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Selon l’association Règles élémentaires, près de quatre millions de femmes, soit deux fois plus qu’en 2021, souffriraient en France d’un manque de produits d’hygiène intime. Des produits considérés comme de première nécessité seulement depuis 2016. Parmi elles, les plus jeunes et les mères célibataires sont les plus touchées. Elles sont près d’1,7 million à souffrir de précarité menstruelle.
"C'est impensable que les femmes ne puissent pas avoir les protections qu'elles souhaitent, lance Elisabeth Borne. Je vous annonce que nous allons mettre en place le remboursement par la sécurité sociale des protections réutilisables à partir de l'an prochain pour les femmes de moins de 25 ans", poursuit la Première ministre française, invitée sur le plateau d'une émission de la chaine France 5, lundi 6 mars 2023.
"Nous allons mettre en place un remboursement par la Sécurité sociale des protections périodiques réutilisables à partir de 2024 pour toutes les jeunes femmes de moins de 25 ans"
— C à vous (@cavousf5) March 6, 2023
Précarité menstruelle :@Elisabeth_Borne dans #CàVous pic.twitter.com/51YMMGkWgk
Cette gratuité ne sera possible que pour les achats faits en pharmacie, sans ordonnance. Le remboursement intégral devrait donc concerner les serviettes hygiéniques, les protège-slip et les tampons lavables, ainsi que les coupes menstruelles. Jusqu'à présent, certaines mutuelles prenaient en charge le remboursement des culottes menstruelles.
Après une expérimentation dotée d’un million d’euros en 2020, comme en 2021, l’État a porté à cinq millions d’euros le budget consacré à la lutte contre la précarité menstruelle en 2022 pour soutenir des actions auprès des femmes précaires, en particulier les publics hébergés à l’hôtel ou à la rue.
En février 2021, la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, avait annoncé l’installation de 1 500 distributeurs de protections hygiéniques dans les résidences universitaires, les Crous et les services de santé universitaires.
Retrouvez notre article ►Précarité menstruelle en France : des protections gratuites pour les étudiantes
Selon l'enquête récente menée par l'association Règles élémentaires avec Opinion Way (étude réalisée auprès de 1 022 Femmes âgées de 18 à 50 ans menstruées représentatives de la population des femmes âgées de 18 à 50 ans du 13 au 24 février 2023, ndlr), ce sont encore et toujours les jeunes femmes qui sont les premières victimes. Près d’un tiers des moins de 25 ans n’ont pas les moyens de s’acheter des protections périodiques en quantité suffisante.
30% des Françaises de 18 à 24 ans ont même dû renoncer à s'acheter des protections périodiques. "Elles ont recourt au système D, ça va être de mettre du papier toilette ou du tissu dans la culotte, parfois même rien du tout. Et donc de ne pas sortir de chez elles", rapporte Justine Okolodkoff, responsable sensibilisation et plaidoyer à l'association Règles élémentaires, jointe par Terriennes.
(Re)lire notre article ► Covid et précarité menstruelle, les étudiantes les plus touchées en France
Et plus on est jeune, plus l'impact est lourd au quotidien. Une adolescente sur deux a déjà manqué l'école pendant ses règles, et pas seulement en raison des douleurs, mais aussi par manque de protections périodiques.
Pour l'association, l'annonce faite par Elisabeth Borne est donc évidemment une bonne nouvelle. "On est même assez surprises de l'ampleur de ce qui est proposé par rapport aux autres dispositifs mis en place préalablement. On attend donc encore les modalités de cette mesure", réagit la militante.
… toujours selon notre enquête, elles sont 3M à avoir plus de 25 ans et à être en situation de précarité menstruelle. Il ne faut pas les oublier et prendre des mesures fortes pour que toutes les personnes qui ont besoin, puissent avoir accès à des protections périodiques !
— Règles Élémentaires (@RElementaires) March 7, 2023
Pour 47% des femmes menstruées, cette situation est nouvelle. Et les perspectives sont plutôt sombres au vu de l'inflation qui sévit actuellement et qui risque de durer. "Aujourd'hui, si rien n'est fait, plus de 1,2 millions de femmes pourraient basculer dans la précarité menstruelle dans les 12 prochains mois ; il y a une inquiétude globale liée à l'inflation", alerte Justine Okolodkoff.
"La mesure annoncée par la Première ministre ne doit pas omettre que ce sont toutes les femmes les plus précaires qui ont besoin d'aide, donc aussi les plus de 25 ans et les mères célibataires, ajoute-t-elle. On va aussi veiller à ce que ce soit mis en place sur les populations les plus en difficulté".
Quid des fabricants, qu'il s'agisse des grandes marques ou des plus petites ? "Nous sommes en lien avec eux uniquement quand ils nous font des dons, mais il faudrait réfléchir à ce que ces marques s'engagent à mettre en place des mesures pour faire face à l'inflation", relève la jeune femme. Des promotions, des paniers gratuits ? "Dans le panier anti-inflation qui avait été envisagé par le gouvernement, on a regardé si les protections périodiques étaient prises en compte, mais on n'a pas pu vraiment obtenir d'information précise sur ce sujet ; on n'a pas l'impression que ça s'est vraiment démocratisé ni qu'une décision globale a été prise de bloquer les prix des protections", regrette-t-elle.
Quant aux distributeurs installés dans les collèges et lycées, "ça reste un dispositif d'urgence qui vient palier des manques ponctuels de protection... On constate que dans certains endroits la logistique n'est pas encore au point, qu'ils ne sont pas rechargés, mais dans d'autres, ça marche bien et ça permet aux élèves de se soulager de la charge menstruelle au quotidien", tient à conclure la membre de Règles élementaires.
Pour Coline Mazeyrat, co-fondatrice de Jho (Juste et Honnête) créée en 2018, l’annonce d'Elisabeth Borne est une très bonne nouvelle "car on parle des règles ! La Première ministre qui parle des règles, génial. C'est déjà une belle avancée contre la précarité menstruelle."
Pour la jeune femme, cette mesure constitue une première étape, "j’ai bon espoir que cette annonce ne portera pas seulement sur les produits réutilisables, car il n’y a pas deux personnes menstruées pareilles, pas deux personnes qui utilisent les mêmes produits".
Cette marque qui revendique une fabrication et des produits 100% français bio et engagés reste encore peu référencée en pharmacie. Le gros de ses ventes se fait sur internet et dans des boutiques. Il s'agit d'un marché fortement concurrentiel, avec des coûts de fabrication qui restent importants notamment avec l'envolée du prix des matières premières. Un marché marqué par l'arrivée de nouvelles marques "avec des compositions pas toujours clean. Il y a eu pas mal de dérives, avec des culottes fabriquées très loin et donc avec un impact carbone pas top et des produits pas vraiment bio". Pour une culotte menstruelle, fabriquée en Europe, il faut compter 30 euros. "En dessous de ce prix, ça veut dire qu’elle n’est pas fabriquée en France, que ce n’est pas du coton bio, donc potentiellement néfaste pour la santé, car il faut rappeler que ce sont des produits en contact avec des zones intimes", précise l'entrepreneure.
Depuis sa création il y a cinq ans, l'entreprise a reversé 140 000 euros de son chiffre d'affaires à des organisations qui viennent en aide aux femmes. Elle collabore aussi de manière ponctuelle avec Règles élémentaires en faisant des dons de produits périodiques, ou en participant à des campagnes d'affichage.