmes sont chez elles ou dans le lieu de leur choix, et non dans un établissement médicalisé.

En cas de rhésus négatif, le médecin pourra recommander un traitement à base d'immunogloblines anti-D pour éviter toute incompatibilité rhésus. Cette injection (en intra-veineuse ou intramusculaire) doit se faire dans les 72h suivant l'IVG médicamenteuse.

La prise de pilule abortive s'intègre dans un protocole de suivi en plusieurs étapes. La patiente doit avoir une première consultation avec un professionnel de santé (sage-femme ou gynécologue, suivie d'une deuxième consultation pour obtenir le consentement écrit. En France, il n'y a plus de délais de réflexion légal entre ces deux consultations depuis la loi de modernisation du système de santé en janvier 2016.

Quelle efficacité et quels risques ? 

Les avortements utilisant mifépristone et misoprostol dans le délai autorisé sont très sûrs et efficaces, martèlent tous les experts.

Les grossesses sont effectivement arrêtées dans plus de 95% des cas, ont montré des études. Les complications (flux de sang trop important, fièvre, infection, réaction allergique) nécessitant de consulter sont rares.

Les comprimés de misoprostol provoqueront des crampes et d’importants saignements (métrorragies, ndlr). Ils débutent généralement environ 2 heures après l'utilisation du misoprostol mais ils peuvent également débuter plus tôt. Les saignements et les crampes durent généralement quelques heures et il est souvent nécessaire à ce stade, de prendre des médicaments pour soulager la douleur. Parfois impressionnantes, ces pertes de sang sont normales. Les douleurs abdomino-pelviennes sont similaires à des douleurs de règles, parfois plus fortes. Selon la Haute autorité de santé française, "La fréquence des complications de l'IVG à domicile (hémorragies sévères) est comparable à celle des IVG réalisées en milieu hospitalier".

Si la prise de la pilule abortive intervient pendant l'allaitement, la mifépristone passera dans le lait maternel. Les études menées jusqu’à présent ne montrent aucune incidence sur le développement de l’enfant. Cela peut provoquer, dans de rares cas, des diarrhées chez le bébé. Par précaution, on peut préférer interrompre l'allaitement les 2 jours qui suivent la prise du médicament.

Point important: les pilules ne fonctionnent pas en cas de grossesse ectopique (en-dehors de l'utérus, 2% des grossesses). Une grossesse ectopique peut être détectée grâce à une échographie et doit être traitée, puisqu'elle entraîne un risque mortel pour la femme concernée.

 "La pilule abortive n'est pas efficace à 100% puisqu'il y a 2 à 5% d'échec or la femme ne se dit pas que ça peut échouer. Il faut entendre cet échec car en cas d'échec, ça rallonge le délai de la finalité de l'avortement puisque la grossesse continue d'évoluer.", précise Marie-Laure Brival, gynécologue, sur le site du Journal des femmes

pilule abortive france
En France, la prescription de la RU 486 est possible jusqu'à neuf semaines d'aménorrhée, soit 9 semaines après les le début des dernières règles, ou 7 semaines de grossesse. 
©HAS

Depuis quand existe-t-elle ?

C'est le professeur français Etienne-Emile Baulieu qui a mis au point la pilule abortive en 1982. Il conçoit une anti-hormone, qui permet de s'opposer à l'action de la progestérone, essentielle à l'implantation de l’œuf dans l'utérus. Médecin, biochimiste, endocrinologue mondialement connu, il est à l'origine de la découverte de l'hormone anti-âge DHEA dans les années 1990 et de la protéine FKBP52 capable de bloquer la protéine Tau, active dans la maladie d'Alzheimer et dans d'autres pathologies neurodégénératives.

La molécule RU-846, mise au point en 1982 avec le laboratoire Roussel-Uclaf avec qui il s'est associé, est une alternative médicamenteuse à l'avortement chirurgical, sûre et peu onéreuse. Mais déjà à l'époque, la bataille pour sa commercialisation va être rude, les puissantes ligues américaines anti-avortement l'accusant notamment d'avoir inventé une "pilule de la mort".

(Re)lire ►​Interdiction de la pilule abortive : "un scandale" selon son inventeur Etienne-Emile Baulieu

Dans quelle proportion la pilule abortive est-elle utilisée ? 

Dans certains pays européens, comme la France, où cette méthode est autorisée depuis 1988 et où les avortements médicamenteux représentaient environ 70% des interruptions volontaires de grossesse (IVG) en 2020.

C'est plus qu'aux Etats-Unis, où plus de la moitié des avortements (53%) étaient médicamenteux, selon l'institut Guttmacher. ​Un certain nombre d'entre eux ont pu se faire suite à une consultation à distance. Après un échange en visio, il était possible de se faire envoyer les médicaments nécessaires à son domicile, sous pli confidentiel. Mais depuis l'annulation de l'arrêt Roe Vs. Wade en juin 2022, certains États ont instauré l'obligation d'une consultation en présentiel. Exemple au Texas, où la téléconsultation est d'ores et déjà prohibée si elle traite de ce sujet.

Mais, comme le raconte le documentaire Plan C de Tracy Droz Tragos, les Américaines s'organisent en réseau et parviennent à faire livrer la pilule abortive chez une personne de confiance habitant dans un État autorisant l'avortement. Celle-ci n'a alors plus qu'à réexpédier le médicament à celle qui le demande. Il est aussi possible de se la faire livrer dans un point relais situé juste de l'autre côté de la frontière la plus proche –si l'État voisin ne fait pas partie de ceux interdisant l'IVG. De nombreuses commandes sont également passées à l'étranger, même si cette pratique est illégale.

Quel cadre aux Etats-Unis ?

Aux Etats-Unis, la méthode utilisant mifépristone et misoprostol est autorisée par l'Agence américaine des médicaments (FDA) depuis 2000. Elle l'était au départ jusqu'à sept semaines de grossesse, ce qui a été étendu à 10 semaines après les dernières règles. Au-delà, les femmes voulant avorter doivent avoir recours à un avortement par aspiration.

Depuis l'été 2022, une dizaine d'Etats américains ont rendu l'avortement illégal, après une décision de la Cour suprême les autorisant à légiférer eux-mêmes sur le sujet. Dans ces Etats, les avortements médicamenteux sont donc également interdits. Des groupes anti-avortement cherchent à suspendre l'autorisation de la mifépristone par la FDA sur tout le territoire, y compris les Etats où l'avortement est resté légal. Cette bataille judiciaire est en cours, et il s'agit peut-être de l'ultime bataille pour que les femmes puissent conserver un "minimum" de droit à l'avortement dans ce pays. 

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