#Poureux, le mouvement citoyen français né à Lyon d'une idée généreuse et financé de façon participative, a essaimé dans les grandes villes françaises Bordeaux, Lille ou Montpellier, et au delà, jusqu'en Belgique. Liège ou Bruxelles ont également leurs réseaux de distribution. Le principe : quiconque préparant ses repas peut rajouter une portion pour l'offrir à une personne à la rue, puis un réseau de volontaires les distribue, dans le respect des règles de distanciation sanitaire.

Si la majorité des personnes à la rue sont à 92% des hommes, ce sont à 78% des femmes qui se mettent aux fourneaux pour leur conconcter des repas. A Paris, quelque 450 repas sont ainsi distribués tous les jours. Femmes, couples, jeunes ou vieux, tous ces bénévoles ont vu dans ce simple geste de partage le moyen de briser l'isolement des démunis, mais aussi le leur. Au niveau national, les associations qui viennent en aide aux SDF estiment leur nombre à 200 000 hommes, femmes et enfants.

Les filles de GOW se sont emparées du projet. Eleonore gère le compte Twitter et
Kai la logistique, qui est un vrai défi. Dans quoi conditionner des repas pour respecter les normes de salubrité ? Des contenants ont été offerts par des entreprises : MB Pack, Délice et créations... L'Atelier du vélo à Bastille dans le 4ème arrondissement de Paris prête son local pour stocker et récupérer les contenants, mais aussi des produits d'hygiène de base pour les sans-abris.
Les Parisiennes de GOW ont faits des émules dans d'autres métropoles. Charline à Lyon, Melissa et Garance à Lille, une force de frappe féminine qui s'est peu à peu organisée. "Au début, on fonctionnait à l'arrache, maintenant on rencontre les nouveaux livreurs, on leur explique la philosophie du projet. Mais on continue à travailler en autonomie, c'est l'état d'esprit d'Allan", explique Mélissa. Allan Ballester est celui qui a fait naître ce mouvement citoyen.
Lui se définit comme un entrepreneur "responsable et conscient". Il est le fondateur de Tepee.pro, une start-up qui met en relation des voyageurs professionnels pour des échanges de logement participatif. Le montant économisé sur la nuit d’hôtel est reversé à des sans-abris. On peut le dire : le collaboratif, c'est le dada d'Allan Ballester. Le mouvement né de la crise du Covid-19, #Poureux, est parti de Paris, mais il a essaimé comme une trainée de poudre dans les régions françaises.
Occitanie. Le mouvement #PourEux propose des repas aux sans-abri à Toulouse et Montpellier https://t.co/vTeSUSpiC4 via @Toulouse Infos
— Toulouseinfos (@Toulouseinfos) May 1, 2020
"Si tu peux, mets ; si tu ne peux pas, prends"
Une belle solidarité qui rappelle le mouvement des "paniers suspendus" napolitains, ces paniers de nourriture montant et descendant des balcons. Pendant le combat contre le coronavirus, Naples avait aussi livré une bataille solidaire contre la misère. Le riche nord italien a été bien plus touché par l'épidémie que les régions pauvres du Sud mais dans ces dernières, le souci alimentaire était devenu le problème majeur, comme dans le Mezzogiorno.

Le Allan Ballester local se nomme Angelo Picone, un riverain très impliqué dans la vie associative napolitaine et président d'une association d'artistes de rue. Le "Capitaine", comme on l'appelle, a expliqué s'être lui-même inspiré d'un médecin napolitain du XXème siècle, Giuseppe Moscati. Selon la légende locale, le praticien, depuis béatisé, tendait son chapeau en fin de consultation. Les patients qui avaient de l'argent payaient, ceux qui n'en avaient pas prenaient. Si l'on en croit son maire, Naples a tenu aussi "parce que toutes ces années, un réseau civique et de solidarité populaire s'est bâti", explique Luigi de Magistris.

Italie et France : 2 pays très touchés par l'épidémie, 2 pays qui ont vu mûrir une prise de conscience sociale, renforcée par le Covid. Les paniers suspendus sont depuis arrivés en France, à la mi-avril. La Bretagne s'est lancée via l'association "La Maison des citoyens Rennes et sa Métropole" : elle a appelé à déposer des paniers en bas de chez soi ou dans la rue, avec des denrées alimentaires, d'hygiène ou des livres pour les personnes en difficulté. Public visé : les SDF, comme le fait #Poureux, mais aussi des étudiants ou des mères seules. "C’est magique ce qui se passe, s'enthousiasme Sadia Alami, présidente de l'association. On a juste fait un copier-coller de ce qu’on a vu à Naples pour voir si l'action pouvait voyager jusqu’à Rennes." Certains des rares magasins ouverts, supermarchés ou boulangeries, ont accepté des paniers devant leur magasin. "On lance une sollicitation générale", ajoute la responsable de la "Maison des citoyens rennais" qui rêve maintenant de pleins caddies "suspendus" dans les commerces.
Le mouvement des Cafés suspendus avait timidement débuté bien avant l'épisode de Coronavirus, un geste qui consiste à commander un café et à en payer deux, un pour soi et un autre pour un client démuni qui en fera la demande. Peut-on imaginer une prise en compte européenne de l'exclusion ou de la grande pauvreté ? Les associations à l'origine de ces beaux gestes se prennent à rêver d'une solidarité qui perdurerait enfin au-delà du déconfinement.