Pour ou contre imposer un "devoir de visite" aux pères ?

Droit ou "devoir" de visite ? En France, les parents de famille monoparentale sont très majoritairement des femmes. La proposition du président français d'imposer une visite paternelle dans le cas d'une séparation suscite le débat. 

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Devoir ou droit de visite paternelle

En France, seuls 12% des mineurs issus de familles séparées se trouvent en garde alternée à parité, selon des chiffres de l'Insee de 2020. Les autres vivent chez un seul de leurs parents, en majorité chez leur mère. 

©Pexel/Tatiana Syrikova
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Pas "réac" mais "nécessaire" : c'est le point de vue d'Aurore Bergé dans le débat suscité par la proposition d'Emmanuel Macron de réfléchir à un "devoir de visite" du père, dans les cas où la mère s'occupe seule des enfants après une séparation. "Évidemment, la question n'est pas de forcer une relation quand il y a un risque de violence, réagit la ministre chargée de l'Egalité femmes-hommes, dans les médias.

Dans une interview au magazine Elle, le président de la République dit vouloir ouvrir un débat sur l'instauration d'un "devoir d'accompagnement, jusqu'à l'âge adulte, des enfants", qui permettrait aux mères seules "d'exiger" l'implication et des visites régulières de leurs ex-conjoints.

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"Un déséquilibre de responsabilité"

La société s'est trop "accommodée à l'idée que des femmes pouvaient tout assumer toutes seules et que ce n'était pas bien grave" si les pères "se limitaient à une pension alimentaire que, parfois, ils ne payaient pas", ajoute Aurore Bergé. Le caractère monoparental de ces familles est souvent "subi", souligne-t-elle.

Quand l'ex-conjoint appelle le vendredi soir pour dire qu'il ne prendra pas les enfants le week-end, il ne se passe rien. Il n'y a pas de rappel de la responsabilité du père... C'est la mère qui doit tout assumer. Aurore Bergé, ministre chargée de l'égalité femmes-hommes

Et de donner l'exemple de femmes séparées que l'ex-conjoint "appelle le vendredi soir" pour dire que "ce week-end, finalement, il ne prendra pas les enfants". Dans ces cas-là, "il ne se passe rien. Il n'y a pas de rappel de la responsabilité du père" ni de "sanctions", et "c'est la mère qui doit tout assumer", regrette la ministre. A l'inverse, lorsque les mères "refusent la présentation d'un enfant parce qu'il y aura un risque de violence, immédiatement on leur rappelle la loi", ajoute-t-elle, dénonçant un "déséquilibre de responsabilité". 

Ce "devoir de visite" pourrait se concrétiser de diverses manières, précise-t-elle, comme des "sanctions pour les pères qui devaient déjà assumer leur droit de visite et ne l'assument pas".

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Une fausse "bonne idée" ?

Cette proposition a soulevé des interrogations chez des associations, inquiètes que ces visites obligatoires n'aillent pas toujours dans l'intérêt des familles, notamment en cas de séparations conflictuelles ou de violences intrafamiliales.

"Devoir de visite = idée dangereuse : un homme violent, abusif, défaillant n’est pas un bon père. Le bon objectif : l’intérêt supérieur de l’enfant. Avec ou sans père", écrit sur X l'association Osez le féminisme.

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Selon la dernière étude de l'Ined (Institut national d'études démographiques) sur le sujet, la prochaine étant attendue dans un an, près d'un mineur sur dix ne voyait plus son père en 2005. Et nombreux sont ceux qui ne le rencontrent que de manière plus ou moins intermittente. 

Seuls 12% des mineurs issus de familles séparées se trouvent en garde alternée à parité, selon des chiffres de l'Insee de 2020. Les autres vivent chez un seul de leurs parents, majoritairement leur mère (86%), avec très souvent un droit de visite et d'hébergement accordé aux pères (en général un week-end sur deux et la moitié des vacances).

Droit ou devoir de visite

Un droit utilisé "selon leurs envies" par certains pères, sans conséquence pour eux, déplore Sarah Margairaz, cofondatrice de l'association Collective des mères isolées. 

Une dissymétrie des droits et devoirs malsaine. Sarah Margairaz, cofondatrice de l'association Collective des mères isolées

Elle souligne en revanche l'impact "psychologique pour l'enfant, qui attend (en vain) à la porte", et pour la mère, dont l'emploi du temps dépend des choix, parfois à la dernière minute, de son ex-compagnon et qui risque de son côté 15 000 euros d'amende et un an de prison en cas de non-présentation. Une "dissymétrie des droits et devoirs malsaine", selon elle.

La militante juge impensable d'accorder un droit et encore moins un devoir de visite à un père violent ou maltraitant. Et contre-productif "de forcer un homme qui n'a pas envie de s'occuper de son enfant à le faire". Selon elle, un père n'assumant pas ses responsabilités devrait se voir retirer au moins partiellement l'autorité parentale afin de libérer la mère de la nécessité de "lui demander son autorisation pour tout", du voyage scolaire aux examens médicaux.

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Médiation et soutien à la parentalité

La proposition d'Emmanuel Macron suscite aussi le scepticisme chez certains spécialistes, qui plaident pour que les pères soient aidés autrement à investir leur rôle, notamment via la médiation.

 Il y a des pères qui se désengagent parce qu'ils n'ont pas envie d'assumer leur paternité, d'autres parce qu'ils sont dans une situation de séparation extrêmement conflictuelle. Serge Hefez, psychiatre, spécialiste de la famille

"C'est une idée de com' (...) Parler du devoir (de visite) des pères, c'est mettre une espèce d'injonction morale dans des situations concrètes qui sont parfois très complexes, déclare à l'AFP le psychiatre Serge Hefez. Il y a des pères qui se désengagent parce qu'ils n'ont pas envie d'assumer leur paternité, d'autres parce qu'ils sont dans une situation de séparation extrêmement conflictuelle", d'autres encore dans l'incapacité matérielle de le faire, souligne ce spécialiste de la famille. 

"Avant de parler d'amendes, il faut parler de prévention : avant de forcer (les pères), il s'agit de les inciter" à prendre leur place, estime-t-il. Un dispositif de soutien à la parentalité (médiation, points écoute...) a été mis en place en 1999, mais il "ne fonctionne pas suffisamment, car il n'est pas assez connu ni assez subventionné", alors qu'il peut donner de bons résultats, regrette le psychiatre.

Une double responsabilité

"La difficulté de l'accès à l'enfant est à la fois de la responsabilité de la mère et du père", souligne Audrey Ringot, vice-présidente de l'association pour la médiation familiale (APMF). 

C'est vrai, des pères ne prennent pas les mesures suffisantes pour rencontrer régulièrement leur enfant, mais il arrive aussi, et dans de nombreuses situations, que les mères empêchent cet accès. Audrey Ringot, médiatrice à Lille

"C'est vrai, des pères ne prennent pas les mesures suffisantes pour rencontrer régulièrement leur enfant, mais il arrive aussi, et dans de nombreuses situations, que les mères empêchent cet accès", ajoute cette médiatrice exerçant à Lille.

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En cas de conflit, les parents utilisent chacun une arme : "Je ne paie pas la pension alimentaire" pour le père (le plus souvent) ; "Je ne présente pas l'enfant" pour la mère, affirme-t-elle. La médiation, souvent financée par l'Etat, permet "de mettre en mots les difficultés vécues" et peut conduire à un "apaisement familial".

"Il y a des pères en colère, qui disent 'on m'enlève tous mes droits parentaux, je ne suis là que pour payer'", souligne Fatimata Sy, fondatrice des Gilets Roses, un collectif de mères engagées à Corbeil-Essonnes (Essonne) pour prévenir la violence dans les quartiers. Elle plaide pour "responsabiliser les pères", en accordant au maximum la garde alternée pour qu'ils participent à l'éducation des enfants. 

Selon la CAF, la Caisse d'allocations familiales, 20% des pensions alimentaires étaient totalement impayées au début 2024.

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