Pompier : un métier encore au bas de l'échelle de la féminisation

Casernes et vestiaires inadaptés, entraves dans les carrières mais aussi moqueries et sexisme "ordinaire" : aujourd'hui encore, pompier se conjugue en grande majorité au masculin. Pour les femmes qui souhaitent porter le casque de métal, il est plus difficile de grimper les échelons vers l'égalité.

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Femme pompier

Les femmes représentent environ 16 % de l’effectif total des sapeurs-pompiers en France. Autrement dit, on retrouverait à peine une femme parmi 6 sapeurs-pompiers.

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En France, seulement 20% des sapeurs pompiers sont des ... pompières, soit un pompier sur cinq. 

Si on monte en grade, on est à abattre. Lætitia Lecomte, adjudante

"Une femme est respectée tant qu'elle est en bas de l'échelle. Si on monte en grade, on est à abattre", révèle à l'AFP Lætitia Lecomte, adjudante au centre de secours des pompiers de Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne), à l'occasion du 129e congrès national des sapeurs pompiers à Toulouse. 

"On est obligées d'avoir un fort caractère, sinon on ne survit pas", continue la sapeur pompier volontaire. Fouillant sa mémoire, elle donne l'exemple récent, début août, d'un collègue homme qui a refusé de monter dans son véhicule d'intervention... parce qu'elle était au volant. "C'est notre quotidien, notre normalité", souffle-t-elle, repensant à ses 17 années passées en casernes et centres de secours. "Les hommes n'ont pas le même stress d'exigence que peuvent ressentir les femmes".

Une exigence imposée par les hommes, mais aussi par les femmes elles-mêmes qui ne se sentent parfois pas assez légitimes pour accéder à des postes à responsabilité. "On doit prouver nos compétences dix fois plus que les hommes pour être acceptées et respectées à un poste", estime la lieutenante Marlène Dulon, cheffe de centre de secours de Saint-Béat Marignac (Haute-Garonne), la première femme à occuper cette position dans ce centre.

129e congrès national des pompiers

129e congrès national des pompiers : trois femmes pompiers sur sept posent sur cette photo officielle du congrès. 

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En France, il y a plus de quarante cinq ans que les femmes ont officiellement été autorisées à exercer le métier de sapeur-pompier.  Cette autorisation a été faite par un décret de 1976 qui stipule clairement que « les corps des sapeurs-pompiers communaux peuvent être composés de personnels tant masculins que féminins ».

Une femme pompier pour cinq hommes pompiers

Aujourd'hui, si un sapeur-pompier sur cinq est une femme, dans les postes à responsabilité, la proportion de femmes diminue drastiquement.

"A l’échelle nationale, il n'y a que trois femmes sur des postes de direction dans les directions départementales (SDIS, service départemental d'incendie et de secours, ndlr)", illustre la lieutenante-colonelle Isabelle Bérard, sapeur-pompier dans les Bouches-du-Rhône.

Les femmes ont été autorisées à devenir sapeur pompier grâce à un décret de 1976. Mais il faudra attendre 2016, 40 ans après l'intégration de la première femme dans une caserne, Françoise Mabille, pour que la féminisation du métier devienne une préoccupation des autorités.

Des tenues faites pour les hommes

Et il faudra attendre 2020 pour que les premières tenues d'intervention soient adaptées aux morphologies féminines. "Je portais une tenue d'homme et des bottes de JSP (jeunes sapeurs pompiers, ndlr)", se rappelle Isabelle Bérard en souriant.

Quand j'ai commencé il y a 20 ans, il n'y avait pas de vestiaires femmes, mes vestiaires étaient donc... les toilettes. Marlène Dulon, cheffe de centre de secours

Le manque d'adaptation aux femmes est partout, dans les casernes. "Quand j'ai commencé il y a 20 ans, il n'y avait pas de vestiaires femmes, mes vestiaires étaient donc... les toilettes", se remémore de son côté Marlène Dulon. "On s'est construites seules, sans modèle", souligne la volontaire.

Depuis son arrivée au sein des pompiers en 1983, Isabelle Bérard a elle aussi "perdu des plumes" au fil des années : elle a parfois dû attendre "trois à quatre fois plus longtemps" qu'un homme pour accéder à certains postes.

Dans les autres corps de métiers comme la police ou la gendarmerie, on note des taux de femmes officiers plus importants, soit respectivement de 24 % et de 18 % en 2016. 

"Invisibilité" 

"Les femmes commencent à sortir de l’invisibilité seulement maintenant", estime la lieutenante-colonelle, également animatrice au sein du groupe de travail dédié à l'égalité de la Fédération nationale des sapeurs pompiers de France (FNSPF).

On lui dit qu'elle est recrutée parce que c'est une femme, parce qu'elle répond à un quota. Isabelle Bérard

Pourtant, encore aujourd'hui, quand une femme accède à un poste, elle est "étiquetée": "On lui dit qu'elle est recrutée parce que c'est une femme, parce qu'elle répond à un quota", déplore Isabelle Bérard.

Une situation vécue aussi par Marlène Dulon, à sa nomination en tant que cheffe de centre en janvier 2023: "J'ai reçu une vague de haine sur les réseaux sociaux", assure-t-elle. Mais "la situation a bien évolué", dit-elle, pleine d'espoir. "J'aimerais être moteur pour les nouvelles générations".

C'est justement la lourde tâche du groupe de travail dédié à l'égalité du FNSPF, qui est parvenue à établir une feuille de route commune avec la sécurité civile pour une meilleure intégration des femmes.

"La feuille de route comporte cinq piliers", explique Schemseddin Hermi, référent national du FNSPF sur l'égalité: "accompagner les chefs", "le recrutement et tout l'aspect ressources humaines", "la formation (...) des cadres", "la communication interne et externe" et enfin "la lutte contre les discriminations". 

L'idée n'est pas "d'établir une discrimination positive mais de rétablir une égalité professionnelle", renchérit Isabelle Bérard. "La performance vient du collectif et le collectif, c’est l’équité", insiste-t-elle.

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