Pornocriminalité : affaire French Bukkake, un système de prédation organisé

Quand porno rime avec violence, torture, non consentement et traite d'êtres humains : l'affaire French Bukkake met en lumière un système de prédation bien rodé. Un piège dont ont été victimes plus d'une cinquantaine de femmes, filmées lors d'actes sexuels d'une violence rare, pour un site pornographique. Dix-sept suspects sont poursuivis pour viols aggravés.

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Affaire Bukkake : le porno français en accusation

Quand porno rime avec violence, torture, dégradation et traite d'être humain : l'affaire Bukkake met en lumière un système de prédation tout à fait rodé dont une cinquantaine de femmes ont été victimes. 

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Des actes sexuels violents qui "s'enchaînaient par surprise" sur des actrices recrutées par ruse : dix-sept hommes sont poursuivis pour avoir participé à un système à l'origine de viols aggravés sur des dizaines de femmes lors de tournages pour la plateforme pornographique French Bukkake.

La cour d’appel de Paris se prononce ce jeudi 14 décembre sur la tenue du procès des 17 accusés, après plusieurs recours intentés du côté des parties civiles comme des accusés. Si la torture est retenue comme circonstance aggravante, les accusés encourraient une peine plus lourde et comparaîtraient aux assises devant des jurés populaires, indique l'AFP. 

Âgés de 29 à 61 ans, dirigeant de la plateforme, associé, recruteur d'actrices, acteurs... Ils sont accusés de nombreux crimes et délits, dont viols en réunion, traite d'êtres humains en bande organisée ou encore proxénétisme aggravé. Quatre des mis en cause sont été placés en détention provisoire fin août.

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Une cinquantaine de victimes identifiées

Une cinquantaine de femmes victimes, en moyenne âgées d'une vingtaine d'années et ciblées pour leur précarité, ont été identifiées. Une quarantaine d'entre elles et quatre associations, Les Effrontées, le Mouvement du Nid, Osez le féminisme et la Ligue des droits de l'Homme, sont parties civiles.

L'enquête a révélé que les violences perpétrées contre ces femmes étaient systémiques. Me Lorraine Questiaux, avocate de la partie civile

"L'enquête a révélé que les violences perpétrées contre ces femmes étaient systémiques", souligne Me Lorraine Questiaux, qui représente plusieurs parties civiles dont Le Nid.

Ouverte en octobre 2020, l'information judiciaire s'est focalisée sur le "système" orchestré par Julien D., un Rémois de 42 ans, d'après l'ordonnance signée par deux magistrates parisiennes dont l'AFP a eu connaissance. Ses avocats n'ont pas souhaité commenter à ce stade.

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Un système de prédation organisé

Dans une industrie où de nouvelles actrices sont "rares et difficiles à recruter", Julien D. est accusé d'avoir incarné, entre 2013 et 2019, trois personnages virtuels successifs visant à appâter des jeunes femmes : une amie rassurante, Axelle Vercoutre, qui les persuadait de débuter dans l'escorting ; un dirigeant d'une agence soi-disant de luxe centrée sur cette activité qui les recrutait ; un prétendu client de cette agence qu'elles rencontraient ensuite pour un rapport tarifé.

Car toutes ces femmes ont beaucoup de points communs : très jeunes, elles vivent dans la précarité et ont connu un parcours tourmenté". Extrait de Complément d'enquête sur France 2

Julien D. est accusé par les juges d'avoir utilisé ce "stratagème" pour violer une trentaine de ces femmes, "rabattues" ensuite par Axelle Vercoutre vers des tournages principalement sous l'égide de deux figures du porno dit amateur, le dirigeant du site French Bukkake et réalisateur surnommé Pascal OP, ainsi que son associé connu comme Mat Hadix. 

"D'après les témoignages des plaignantes, tout commençait par une demande d'ami sur Facebook. Celle qui prend contact avec elles, une certaine Axelle Vercoutre, est une jeune femme de 22 ans au profil de mannequin. Elle poste sur sa page de magnifiques photos, témoins de sa vie de rêve entre la Belgique et Miami.", rapportent les journalistes de France 2 de l'émission Complément d'enquête.

On leur promettait alors une bonne rémunération, un bon traitement ainsi qu'une certaine discrétion avec une diffusion hors de France. Mais elles dénoncent avoir subi, sur place, de nouveaux faits de viols aggravés. Les films étaient ensuite diffusés via French Bukkake. "Sans méfiance, les futures proies la laissent devenir "omniprésente" dans leurs vies, dira l'une d'elles. Car toutes ces femmes ont beaucoup de points communs : très jeunes, elles vivent dans la précarité et ont connu un parcours tourmenté", explique la voix off du reportage de France 2.

"Sidération"

Pascal OP est aussi renvoyé pour proxénétisme aggravé pour avoir permis à des clients, qui payaient un abonnement à sa plateforme ou qui proposaient leur appartement comme lieu de tournage, de participer à des vidéos. Son avocate n'était pas joignable, précise l'AFP.

L'ordonnance souligne que "le système ne pouvait prospérer sans la participation des acteurs et d'autres réalisateurs qui profitaient des 2/3 jours de tournage de ces jeunes femmes avant que celles-ci ne soient grillées".

J'ai besoin aujourd'hui pour revivre que la barbarie, la haine sexiste et raciste dont j'ai été victime, soit reconnue et punie. Une plaignante

Nombre de plaignantes ont évoqué des tournages sous alcool et stupéfiants et décrit leur "sidération" en y découvrant le nombre de partenaires masculins et les actes sexuels à réaliser, qui "s'enchaînaient (...) par surprise", relèvent les juges. "Nous avons été torturées", avait assuré à l'AFP l'une d'entre elles. "J'ai besoin aujourd'hui pour revivre que la barbarie, la haine sexiste et raciste dont j'ai été victime, soit reconnue et punie."

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Circonstances aggravantes ?

De nombreuses parties civiles ont en effet demandé à la justice de retenir que les viols lors des tournages ont été accompagnés d'actes de torture, de barbarie et de racisme, mais les deux juges ont refusé.

Les circonstances aggravantes de torture et de barbarie auraient pu mener le dossier à la cour d'assises et permis, selon Me Questiaux, "un vrai débat, avec des jurés, pour le premier procès de crime contre l'humanité des femmes", ou selon Me Seydi Ba, qui représente une victime, "une audience d'intérêt public pour débattre sur les notions de viol et de consentement".

Des parties civiles entendent faire appel.

De leur côté, la plupart des mis en cause ont contesté avoir eu connaissance du système Axelle Vercoutre et assuré que les femmes étaient consentantes. Me Dylan Slama, avocat d'un acteur, espère pouvoir "enfin expliquer la réalité du parcours de (son) client, qui n'est pas celui d'un agresseur sexuel". "C'est une ordonnance sans surprise" après une enquête "exclusivement à charge", ont aussi réagi Mes Mourad Battikh et Antoine Ory, qui défendent un producteur et acteur à la "réputation irréprochable". Ils font appel "dès aujourd'hui".

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