Pilule contraceptive : le revers de la médaille

Image
Pilule contraceptive : le revers de la médaille
Elle s'appellent Yaz, Méliane ou Cycléane : ce sont les pilules de 4ème génération, aujourd'hui sur la sellette.
Partager6 minutes de lecture
Qui croire dans cette cacophonie européenne ? Tandis que ministre française de la Santé Marisol Touraine demandait vendredi 11 janvier 2013 à l'UE de limiter l'utilisation des pilules de 3ème et 4ème génération, l'Agence européenne du médicament (EMA) annonçait que les femmes n'avaient aucune raison d'arrêter de prendre des pilules contraceptives combinées (oestroprogestatives), y compris celles de la 3ème génération. "Il n'y a actuellement aucune nouvelle preuve suggérant un changement dans le profil de sécurité connu des pilules combinées commercialisées actuellement. Il n'y a de ce fait aucune raison que les femmes arrêtent leur contraception", ajoute l'EMA, basée à Londres. Mais la France entend mettre un dispositif en place pour en limiter la prescription...

Depuis la publication des premières études confirmant les risques des pilules de 3ème et de 4ème génération, témoignages et plaintes se succèdent. Après des décennies de règne sur la contraception des femmes en Europe, la pilule, déjà mise à mal par d'autres contraceptifs, accuse un nouveau revers. Comment ce regain de méfiance envers les médicaments à base d’hormones se répercute-t-il sur la liberté des femmes à disposer de leur corps ?


01.01.2013
Pilule contraceptive : le revers de la médaille
La pilule est la méthode contraceptive numéro un en Afrique, en Europe et en Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande, et archipels du Pacifique Sud). Elle est également la forme la plus répandue de contraception réversible du continent Américain (mars 2012).
L’Agence européenne du Médicament, la Food and Drug Administration aux Etats-Unis, Medsafe en Nouvelle-Zélande… Toutes ont confirmé, au cours des derniers mois, un risque d’accident veineux deux fois plus élevé chez les utilisatrices de pilule de 3ème ou 4ème génération que chez les femmes qui prennent une pilule de 2ème génération. Aux Etats-Unis, 13 500 plaintes ont déjà été déposées contre le laboratoire Bayer. En France, celle enregistrée le 14 décembre 2012 par Marion Larat, handicapée à 65 % depuis un accident cardio-vasculaire qu’elle impute à sa pilule de 3ème génération, a ouvert la voie : au moins une trentaine d’autres plaintes devraient être déposées au cours du mois de janvier 2013.

Pilule contraceptive : le revers de la médaille
Avertissement diffusé sur le site Internet de la Haute Autorité de Santé
Pour l’heure, les laboratoires pharmaceutiques n’envisagent pas de cesser la commercialisation de ces pilules controversées. "A ce jour, aucune plainte n’a été déposée contre Pfizer," explique Florence de Sert, directrice de la communication du laboratoire pharmaceutique Pfizer, fabricant de Harmonet, Minesse et Minulet, des pilules de 3ème génération. De plus, en France, les décisions de proscription ou de recommandation de prudence d'une classe entière de médicaments, et pas seulement un seul produit, comme le Mediator, sont plutôt le fruit d’une concertation entre les laboratoires, la Haute Autorité de Santé et l’Agence nationale de Sécurité du Médicament, que d'une réflexion unilatérale.

Le Docteur Michèle Scheffler, gynécologue à Nancy et présidente de la Fédération nationale des Collèges de Gynécologie médicale, appelle à la modération de part et d'autre : "Ces études méritent d’être complétées, en intégrant tous les facteurs de risques que présente chaque patiente. Ce qu'il faudrait, c'est une étude sur plusieurs années d'un même groupe de femmes." Or avec les nouvelles recommandations, cela semble désormais difficile à réaliser. Ce qu'il aurait fallu, c'est que laboratoires et agences nationales procèdent d'emblée à de telles études.

La rançon du progrès

"Jusqu’à présent, nous n’étions pas dans cette optique de sur-risque avec les 3e générations et nos observations cliniques ne nous portaient pas non plus à la méfiance. Il y a vingt ans, à leur apparition, ces contraceptifs nous semblaient intéressants. Ils diminuaient le risque artériel et avaient aussi un impact sur l’acné. Nous en étions d’autant plus satisfaits que, au fil des années, le taux d’oestradiol de synthèse – responsable du risque artériel et thromboembolique - ne cesse de diminuer dans les pilules," explique le Docteur Scheffler. C'est alors que, tout à coup, paraissent des études qui alertent sur les risques. Il en va toujours ainsi en médecine. La polémique naît du progrès, et le progrès de la polémique.

Maintenant, doit-on remplacer les pilules de 3ème et 4ème génération par des progestatifs purs ou par des pilules de 2ème génération ? Pour le médecin, la question se pose en ces termes : "Comment peut-on laisser une jeune fille défigurée par l’acné sous pilule de 2ème génération ou progestatif si l'on peut apporter une autre solution ?"

Un dilemne vieux comme la pilule

Les risques liés à son utilisation existent depuis que la pilule contraceptive est venue changer la vie des femmes. Si l’écrivain-médecin Martin Winckler n’hésite pas à écrire que l’incompétence médicale et le marketing industriel mettent les femmes en danger, Michèle Scheffler assure que "…pour nous le risque a toujours été présent, même avec une pilule de 2ème génération."

Les mêmes interrogations président à la prescription des traitements hormonaux à la ménopause : les risques demeurent, mais les troubles liés à la ménopause peuvent littéralement gâcher le quotidien des femmes.

Risque de thrombose ou de grossesse non désirée ? Insomnie chronique ou risque de cancer du sein ? Les femmes seraient donc condamnées à choisir toute leur vie entre Charybde et Scylla. "C’est là tout l’art du gynécologue ! s’exclame Michèle Scheffler. Accompagner la femme au fil des étapes de sa vie et des progrès de la médecine pour, à chaque évolution, trouver la contraception qui présente la meilleure balance bénéfice-risque : pilule, patch, anneau, implant, stérilet au cuivre ou hormonal - ces deux dernières options, par exemple, n’étant pas toujours adaptées aux très jeunes filles." Ainsi, avant chaque prescription, le médecin procède à un examen et tient compte notamment de l’âge de la femme, de son hérédité, d’une éventuelle obésité et du moment de l’entrée de la pilule dans sa vie.

"Le plus regrettable dans ces polémiques, insiste le Docteur Scheffler, c'est qu'elles écartent les femmes des soins." A l'avenir, c'est peut-être la pilule pour les hommes qui donnera une nouvelle chance à la contraception des couples.

Pilule contraceptive : le revers de la médaille
Affiche d'un documentaire sur l'histoire de la contraception masculine en France.
“As-tu pris ta pilule, chéri ?“

Fruit du travail de chercheurs grenoblois, peaufinée par des Américains, la pilule pour homme est en bonne voie. Reste à savoir si les principaux concernés sont prêts à partager ce genre de contraintes familiales.
Les hommes ne se sentent pas concernés, la libido des hommes passe avant la santé des femmes... A en croire les réactions de tous bords, ce progrès-là n'est pas acquis.

Michèle Scheffler, elle, ne partage pas ce défaitisme : "Lorsque le produit sera au point - réversible en un laps de temps acceptable (moins des trois mois actuels) et sans effets secondaires (troubles de l’érection et de la libido), je pense que beaucoup d'hommes seront volontaires pour prendre en charge la contraception au sein du couple." Intervenante dans les collèges et les lycées pour parler contraception, elle est aux premières loges pour percevoir le changement des mentalités : "Les garçons, eux aussi, sont très attentifs au message de la contraception. Et puis si l'on regarde l'avancée de l'utilisation du préservatif ces vingt dernières années, je pense qu'aujourd'hui, les garçons sont prêts à prendre en charge la contraception."

En savoir plus sur l'état et les méthodes de contraception

En savoir plus sur l'état et les méthodes de contraception