Port du voile : que dit la loi française

Le port du voile à l'école est interdit par la loi en France depuis 2004. Laïcité d'Etat, voile islamique, ou intégral, en milieu scolaire, dans l'espace public, burkini, abaya... Les polémiques continuent d'alimenter le débat. Rappel. 

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femme voilée

Femme portant un foulard musulman devant le Conseil d'État, à Paris, le 26 août 2016, alors que le tribunal vient d'annuler l'interdiction du burkini sur les plages de Côte-d'Azur. 

 

 


 

©AP Photo/Thomas Padilla
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  • Laïcité d'Etat, un principe instauré depuis 1905 

Dès 1905, la loi française énonce qu’"il est interdit d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions". Disposition qui ne se prononce pas sur le port des signes religieux, mais que d'aucuns interprètent comme une interdiction de porter un signe religieux pour les fonctionnaires, employés de l'Etat. 
 
  • Voile à l'école : la polémique de 1989

A la rentrée de 1989, trois collégiennes sont exclues de leur établissement de Creil pour avoir refusé d’enlever leur voile au nom de leur religion. Le principal du collège estime, lui, que le port du voile est incompatible avec le principe de laïcité. Face au vide juridique qui entoure la question, le ministre de l’Education de l’époque, Lionel Jospin, saisit le Conseil d’Etat. Quelques semaines plus tard, l'institution statue que le port du voile islamique n’est pas incompatible avec le principe de laïcité et que l’exclusion du collège "ne serait justifiée que par le risque d’une menace pour l’ordre dans l’établissement". 
 
Il incombe donc toujours aux enseignants d’accepter ou de refuser le voile en classe. S'ensuivent plusieurs exclusions prononcées par des conseils de discipline d'établissements scolaires, certains recours allant jusqu'au Conseil d'État, sans qu'une jurisprudence claire n'en ressorte. 
 
  • Loi de 2004 : signes religieux ostentatoires interdits à l'école

En 2004, la France adopte une loi interdisant les signes religieux ostentatoires à l’école, dont le voile, s'inspirant des recommandations de la commission Stasi, chargée par le président Jacques Chirac de réfléchir à l'application du principe de laïcité dans le pays. 
 
  • Loi de 2011 

En 2011, la France est le premier pays à adopter une loi restreignant le port du voile et la dissimulation de visage partout dans l'espace public. "Nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage", stipule la loi française de 2011 – sauf si cette tenue est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou dans le cadre de pratiques sportives, festives, artistiques ou traditionnelles. Des amendes jusqu’à 150 euros d’amende sont prévues en cas d’infraction. 
 
  • 2013 : charte de la laïcité à l'école

En 2013, la première charte de la laïcité à l'école stipule notamment  que "le port de signes ou tenues par lesquelles les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit".
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En 2013, 902 personnes avaient été contrôlées et 830 avaient été sanctionnées par une amende, tandis que les autres en étaient quittes pour un avertissement. Selon le ministère de l’Intérieur, de 2011 à 2017, 1 977 contrôles ont été effectués sur un millier de femmes – souvent, les mêmes femmes sont contrôlées à plusieurs reprises – et ont donné lieu à 1 830 verbalisations et 145 avertissements. La plupart des contrevenantes sont des femmes entre 20 et 29 ans, certaines sont mineures. La majorité sont nées en France.
  • Et ailleurs ?

Emblématique en la matière, la loi française de 2011 n’est désormais plus isolée, même si, finalement, peu de pays dans le monde ont légiféré sur le port des signes religieux. 
 
L’exemple français a notamment été suivi par la Norvège. Puis plusieurs autres pays européens, comme l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Suisse, les Pays-Bas ou le Danemark ont interdit le voile intégral en public ou son port par les fonctionnaires.
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carte europé voile
Description

Pays interdisant la burqa en Europe en 2018

En foncé : interdit national – les pays interdisent des voiles intégraux. 

En rose :  interdit local – certaines villes ou régions interdisent des voiles intégraux. 

Orangé : interdit partiel – le gouvernement interdit les voiles intégraux dans certains endroits.

Crédits
wikipedia


Le monde anglo-saxon reste réticent à légiférer contre le voile. Les pays s’inscrivent souvent dans une culture et tradition plus "communautaristes" et reconnaissantes des religions, réservant à chacune de ses communautés ethniques et religieuses des droits spécifiques. Les États-Unis et la Grande-Bretagne, par exemple, protègent toute forme de voile. Entre deux, le Québec a pourtant à son tour adopté en 2017 une loi proscrivant le port du voile intégral dans les administrations et les transports publics."
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En 2016, la Cour européenne des droits de l'homme déboutait une Française de confession musulmane qui dénonçait l'interdiction du port du voile intégral. A l'inverse, les experts du Comité des droits de l’homme de l'ONU ont condamné la France, en 2018, pour avoir verbalisé deux femmes qui portaient le voile islamique intégral, et demandé à Paris de compenser les plaignantes et de réviser sa loi, sans résultat.

  • Enseignants et personnels de direction en première ligne

A la rentrée 2023, Gabriel Attal – l'actuel Premier ministre était alors ministre de l'Education – interdit le port de l'abaya, cette longue robe traditionnelle couvrant le corps, à l'école, au nom du respect de la laïcité. Nouvelles réactions violentes. En mai 2024, trois mineurs seront jugés à Paris pour avoir menacé de mort sur internet le proviseur d'un lycée d'Ivry-sur-Seine accusé d'avoir voulu retirer de force l'abaya d'une élève.

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Devenu Premier ministre, Gabriel Attal se trouve aujourd'hui face au cas du proviseur de la cité scolaire Maurice-Ravel, qui a dû quitter ses fonctions car menacé de mort après une altercation avec une élève. L'homme avait "rappelé à trois élèves leur obligation de retirer leur voile islamique dans l'enceinte de l'établissement afin de respecter la loi y interdisant les signes religieux ostentatoires". La plainte déposée par l'une de ces élèves contre le proviseur, qu'elle accuse de l'avoir violentée lors de l'incident, a été classée sans suite par la justice. 

Face aux menaces de mort reçues par le proviseur, qui résonnent d'un écho sinistre après les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard, l'Etat annonce qu'il va "porter plainte" pour "dénonciation calomnieuse" contre l'élève.

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Trois jours après l'annonce du départ du proviseur de Maurice-Ravel, un rassemblement est prévu ce 29 mars 2024 devant la cité scolaire Maurice-Ravel dans le 20e arrondissement de Paris, avant que les chefs d'établissements, "en première ligne", prennent la parole. De son côté, le principal syndicat des chefs d'établissements, le SNPDEN-Unsa invite à une conférence de presse sur le thème des "atteintes à la laïcité". Parce que les personnels de direction sont "en première ligne".

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