ENTRE ESPOIRS ET DESEPOIRSCertaines féministes observent pourtant une amélioration ces dernières années. C’est l’avis de la journaliste et essayiste Agnieszka Graff. Dans
le journal britannique The Guardian, elle écrit « les jours sombres du féminisme sont terminés : avec l’arrivée de la Pologne à la présidence de l’Union européenne, les droits des femmes sont devenus un sujet de débat public sérieux et respectable. Le féminisme est tout sauf une lubie : d’importantes célébrités parlent publiquement d’égalité et participent aux manifestations de rue lors de la Journée internationale des femmes ». N’empêche que d’autres Polonaises continuent à croire que le féminisme est un combat encore difficile à mener dans leur pays.
Justyna Jablonska travaille à l’association du Congrès des femmes. Elle avoue que sa motivation commence à atteindre des limites. « J’ai rencontré il n’y a pas longtemps une drôle de situation en animant un groupe de volontaires. En parlant du travail de la fondation j’ai utilisé des suffixes féminins aux professions : collaboratrice, doctoresses, électrices, etc. … L’une des filles, dans les 22 ans, a demandé d’un ton très agacé : "Excusez-moi mais est ce qu’il y a ici des féministes parmi nous" en insistant sur cette catégorie d’une façon très péjorative. Moi je pensais qu’une jeune adulte devrait être assez éveillée et consciente pour comprendre que le mot "féministe" ne signifie pas "sorcière". »
UNE HISTOIRE OUBLIEE« En Pologne, il manque cruellement d’une culture de l’histoire du féminisme. C’est lié à l’avortement dans la tête des gens. On est d’office confronté à de l’agressivité. Moi quand je dis que je suis féministe, les gens ne me comprennent pas. Un jour je suis tombée sur une caricature anti-féministe. Sur le dessin il y avait deux femmes, vraiment très moches et sûrement lesbiennes, qui discutaient entre elles. L’une des deux dit : « Je suis enceinte, on a réussi l’in-vitro ! ». L’autre répond : « Chouette ! Alors maintenant, on va pouvoir avorter ». C’est tellement absurde la façon dont on voit les droits reproductifs et le féminisme dans ce pays ». C’est un peu comme si la Polonaise féministe rejoignait le musée des horreurs.
La critique conservatrice l’identifie volontiers à la brute communiste, à la meurtrière d’enfants, à la diabolique impie : bref, le symbole même de la destruction de la parfaite Pologne pure et catholique. « C’est comme si on collait aux féministes tous les traumatismes polonais. Toutes les minorités discriminées y passent : les cocos, les Juifs, les homos », précise
Asia Bordowaa, la dessinatrice des caricatures illustrant cet article. Des propos relayés par la fameuse
Radio Marya, une fréquence catholique considérée comme nationaliste, antisémite et raciste. La
sociologue féministe polonaise, Magdalena Sroda, y est par exemple souvent dénigrée par la droite comme « une idéologue de gauche, qui hait les hommes et est une destructrice de la famille ».