Elle va et (re)vient dans la lumière médiatique au gré des présidentielles. Voilà une femme politique dont on ne parle pas, ou peu, qu'on ne voit pas ou peu, exception faite donc de l'obligation des temps de parole officiels durant les campagnes électorales. Nathalie Arthaud est pourtant, avec Marine Le Pen, Christiane Taubira, Anne Hidalgo, et Valérie Pécresse, l'une des cinq femmes candidates pour 2022, et c'est sa troisième candidature à une présidentielle.
, lance la candidate dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Et pour y parvenir,
Voilà une formule que "les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre"... Respectueuse d'une tradition instaurée par Arlette Laguiller, celle qui a repris son flambeau débute ainsi la plupart de ses discours.
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Trois tentatives, et une allure qui a un comme un petit goût de déjà vu. Même style, des tenues sobres, jamais de tailleur veste-pantalon, (et encore moins de jupe !), des cheveux courts . Mais surtout au delà des apparences, un parler simple, la langue des "Travailleurs-ses", et un ennemi, le capitalisme. Impossible pour Nathalie Arthaud de sortir du sillon creusé par Arlette Laguiller, bien au contraire, la candidate 2022 honore au quotidien l'héritage de cette pionnière. Celle qui fut la voix et le visage de Lutte ouvrière pendant 35 ans, a été
Dans le sillage d'Arlette
Qu'est-ce qui a conduit Nathalie Arthaud sur le chemin d'une carrière politique ? Rien ne semblait l'y prédestiner, comme elle le dit elle-même lorsqu'elle remonte le fil de son parcours. Elle naît le 23 février 1970 à Peyrins, un village de la Drôme :
"Mes grands-parents, maternels comme paternels, travaillaient la terre et mon père était garagiste. Je fréquentais donc essentiellement un milieu d’artisans et de petits commerçants, enracinés depuis plusieurs générations dans la région".
On me disait qu'on ne pouvait rien faire, alors que c'était une question de volonté politique !
Nathalie Arthaud, dans Le Monde, 2017
"Si vous nous croyez tous issus du même moule, eh bien vous vous trompez", déclare-t-elle dans une interview accordée au
Monde en avril 2012,
"Moi, je suis arrivée à LO par le catholicisme. Mes parents, qui sont des gens généreux, m'ont appris, à travers le catholicisme, l'action pour les autres et l'indignation". Elle confie s'être engagée
"quand (elle avait) 16 ans, au moment de la famine en Éthiopie". "On me disait qu'on ne pouvait rien faire, alors que c'était une question de volonté politique", ajoute-t-elle,
"je me suis dit que cette société était la mienne, et que si je n'en n'étais pas contente, je n'avais qu'à agir".
Âgée de 18 ans, alors lycéenne en sport-études, elle découvre Marx et "les idées communistes". Son militantisme de terrain débutera en 1988 en distribuant des tracts de Lutte ouvrière à la sortie des entreprises ou dans les quartiers de l'agglomération lyonnaise.
En 2007, elle devient la porte-parole de la candidate Laguiller à la présidentielle. C'est en décembre de l'année suivante qu'elle est désignée porte-parole nationale du parti, puis elle dirigera la liste de Lutte ouvrière pour les élections européennes de 2009.
Entre 2008 et 2014, elle est conseillère municipale de Vaulx-en-Velin. Candidate au scrutin présidentiel de 2012, elle obtient 0,56 % des voix. Cinq ans plus tard, elle obtient 0,64 %.
Candidate et prof
Agrégée d'économie et de gestion, elle détient un certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement technique (CAPET), afin d'enseigner dans des lycées technologiques. D'abord enseignante dans un lycée de la région lyonnaise, elle est professeure depuis 2011 au lycée Le Corbusier à Aubervilliers.
Moi, je travaille à Aubervilliers. Je peux vous dire que ces jeunes savent de quoi je parle : le chômage, la précarité, les bas salaires et la misère…
Nathalie Arthaud, sur Europe 1
Une de ses particularités est qu'elle est la seule à continuer son activité, à raison de deux matinées de cours par semaine, pendant la campagne, (avec le candidat Philippe Poutou en 2017). "Je ne gagne pas d'argent en faisant de la politique", lance-t-elle au micro d'Europe 1 durant sa précédente campagne. "Moi, je travaille à Aubervilliers. Je peux vous dire que ces jeunes savent de quoi je parle : le chômage, la précarité, les bas salaires et la misère… C'est leur vie."
Sur sa vie privée, elle tient à rester discrète. Rejetant en bloc le fait que les élections tournent autour des personnes, elle dit détester tout ce qui touche à l'égo en politique, comme elle l'a plusieurs fois répété dans les médias. En 2017, au cours d'une émission de radio, elle confie qu'elle partage la vie de quelqu'un, avec qui elle habite en Seine-Saint-Denis. Sans enfant, elle affirme assumer totalement ce choix "personnel".
Comme tout-e bon-ne candidat-e à la présidentielle, chacun-e se doit de rendre publique sa déclaration de patrimoine. En 2017, reprise sur le site des Echos, on y apprend qu'elle est propriétaire d'un appartement de 48 m2, acheté en 2009, valorisé à 248.700 euros. Un bien acquis à l'aide d'un crédit logement, contracté à deux, qu'elle remboursait encore en 2017.
Défendre le monde du travail et les opprimé-e-s
"Cette campagne est complètement à l'extrême droite", s'insurge la candidate de Lutte ouvrière sur FranceInfo fin janvier 2022. Elle se désole que
"les intérêts du monde du travail" ne soient pas présents dans les débats,
"C'est d'abord l'histoire des prénoms, puis la polémique des drapeaux qu'on accroche sur l'Arc de triomphe. Mais où sont les intérêts du monde du travail dans tout ça ?".
Comme un leitmotiv, depuis sa première candidature, son ambition "présidentielle" est d'augmenter le pouvoir d’achat des Français-se-s. Elle veut instaurer un Smic (salaire minimum) à 200 euros, la gratuité des soins ou encore interdire les licenciements. Elle souhaite également rétablir la retraite à 60 ans et à l’international, et mettre fin aux opérations militaires françaises en Afrique et au Moyen-Orient. Lever le secret bancaire et interdire la chasse à courre figurent aussi sur son programme.
Sachant qu'elle n'a aucune chance d'être élue, elle tient tout de même à être de la course. Car pour elle, sa candidature permet de renforcer et légitimer le combat que
"tous les travailleurs ont à mener au quotidien". Comme ceux des "gilets jaunes", dont elle s'était ouvertement déclarée solidaire.
"Je milite pour que le mouvement des gilets jaunes se développe dans les lieux de travail et en pointant la responsabilité de la classe capitaliste.", confie-t-elle sur le site de
Regards.fr, en décembre 2018 au plus haut du mouvement de contestation, estimant qu'il y a
"un mécontentement et une révolte profonde dans la société". Aujourd'hui, en France beaucoup ne mangent pas à leur faim, et beaucoup n'ont pas le choix en allant chercher leur panier repas au Secours populaire.
Nathalie Arthaud, sur LCP
Loin des profondeurs du mécontentement des électeurs-trices, aujourd'hui à gauche, c'est le buzz qui fait le débat dans les sphères médiaticopolitiques. Le candidat du Parti communiste, Fabien Roussel, met en avant ses préférences culinaires, "le bon vin, le bon fromage, la bonne viande". Voilà de quoi assouvir l'appétit féroce des réseaux sociaux et plateaux tv ! Invitée à réagir à cette polémique lors d'une émission sur
LCP, la porte-voix des "opprimé-e-s", elle préfère rappeler qu'en France,
"aujourd'hui, beaucoup ne mangent pas à leur faim, et beaucoup n'ont pas le choix en allant chercher leur panier repas au Secours populaire". "Alors qu'on annonce des profits incroyables, on vient piquer 200 ou 300 euros dans les allocations des chômeurs ! Une situation qui entraîne beaucoup de colère dans les classes populaires, alors elle s'exprime.", avait-elle lancé en septembre dernier,
dans le 64' sur TV5monde, alors qu'on lui demandait de réagir peu après le jet d'un oeuf sur la personne du président de la République.
Rien de surprenant de sa part. Tout au long du quinquennat Macron, la cheffe de LO a marqué de son soutien les différents mouvements de contestation populaire, qu'il s'agisse des gilets jaunes mais aussi contre la réforme des retraites ou encore lors des rassemblements plus récents contre le passe sanitaire anti-COVID, ou lors des mouvements de grève à l'Education nationale.
"Quand on est dans le monde du travail, on ne demande pas la charité, on veut pouvoir vivre de son salaire", répète-t-elle lors de ses interventions dans les médias et sur les réseaux sociaux,
"On ne veut pas des miettes !".
Un féminisme anti-capitaliste "volontariste"
Nathalie Arthaud qualifie sa désignation à la tête du parti de choix "féministe volontariste" : "C'est une politique volontariste que nous assumons complètement, y compris nos camarades hommes. Ils en sont même fiers. Je vous rappelle qu'Arlette Laguiller a été la première femme à se présenter à l'élection présidentielle, signe que Lutte ouvrière a toujours été en pointe sur cette question".
Sur le site officiel du parti, une page est consacrée au combat pour les droits des femmes. "La lutte contre l’oppression des femmes fait partie de notre combat de militants communistes révolutionnaires. Elle est liée à notre combat contre l’exploitation capitaliste, car le patronat s’appuie sur toutes les inégalités, et en particulier celle entre hommes et femmes, pour tirer les salaires et les conditions de travail vers le bas et diviser le monde du travail", est-il écrit.
Mais parmi ses prises de position, celles concernant le port du voile - un sujet qui revient au gré des polémiques- peuvent paraître plus confuses. Toujours sur le site, on peut lire ces quelques courtes phrases : "Nous nous opposons aussi aux pressions pour le port du voile et aidons, dans la mesure de nos moyens, les femmes qui veulent rejeter ce symbole de soumission". En 2019, sur le plateau de LCI, on lui demande de commenter une affiche d'un syndicat de parents d’élèves (le FCPE, ndlr) sur laquelle on voit une femme portant un foulard avec comme titre "Oui je vais en sortie scolaire et alors ?". La porte-parole de Lutte ouvrière y voit "la revendication d’avoir la liberté de porter le foulard dans ce cadre là. Moi je ne fais pas partie de ceux qui revendiquent le port du voile ou qui le banalisent. Parce que pour moi ce n’est pas revendiquer une liberté, parce que le voile ce n’est pas une liberté. C’est d’abord une oppression".
Aucun flou en revanche concernent le droit pour l'avortement, Nathalie Arthaud rappelle l'engagement de son parti aux côtés des mouvements féministes de la première heure dès les années 70 et notamment au sein du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), tout en s'inquiètant des menaces qui pèsent actuellement sur ce droit. Et de rappeller que l'inégalité sociale entre les femmes et les hommes est liée "en particulier à l’apparition de la propriété privée". Pour elle, "La révolution et le passage au socialisme ne seront pas possibles sans la participation des femmes des classes populaires".
En tant que "femme issue des classes populaires", Nathalie Arthaud sait que sa candidature ne mènera ni elle ni la révolution jusqu'aux ors du Palais de l'Elysée. "Marx a vu l'écrasement de la Commune, pas la révolution ouvrière, et moi, je ne verrai peut-être rien du tout. Mais il n'y a pas de petits combats, et l'essentiel, c'est de toujours lever haut le drapeau" confiait-elle au Monde. Pas de petits combats, mais une "petite" candidate et fière de l'être.