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PMA pour toutes : le projet de loi sur la bioéthique passe en Conseil des ministres

Le projet de loi sur la bioéthique et son épineuse mesure phare sur l'extension de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, en couple ou célibataires, est présenté ce 24 juillet au Conseil des ministres. Ce texte fera l'objet d'un examen à l'Assemblée nationale dans deux mois.

C'est une obligation : tous les sept ans, les lois sur la bioéthique doivent être révisées. Depuis plus d'un an, le nouveau projet destiné à réviser la loi de 2011 suscite la polémique. Il décline en 32 articles des mesures médicales touchant à la recherche sur l'embryon ou aux tests génétiques. Préparé par les ministres Agnès Buzyn (Santé), Nicole Belloubet (Justice) et Frédérique Vidal (Recherche), qui s'appuient sur de nombreux rapports, groupes de travail et consultations, ce projet de révision des lois bioéthiques soulève en effet des enjeux sociétaux majeurs.

Le nouveau texte, adopté par le conseil d’État le 18 juillet, reprend beaucoup d'éléments déjà présentés en juin 2018. Et comme en juin 2018, une mesure éclipse toutes les autres : l'ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes, et donc aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires. La PMA est, jusqu'à nouvel ordre, réservée aux couples hétérosexuels souffrant d'infertilité. 

Réclamée depuis des années par les associations de défense des droits des homosexuels, la PMA pour toutes était un engagement de campagne d'Emmanuel Macron ; ce serait aussi la première grande réforme sociétale du quinquennat.

Le texte présenté ce 24 juillet prévoit le remboursement de la PMA par la caisse d'assurance maladie. Une mesure qui, selon l’étude d’impact du gouvernement, impliquerait un coût annuel situé entre 10 et 15 millions d’euros, soit 5 % du coût total actuel de l’aide médicale à la procréation, qui s’élève environ à 300 millions d’euros. Une PMA coûte plusieurs milliers d'euros. Selon la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, l'élargissement de la PMA devrait concerner "autour de 2000 femmes par an, alors qu'aujourd'hui, la procréation médicale assistée c'est 150 000 actes par an".

Le remboursement de la PMA pour toutes valide un droit réel et pas seulement formel.
Agnès Buzyn, ministre de la Santé

Ce remboursement suscite la polémique, mais pour la ministre de la Santé Agnès Buzyn, il est nécessaire, car il "valide un droit réel et pas seulement formel," précise-t-elle ce 24 juillet sur l'antenne de France Inter. De fait, les femmes célibataires ou homosexuelles qui ont les moyens ont déjà recours à la PMA en Espagne, au Danemark ou en Belgique, où la procréation médicalement assistée est ouverte à toutes. "Il est inimaginable d’envisager un remboursement différent selon que vous soyez homosexuelle ou hétérosexuelle. On ne remplace pas une discrimination par une autre discrimination", expliquait Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. 

"Tous les voyants sont au vert"

Pour la ministre de la Santé, tous les voyants sont au vert pour acter ce changement majeur de société. Dignité du corps, solidarité (don gratuit d'organe et de tissus), liberté de choix : la PMA pour toutes ne heurterait aucun de ces grands principes. Il n'y a donc pas de raison de refuser l'accès à la procréation assistée à certaines femmes pour des raisons de bioéthique. En outre, toutes les études montrent aujourd'hui que les enfants élevés par une mère célibataire ou homosexuelle ne présentent pas de problèmes particuliers ni davantage de problèmes que les enfants qui grandissent dans un cadre traditionnel, souligne la ministre de la Santé.

En juin 2018, déjà, lors de la remise du premier rapport des Etats généraux de la bioéthique, la PMA ouverte à toutes suscitait des débats enflammés, vampirisant les autres aspects de ce vaste sujet. Adversaires et partisans s'affrontaient par voie de pétitions et de mots-dièse furieux dans un débat qui fait écho à la bataille sur le mariage pour tous, au début du quinquennat Hollande.

Marchandisation du corps

La France, comme la plupart des pays d'Europe, continue à proscrire la GPA, la gestation pour autrui, qui ouvrirait la porte aux dérives autour des mères porteuses. Dans les pays comme l’Ukraine ou la Russie, qui permettent le recours à la GPA sans cadre juridique spécifique, le marché illégal des "ventres à louer" prospère.

Ailleurs, comme au Royaume-Uni ou en Grèce, la GPA est autorisée si elle est motivée par un acte purement altruiste. Les mères porteuses volontaires sont uniquement dédommagées des frais médicaux et juridiques. Les rédacteurs de la nouvelle loi en France, eux, restent opposés à l'inscription de la GPA dans la loi, même au nom de la solidarité entre soeurs, par exemple.

Le projet de loi stipule aussi que les dons de sperme doivent être solidaires, non rémunérés et limités à dix, ce qui balaie une autre crainte soulevée par la PMA pour toutes : la pénurie des dons de sperme et la marchandisation qui s'en suivrait, comme au Danemark, qui exporte les gamètes.

​La porte ouverte au transhumanisme ?

Les opposants au projet de loi, comme 80 % des députés Les Républicains, arguent que les limites du transhumanisme ne doivent pas être franchies. Guillaume Larrivé, député LR de l'Yonne, votera contre les articles sur la PMA sans père du projet de loi : "Je ne veux pas que la France se réveille dans un monde où l'on créera des bébés sur mesure en méconnaissant la nature même de l'humanité," déclare-t-il. Crainte infondée pour la ministre de la Santé, puisque la loi ne permet aucun élargissement aux tests génétiques en France, pour éviter les dérives eugéniques. Et même pour détecter une probabilité de maladie génétique - cela serait inutilement anxiogène.

Si la PMA éclipse les autres enjeux, le texte contient d'autres avancées plus strictement médicales : recherche sur l'embryon, tests génétiques, don d'organes... La congélation pour grossesse ultérieure, par exemple, fait partie du texte. Pour coller à l'évolution de la société : les femmes font des enfants de plus en plus tard alors que la fertilité baisse brutalement après 35 ans. Le dispositif serait toutefois réservé à une tranche d'âge définie. 
 

Filiation

Une autre mesure du projet de loi, liée à l'extension de la PMA, a attiré la lumière : la fin, au moins partielle, de l'anonymat du don de sperme, motivée par les témoignages de nombreux adultes nés d'un don, qui soulignent l'importance d'avoir accès à ses origines biologiques. Le dispositif envisagé révolutionne le don de sperme fondé sur l'anonymat tota ltel qu'il est pratiqué en France depuis les années 1970. Pour donner son sperme, un homme devra désormais obligatoirement accepter que l'enfant né de ce don puisse, une fois majeur, connaître son identité s'il le souhaite.

Avant une PMA avec don de sperme, les couples de femmes devront signer une "déclaration commune anticipée" devant notaire, à transmettre à l'officier d'état civil après la naissance. Les deux femmes, celle qui a porté le bébé ainsi que sa compagne, seront ainsi reconnues comme les parents. Mais au nom du droit aux origines, le texte présenté ce 24 juillet au Conseil des ministres stipule la mention de la filiation pour les enfants de couples de lesbiennes. L'intervention d'un tiers donneur et son identité devra ainsi être indiqué sur l'acte de naissance intégral - mais pas sur l'extrait d'acte de naissance nécessaire aux démarches administratives de routine.  

Cette proposition interroge certaines associations, qui y voient une discrimination : pourquoi pas un dispositif unique pour tous les couples ayant recours à une PMA avec don, qu'il s'agisse d'homosexuelles ou d'hétérosexuels ?


Une fois passée l'étape du Conseil des ministres, l'examen du texte par les députés débutera le 24 septembre. Après la présentation du texte en Conseil des ministres, Edouard Philippe et Agnès Buzyn répondront aux questions d'internautes sur la page Facebook du Premier ministre à 19 heures ce 24 juillet.