Portugal : un tribunal justifie des violences conjugales contre une épouse infidèle

En accordant des circonstances atténuantes à un époux qui a frappé son épouse à coups de bâton clouté, à la suite d’un adultère, le Tribunal de Porto a suscité un véritable tollé. Incitant le Conseil supérieur de la magistrature à ouvrir une enquête sur ce verdict qui "légitime les violences conjugales", selon les associations féministes portugaises.
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Violence conjugale
Le tribunal de Porto au Portugal excuse les violences physiques commises par un mari contre son épouse au motif que celle-ci a été infidèle.
(c) Capture d'écran Chaîne Youtube d'Esther Taillifet. Vidéo "Non à la Violence conjugale"
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Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) portugais a annoncé ce jeudi 26 octobre 2017, l'ouverture d'une enquête sur un verdict du tribunal de Porto (nord), deuxième ville du Portugal, justifiant la violence d'un homme par l'infidélité de son épouse.
 
Les juges ont en effet accordé en première instance des circonstances atténuantes à son époux qui l'a frappée à coups de bâton clouté, le condamnant à 15 mois de prison avec sursis et à une amende de 1.750 euros. 
 
L'adultère commis par une femme est une conduite que la société condamne et condamne fortement
Tribunal de Porto
Le jugement a été confirmé en appel alors que le ministère public réclamait une peine plus lourde de trois ans et six mois ferme.

"L'adultère commis par une femme est une conduite que la société condamne et condamne fortement", avancent les juges du tribunal de Porto, qui expliquent "comprendre la violence de l'homme, victime de cette trahison après avoir été vexé et humilié par sa femme".

Un jugement fondé sur la Bible

Pour motiver leur décision, les juges se sont même fondés sur la Bible dans laquelle expliquent-ils « nous pouvons lire que la femme adultère devait être punie par la peine de mort ». Le texte cite également la lapidation de femmes infidèles dans certaines sociétés et une loi portugaise de 1876 prévoyant des peines légères à l'encontre d'un homme qui tuait sa femme coupable d'adultère.

La victime avait trompé son époux avec un homme qu'elle a quitté deux mois après leur relation extra-conjugale. Ce dernier a ensuite dévoilé l'adultère au mari, et tous deux ont ensuite kidnappé puis séquestré la victime. Tandis que l'époux la rouait de coups, l'ex amant l'a maintenait au sol. C'est à la suite de ce rapt suivi de violences physiques graves, que la femme a porté plainte.

Pourtant, les juges invoqueront "l'immoralité sexuelle" de la victime.

Une décision qui légitime les violences conjugales

Ce jugement, rendu public lundi 24 octobre, a suscité un véritable tollé au Portugal.
"Nous sommes perplexes et révoltées", affirme l'UMAR (Union de Femmes Alternative et Réponse), qui à l'instar d'autres mouvements féministes comme l'APAV, association portugaise des femmes juristes, ou CAPAZES, qui se bat pour l'égalité des genres, "condamnent" le verdict.
 
"Cette décision légitime tout simplement la violence conjugale contre les femmes", a fait valoir l'UMAR dans un communiqué ajoutant qu'évoquer la Bible au cours d'un jugement constitue une atteinte "à l’Etat de droit dans lequel nous vivons".
 
A la suite de cette décision au Portugal, une pétition lancée sur les réseaux sociaux pour protester contre cette décision avait recueilli plus de 15.000 signatures de personnes s'estimant "choquées", tandis qu'un appel à manifester était lancé pour ce vendredi 27 octobre. 

Le silence des autorités

Invité à réagir, le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa, un conservateur, s'est contenté de rappeler qu'en tant que chef de l'Etat il se devait "de faire respecter la constitution (...) de 1976". 

De quoi susciter de vives réactions sur Twitter, comme cette internaute qui écrit : "Le Portugal revient des décennies en arrière en justifiant la violence, faîte à une femme. A quand la lapidation ?". Un autre partage tout son malaise : "J'ai mal et honte qu'un pays européen, membre de la CEDH justifie la violence conjugale par l’adultère de la femme."

Rappelons qu’il y a seulement quelques mois, en août 2017, la Cour européenne des droits humains avait épinglé des juges machistes portugais et condamné la Cour suprême administrative du Portugal à la suite d'une décision présentant une discrimination sexuelle flagrante : cette fois les juges refusaient de reconnaître le droit à une sexualité épanouie aux Portugaises de plus de 50 ans.
#yaduboulot encore et toujours
 Suivez Lynda Zerouk sur Twitter @Lylyzerouk