Echarpe en coton nouée autour du cou, cheveux mi-longs plaqués sur le crâne, visage tranquille. A 77 ans, le photographe Marc Garanger reste un homme de gauche. A la dernière élection présidentielle en France, il a voté pour le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Mais, la politique, il s’en méfie beaucoup et depuis longtemps. Depuis le jour où son ami écrivain
Roger Vailland, ancien compagnon de route du Parti communiste français, lui déconseilla d’adhérer au PCF.
« C’était en 1958 -1959 lors d’une soirée bien arrosée, se souvient Marc Garanger.
Vailland m’a dit : “il faut passer à autre chose, le communisme, c’est dépassé”. Lui même, cette année-là, n’avait pas renouvelé sa carte au parti. C’était un homme très visionnaire. » Cet ami cher lui avait aussi ouvert les yeux sur ce qu’étaient à l’époque, selon l’expression officielle, « les événements d’Algérie ».
« En en démontant les mécanismes, Vailland avait pointé que ce n’était rien d’autre qu’une guerre coloniale qui ne disait pas son nom. Pour moi, poursuit Marc Garanger,
c’était une guerre perdue d’avance, une idiotie. Je ne voulais pas faire cette saloperie. » A 25 ans, tous les sursis et recours épuisés, il a dû néanmoins s’y résoudre… en se jurant de témoigner de l’horreur de la guerre et de faire de la photographie son arme de résistance.