Fil d'Ariane
Je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Au moins, j’aurai appris quelque chose qui pourra toujours me servir
Aude Michaud, psychologue devenue plombière
« J’avais besoin de faire quelque chose de concret avec mes mains et de voir le résultat de mon travail immédiatement. La plomberie, c’est simple : on arrive, on répare, ça marche », résume Aude Michaud, ancienne psychologue passée par une « trop longue » période de chômage. Alors pour ne plus galérer, elle se réoriente dès 2015 et s’inscrit à une formation accélérée pour adultes, non sans quelques hésitations : « Au début, je me suis posée des questions : est-ce que c’est vraiment fait pour moi ? Vais-je y arriver ? Et puis, finalement, je me suis dit que je n’avais rien à perdre. Au moins, j’aurai appris quelque chose qui pourra toujours me servir. »
À l’issue de ses neuf mois de cours intensifs, délivrés dans un lycée professionnel, Aude est la première de sa classe à obtenir son CAP plomberie, option sanitaire. « C’est un vrai défi qu’elle a relevé du début à la fin. Elle a su sortir de sa zone de confort et se faire confiance pour y arriver », admire sa soeur Clémence. Mona Lalanne, quant à elle, a choisi option thermique. « Sur la vingtaine d’élèves, nous étions les deux seules filles, tient-elle à souligner. Il y avait un peu de sexisme ordinaire, mais de manière générale on a bien été intégrées. » Ancienne commerciale dans le textile, cette brune au regard franc avait depuis longtemps l’ambition de monter sa boîte dans le BTP. « J’avais d’une part envie d’indépendance et d’autonomie. D’autre part, je ne supportais plus le peu de considération avec laquelle la plupart des grosses entreprises 'managent' leurs employés. »
En août 2016, leur diplôme en poche, les deux femmes s’associent pour monter leur boîte de BTP. Le nom de leur entreprise : "Le sourire de la plombière". Pendant féminin et esthétique de l’expression bien connue « le sourire du plombier », qui désigne une personne dont on voit la naissance du fessier alors qu'elle est occupée à son activité. Une façon de se démarquer de la concurrence, avec humour...
« Ce qu’on aime, c’est mener l’enquête, trouver la solution pour obstruer le problème », s’enthousiasment ces bricoleuses que rien n’effraie. « Pas plus tard qu’hier, on a dû monter un ballon d’eau chaude de 200 litres au 6e étage d’un immeuble sans ascenseur, raconte Aude. On a attaché des sangles, posé des couvertures par terre, puis on l’a fait glisser. C’était galère, mais on a réussi. »
Quand j'ai dit à un plombier que je m’occupais de la cuisine, il pensait que je coupais les légumes
Mona Lalanne, passée de la mode à la plomberie
Leurs preuves ne sont plus à faire, pourtant certains de leurs homologues masculins ne les prennent pas toujours au sérieux. Mona préfère s’en amuser : « Un jour, j’ai rencontré un plombier qui ne croyait pas que je faisais la même chose que lui. Quand je lui ai dit que je m’occupais de la cuisine, il pensait que je coupais les légumes, pas de la soudure. » D’autant que depuis ces dix dernières années, les femmes sont plus nombreuses sur les chantiers. Selon les chiffres de la Fédération Française du Bâtiment, 27% des PME/TPE ont une femme à leur tête (dont 24% dans la construction) et 25 % de femmes sont inscrites à l’École Supérieure des Jeunes Dirigeants du Bâtiment (ESJDB).
Ce n’est certes pas encore la parité, mais Mona le constate : « Il y a de plus en plus de femmes qui se reconvertissent. On a rencontré une électricienne qui était auparavant dans le marketing. Une ancienne comédienne de 38 ans, mère de deux enfants, vient d’intégrer la même formation que nous. Actuellement, nous travaillons avec une jeune stagiaire. » Quant aux clients, si certains sont parfois surpris d’avoir affaire à des femmes, ou d’autres plus intrigués, les réactions sont généralement positives. « Peut-être va-t-on faire naître d’autres vocations », projette Mona.